21 juin 2021



 " Né d'aucune femme "   de Franck Bouysse   18/20

      Gabriel, le jeune abbé d'un village de France, est appelé à l'asile psychiatrique du coin pour préparer l'enterrement d'une femme nommée Rose qui vient d'y décéder. Suite à cette visite, Gabriel récupère deux carnets écrits par Rose et qui narrent son effroyable vie. A la lecture, notre bon curé en restera secoué et traumatisé jusqu'à la fin de sa carrière.

      Difficile d'en dire plus sans déflorer l'essentiel du livre bien mystérieux par ailleurs. En effet, l'auteur ne situe pas son intrigue ni sur le plan géographique, ni sur celui du temps historique. Cependant, d'après une légère indication qui aura pu échapper à un lecteur distrait, disons que cela se déroule autour du milieu du XIXème siècle. Le corps du roman est composé de petits chapitres qui font alterner la voix des quelques témoins ayant connu Rose de très près, ou l'ayant présumé et fantasmé d'un peu moins près. Toutes ces paroles enchevêtrées donnent la mesure des lourds secrets, des nécessaires désaveux et des terribles enjeux qui sont la clef de l'intrigue.

      Parfois le récit se veut rationnel, parfois il flotte tel un chant élégiaque, donnant une importance fulgurante aux mots, même s'ils sont perdus dans une aura diaphane et insaisissable ; au point que je dois reconnaître que l'incipit est incompréhensible ; l'ayant relu une fois le roman fini, je n'ai toujours pas saisi son intérêt, mais parfois il faut passer outre un début abscons car une vraie perle de thriller campagnard se dissimule derrière.

      D'emblée le titre  Né d'aucune femme nous propulse dans l'abject, dans l'odieux. Il possède une force intrinsèque, d'une violence folle. Pour venir doubler ce malaise, la photo de couverture nous renvoie l'image d'une mère nourricière, forte et digne face aux immondices de la vie ; en écho elle nous présente le personnage de Rose. Rarement le titre et la photo de première page d'un roman sont venus gifler le lecteur avec une telle force. 

      Ce roman noir nous parle du diable, celui qui se rit de nous, celui qui ignore nos malheurs, celui qui s'empare de nos simples vies pour s'en approprier jusqu'à l'âme. Inféodé à aucune idéologie il est dominateur et démiurge. Néanmoins, ce diable-ci n'est pas à chercher ailleurs ; il est là, niché, blotti en chacun de nous ; sous les vents contraires de nos destinées, il peut surgir à n'importe quel moment, libéré, ivre de pouvoir et de despotisme. Et quand le diable a deux têtes ?

      L'autre approche du récit traite du puissant sentiment de culpabilité. Quand les affres de la vie, quand les carcans de nos sociétés nous poussent à faire des choix inappropriés, des choix arbitraires, des choix infâmes et nauséabonds, comment cet homme-là peut-il continuer à vivre avec une conscience en rebellion ?

      Par l'intermédiaire d'un protagoniste, il est question de la lâcheté, celle qui fait que l'on accepte son sort et celui des autres sans sourciller. Bien sûr cela bout en soi, mais jamais les actes ne se conforment aux pensées séditieuses. Tous les malheurs du monde viennent de là, de cette envie irrepressible de ne pas faire de vagues, même quand la mer charrie des immondices putrides et délétères jusque dans notre jardin.

      Même si on peut deviner un ou deux rebondissements, même si on a l'impression, du moins au début, d'avoir déjà lu ce genre d'histoire, même si certains passages sont sibyllins, il reste en fin de lecture une marque indélébile de la lutte éternelle entre le bien et le mal.

      Indiscutablement, Né d'aucune femme restera dans les mémoires, par sa noirceur, par la volonté d'une jeune mère et par la puissance d'une écriture à l'os. Terriblement inoubliable.

      

14 juin 2021

 Petit aperçu du jardin printanier

Partie 3



Naissance d'hampes de lupins.



Telles des fusées, elles s'élèvent vers l'azur !



Infiniment !



Pendant ce temps, 

les petits pois font de mêmes...



...les carottes primeurs,

jaillissent de partout...



...une centaurée exhibe sa première fleur...



...les fleurs de sureau jaunissent,

à la lumière crépusculaire...



...les œillets de poète poétisent...



...un coquelicot s'invite à table...



...pendant que sa famille le cherche !



Les clématites jouent aussi à cache-cache !



Les ancolies baissent humblement la tête.



Petite vue générale des précédemment cités.



Quand les fèves s'invitent à la cueillette.



Les mêmes tout nus !



Autre vue générale,

avec temps orageux.



Visite impromptue d'une jeune grive.


A bientôt pour la suite !



11 juin 2021

 Petit aperçu du jardin printanier   

Partie 2 :



Fier tel un iris...



...ou trois tulipes !



En parlant de tulipes.



Ok, sinon, à par les tulipes !



Pas mal les renoncules !



Bien sûr, d'autres iris, mais encore !



De l'alysse jaune, mais encore !



Ah, la belle cardamine.



La même un pas en arrière.



Toujours la même, mais en contre-plongée.



Pas facile à deviner,

il s'agit de choux frisés ou choux kale,

en pleine floraison.



Marguerite de près, avec sa cétoine dorée.



Bah... euh... sans cétoine !



Avec toute la famille au complet !



Resserrez-vous pour la photo.

Merci.



Avec impression soleil levant !



 Charmante rose rose,

pour vous dire à très vite !



4 juin 2021


 " Civilizations "   de Laurent Binet   18/20


       Vous qui souhaitez vivre un dépaysement total, ce roman est indéniablement écrit pour vous !


      Autour de l'an 1 000, à bord de son drakkar, Freydis, la fille d'Eric Le Rouge (celui qui découvrit le Groenland), met le cap au sud avec son mari, une poignée d'hommes, quelques têtes de bétail et des chevaux. 

      En l'an 1 492, Christophe Colomb ne découvre pas l'Amérique !

      En l'an de grâce 1 531, les Incas envahissent l'Europe, avec à leur tête : Atahualpa.

      En retournant littéralement le cours tranquille de l'Histoire, Laurent Binet nous offre un roman qui détonne et qui ouvre des perspectives insoupçonnées. En effet, qu'a-t-il manqué aux Incas pour résister aux Conquistadors ? Des chevaux, du fer et des anticorps. Dans cette uchronie bien maline, les Vikings, en prolongeant notablement leur circuit d'exploration, vont leur apporter les outils indispensables à leur survie en mettant pied à terre en Amérique, devançant ainsi de 500 ans ces mêmes Conquistadors. Ainsi, ils possèdent l'immunité, la technique pour fabriquer des armes en fer et les chevaux n'ont plus de secret pour eux. Par conséquent, la face du monde peut en être inexorablement bouleversée. Le jeu de cartes est rebattu, une nouvelle partie peut commencer. Ainsi, Atahualpa se confronte à Charles Quint, mais l'Europe de cette époque est un continent tourmenté et meurtri par d'incessantes querelles religieuses et dynastiques. Le chef Inca trouvera des alliés parmi une population opprimée et persécutée, au bord de l'insurrection.

      Ce renversement de l'Histoire nous donne une vision d'un autre monde possible, où il s'en est fallu d'un rien pour que cette possibilité l'emporte et devienne vérité. Tel l'effet papillon, un rien, un grain de sable, un vent contraire, peut donner une toute autre orientation à l'organisation de la vie, et basculer de ce fait dans une autre alternative, une autre mondialisation.

      L'esprit ironique de la plume de Laurent Binet se ressent tout du long du roman. Il s'amuse avec les personnages historiques célèbres en les confrontant à l'inimaginable, à l'incohérent. Il pétille de joie à nous casser nos certitudes. Il fait souffler un vent de folie sur nos vieux et poussiéreux bouquins d'Histoire. Il agrandit notre optique du monde. Il change l'horizon. Il est démiurge !

      De surcroît, malin comme un singe, l'auteur sait varier la façon de narrer, en effet, il utilise à plusieurs reprises la forme épistolaire, ce qui amplifie encore notre regard sur l'Europe du XVIème siècle. De plus, les Incas appellent la religion catholique : la religion du Dieu Cloué, car indubitablement changer de point de vue, cela inclut aussi une modification du lexique ; de même les Aztèques deviennent les Mexicains, nom qu'ils se donnaient eux-mêmes. Ah quoi toute l'Histoire du monde tient-il ?

      Ce roman est aussi une belle réflexion sur le poids de la religion, de son imprégnation dans nos sociétés, sans oublier le rôle prépondérant de nos hommes de pouvoir et de leur prise de décisions. Civilizations est une fresque à la fois vertigineuse, intelligente, pertinente et abrasive, qui redessine nos cartes géopolitiques pour notre plus grand plaisir. Somme toute, un livre foncièrement universel, quoi demander de plus ?