Par ce récit autobiographique, l'auteur nous raconte 8 mois de son expérience d'hivernage dans l'état de l'Idaho. Pour le compte d'un organisme exploitant les rivières, il devra surveiller une pépinière de 2,5 millions d’œufs de saumons implantés dans un bras entre deux rivières, de la mi-octobre 1977 à la mi-juin 1978. A l'époque, Pete Fromm n'a pas encore 20 ans ; il aime passionnément la nature, cependant vivre seul en pleine montagne et en plein hiver est une expérience difficile pour tout néophyte, et Pete en est vraiment un.
Confronté au monde sauvage, en compagnie de sa chienne Boone, Pete commet de nombreuses erreurs, certaines pourraient même lui être fatales. En effet, par naïveté d'inexpérimenté il se trompe, cependant, en bon autodidacte, il sait en tirer des leçons ; malgré tout il échoue encore, avant de se relever une nouvelle fois. Au sortir de son hivernation, le jeune homme du début s'est petit à petit métamorphosé en un autre homme. La nature l'a révélé à lui-même, dorénavant, son optique du monde sera différente.
Avec intelligence, l'auteur développe, entre autre, le thème de l'amour inconditionnel de la solitude et de l'épanouissement qui en découle. De surcroît, évoluant dans un espace sauvage pendant de longs mois, le retour à la civilisation ne peut, dés lors, s'opérer sans souffrance. Longtemps après, niché au plus profond de sa conscience, l'appel de la forêt sera toujours là, comme l'écrivait si bien un certain Jack London. En toute logique, une réflexion sur notre monde outrancièrement consumériste est inévitable. A-t-on réellement besoin de tout ce confort moderne pour être simplement heureux ? Le vrai bonheur n'est-il pas au cœur de la nature même ?
Autre thème sensible : le monde de la chasse, et en corollaire, celui inhérent de ses abus, comme tuer pour le plaisir, interroge profondément le lecteur de 2020. Pourquoi faut-il toujours assassiner plutôt qu'admirer ? Au nom de quel précepte fallacieusement viril voit-on tous ces chasseurs tuer impunément des animaux dont la beauté devrait plutôt leur sortir l’appareil photo ? Quelle est cette maladie affective qui leur empêche d'être insensible à la beauté du monde ?
Psychologiquement, Pete fait défiler ses états d'âmes, comme être loin de la civilisation quand les fêtes de Noël approchent. Il nous fait partager ses incertitudes, son embarras, ses réflexions, et tous ces petits cadeaux de la nature qui se transforment en joie excessive, ou ses moments de doute qui gâchent des journées entières, bêtement.
En lecteur emphatique, ses maladresses m'ont amusé, mais j'ai tremblé plus d'une fois devant son comportement inconscient. En effet, par -40°, le danger étant partout, difficile de rester stoïque devant les prises de risques imprudentes du jeune novice. C'est la raison pour laquelle ce récit est touchant, jamais l'auteur ne se met en scène, il expose les situations telles quelles sont, sans ambages. Son amour de ce coin reculé de l'Idaho, lui fait un temps hésiter à revenir au milieu de la foule, de l'urbanité et du progrès. Les vrais bonheurs sont des bonheurs simples.
A noter que c'est le hasard de la vie qui a amené Pete Fromm à suivre des cours d'écriture, y prenant un vrai plaisir, l'auteur s'engagera petit à petit dans cette voie, avant de voir longtemps après ses premiers textes enfin publiés.
Avec India creek, c'est une grande bouffée d'air glacial qui est au rendez-vous ; dépaysement garanti sans fioriture ampoulée ni grandiloquence. La vie y est contée au plus simple par un candide jeune homme dans un univers incessamment modelé par celle qui sera éternellement plus forte que l'Homme : Mère nature.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire