" L'année du lion " de Deon Meyer 18/20
Oeuvre dystopique, tout à la fois haletante mais terriblement actuelle.
Un virus foudroyant a décimé les neuf dixièmes de l'humanité. En Afrique du sud, sous l'égide d'un humaniste nommé Willem Storm, une nouvelle communauté se forme, humble, autonome et bientôt prospère. Rapidement, elle attire la convoitise de tout ceux qui n'aspire qu'à profiter, par la violence, du bien d'autrui.
Tout le roman est porté par la voix du fils de Willem Storm : Nico. Celui-ci, âgé maintenant de 47 ans, âge où son père fut assassiné, décide de nous raconter l'histoire de sa vie à partir de ses 13 ans, de nous dire aussi pourquoi il a bêtement gâché les derniers mois partagés avec son père.
A noter avant toute chose, que ce roman fut écrit en 2017, donc bien avant notre histoire de coronavirus nommé Covid-19. Nous sommes donc loin d'un livre opportuniste qui jonglerait sur notre pandémie actuelle.
D'emblée, ce roman vous accroche, vous accapare. D'abord par son atmosphère post-apocalyptique, puis par sa force narrative, et enfin, par la charge émotionnelle qu'il distille tout du long. De surcroît, l'influence néfaste de l'Homme sur l'état de la planète et des solutions qui en découlent est un sujet brûlant d'actualité. Et Deon Meyer, poussant sa réflexion sans retenue, nous livre une vision épouvantablement extrême de ce qui pourrait advenir... demain.
Naturellement, impossible de ne pas rapprocher ce récit de la série The walking dead, dans les deux cas, une petite communauté lutte au jour le jour pour la survie de l'espèce. Mais ici, pas de zombies à la pelle, non, juste les reliquats d'une humanité avec plus ou moins d'humanité. Donc, d'autant plus réelle, d'autant plus proche de nous, que chacun peut s'y identifier, s'y reconnaître.
Outre le fait que Deon Meyer possède le don de malmener son lectorat grâce à un suspens continu et parfois insoutenable, il détient aussi le talent fou d'agiter les réflexions sur nos préoccupations les plus immédiates et les plus vitales. Sans vergogne et sans préambule, il met les mains dans le cambouis de notre prétendu altruisme naturel. En effet, devant l'indifférence quasi-totale de l'humanité face au processus de destruction qui est en train de rendre la Terre inhabitable, Deon Meyer jette son pavé dans la mare : Que faire devant la détérioration criante du climat ? Que faire face à une pollution de l'air, de la terre et de l'eau ? Que faire face à une pauvreté endémique et un capitalisme immodéré ? Que faire face aux religions qui voient dans tout cataclysme le geste punitif de Dieu ? Que faire pour que demain nos enfants et petits-enfants ne soient pas condamnés non pas à vivre, mais à survivre sur une planète devenue délétère des conséquences d'une indifférence généralisée ?
De surcroît, Deon Meyer enfonce le clou en ne voyant derrière le caractère violent et individualiste de l'Homme qu'un animal sauvage, prêt à tout pour sa survie propre, peu importe l'autre. Quel piètre considération pour nos semblables ! Cependant, le portrait dressé est si fidèle à la réalité que nous appréhendons, chaque jour, qu'il laisse peu de place pour l'espoir. Alors, dans un élan extrême de pessimisme généreux, je vous souhaite à tous, une bonne fin du monde !!!
Un seul bémol : la qualité littéraire du roman qui aurait mérité un autre traitement. Cependant, cela peut se justifier par le fait qu'il ne s'agit, après tout, que du récit de Nico Storm, soit d'un homme qui raconte ce que fut sa vie dans un monde en recomposition, alors le style, cela peut bien attendre.
Dans notre monde où surconsommation rime avec égoïsme outrancier, lire ce roman amène inexorablement une réflexion sur le monde que nous voulons pour demain. Oeuvre salutaire, remarquable et bigrement captivante.