Souvenir d'un Noël pâtissier 2020 :
28 déc. 2020
14 déc. 2020
" Sombre dimanche " de Alice Zeniter 15/20
Quand le passé embrumé gâche l'espoir d'un futur plus heureux, chaque instant éveille le regret.
De génération en génération, la famille Mandy habitent toujours la même maison de bois sagement posée entre les rails enchevêtrés d'un aiguillage de la gare de Nyugati à Budapest. De lourds secrets de famille pèsent sur les frêles épaules du jeune Imre Mandy, où, dans cet univers à la fois étouffant et mélancolique, son grand-père ne voit qu'un responsable des malheurs du clan Mandy : Staline. Dans cette ambiance lourde et glauque, Imre tentera de se créer son propre monde, mais, que les couches du passé déposées en strates successives sont si écrasantes !
Créer une atmosphère à la fois lugubre et singulière tout en s'interrogeant sur la vacuité de l'existence, voilà bien le talent d'Alice Zeniter. Dans cette histoire foncièrement hongroise, elle nous dessine au scalpel la destinée de tout un peuple habitué à vivre constamment sous le joug des invasions successives.
Le titre, Sombre dimanche, peut se décliner en une infinité d'échos : sombre maison, sombre famille, sombres paroles, sombre amitié, sombre vie, sombre avenir, sombre pays et naturellement : sombre roman !
Chez les Mandy, même la parole est tue. Toutes ces phrases qu'ils ne se disent pas comme jetées dans un gouffre aussi profond que la mort. Le silence fait loi, le silence fait désespoir.
L'écriture, à l'image d'un tableau, se noue et se dénoue tout en dégradés de lumière, de remords, de sentiments, de regrets et de nostalgie. Il y a comme une couleur d'automne qui plane sur le récit, avec son impossibilité d'aller de l'avant, de tout plaquer et de fuir cette zone de malaise. En effet, vouloir vivre autre chose, avoir le désir de prendre un des trains qui passent constamment devant les protagonistes, cela requiert une certaine volonté, un vrai courage. Cependant, engluée dans une vie et un pays qui stérilisent le moindre désir, cette sinistre famille regarde passer l'Histoire, le temps... et les trains !
Ce roman se double d'une réflexion sur le bonheur : est-ce cela la vie : une succession de petits moments d'espoir et de longues périodes de dépression ? Malgré les années, et la sagesse que l'on peut espérer en tirer, la montée de l'un fait instantanément oublier l'autre. Est-on condamné à errer de l'un à l'autre, sans espoir, sans remission, tel un Sisyphe de l'absurde ?
Certes, Sombre dimanche est un roman à ne pas mettre entre toutes les mains tant sa noirceur vous plombe une atmosphère plus vite qu'un tir de chevrotine, cependant, en filigrane, se profile la condition humaine avec tous ses secrets, ses désillusions et ses rêves impossibles.
7 déc. 2020
HAÏKU Partie CXXXXIX
°°°°°°°°°
rues de Paris
à l'approche de Noël
entre jouets et matraques
Noël 2020 -
le rêve des parents
des vaccins par milliers
manifestation de décembre
incendies de voitures
la magie de Noël
échauffourées à Paris
poubelles et voitures en feux
les illuminations de Noël
anglais et français
même combat
ils ont piqué la reine !
1 déc. 2020
" Juste avant l'oubli " d'Alice Zeniter 10/20
Aux Hébrides, bousculé par les vagues et le vent, il existe un bout de terre méconnu nommé Mirhalay. Seuls les moutons s'y plaisent. Autrefois, des hommes ont essayé de s'installer sur cette île inhospitalière, mais ont finalement dû renoncer.
Pourtant, suite à son divorce en 1963, l'écrivain écossais Galwin Donnell, un type misogyne et misanthrope, décide de tenter l'expérience d'une installation. Cela durera 22 ans avant la survenue d'un drame bien mystérieux en 1985. Suicide, accident ou meurtre ? Cette disparition bâtit la légende de Galwin Donnel, dont ses romans donnèrent lieu à d'innombrables analyses. Ainsi, tous les 3 ans, sont organisées des "Journées d'études internationales" sur l'oeuvre de l'écrivain. Viennent y débattre une poignée d'intellectuels, férus de polar, ayant chacun un avis bien tranché sur l'oeuvre et le maître.
Cet été-là, Emilie, qui travaille une thèse sur l'écrivain mythique, est chargée d'organiser ce rendez-vous. Son compagnon depuis 8 ans, Franck, un jeune infirmier, doit la rejoindre dans quelques jours. Au fond de lui, il espère que ce séjour lui donnera l'occasion de sceller définitivement son union avec Emilie et pourquoi pas de concevoir leur premier enfant.
Le vrai tour de force d'Alice Zeniter est de rendre crédible et de mettre en abîme le statut de l'auteur de polar Gawin Donnel. A coup de citations, en exergue des chapitres, à coup d'extraits de critiques de journaux, en bas de page, et même grâce à des bribes d'articles de Wikipédia, elle crée l'existence du célèbre écrivain écossais. Un rien candide, en début de lecture j'ai voulu vérifier la véracité de l'existence de Gawin Donnel, naturellement, je n'ai rien trouvé. En tout cas, la supercherie est parfaitement menée. Chapeau bas chère Alice !
Sillonnant sans cesse le roman, les thèmes abondent, entremêlant à la fois, relation amoureuse perturbée, mystère autour de disparition de Galwin Donnel, vie dans des conditions extrêmes et colloques universitaires. L'ensemble, quoi que relativement court, est mijoté longuement, puis le goût en est relevé pour tenter d'être digne de la littérature noire.
Malgré tous ces ingrédients, la recette m'a déçu. En effet, en dépit de toute mon implication, je suis resté en dehors du récit. Je n'ai jamais réussi à me passionner pour cette histoire dont on peut aisément deviner la fin. La soi-disante ambiance de polar tombe vite à la mer ! Les chapitres des colloques m'ont ennuyé au point de sauter quelques paragraphes, rassurez-vous, cela ne change rien à l'histoire... malheureusement prévisible. Il manque peut-être une sorte de folie ou d'extravagance pour bousculer le ronronnement du déroulement de la narration. C'est comme-ci l'eau de mer avait délavé un tableau, à l'origine, criant de couleurs.
Nonobstant cet avis défavorable, je dois reconnaître, à la décharge d'Alice Zeniter qu'elle possède une belle plume, que certains passages sont admirablement écrits, tels : la description de l'île, l'incompréhension d'Emilie devant l'amour absolu de Franck et sa vision cynique sur la nécessité de vivre en couple. Malheureusement ces portions congrues ne peuvent sauver un récit qui prend l'eau de partout et qui ne demande qu'à sombrer... juste dans l'oubli (pardonnez le jeu de mot facile).