" Le crépuscule de Shigezo " de Saxako Ariyoshi 17/20
Dans le Japon du milieu des années 60, la belle-mère d'Akiko décède brutalement. Dès lors, la lourde prise en charge de son beau-père, Shigezo, repose sur ses maigres épaules. Avec tous les problèmes concrets que cela implique car celui-ci, autrefois patriarche irascible qui se montrait particulièrement sévère envers sa belle-fille, est devenu un vieil homme atteint de sénilité. Pour Akiko, femme moderne travaillant à l'extérieur de son foyer, ses journées n'auront plus de fin, et que dire de ses nuits ?
Dans un style tout en délicatesse et en subtilité, progressant par petites touches, Sawako Arioshi nous dessine le portait d'une femme courageuse, où le mot abnégation a vraiment un sens. En effet, Shigezo, glissant au fil des pages dans un état de dépendance totale, demandra un dévouement sans faille de la part d'Akiko pour répondre à ce sacerdoce peu ragoutant. Pourtant, au fil des jours, des liens insoupçonnables naissent entre eux, à l'image d'un amour authentique et désintéressé. On pourrait même parler de l'itinéraire d'une sainte, tant son altruisme nous rend admiratif. Quant à son mari, pourtant fils de Shigezo, il fuit toute responsabilité, ignorant royalement le sort de son père. Il préfère laisser la patate chaude à sa femme, allant même, par son silence assourdissant, lui reprocher le fait d'aller travailler ailleurs. Sous les lignes de l'auteure, se dessine toute la condition féminine de la femme japonaise, et par extension, de la femme en général.
Sans écrire le mot d'Alzheimer une seule fois, Sawako Ariyoshi nous parle avec beaucoup de réalisme de cette vieillesse qui devient vite ingérable quand la tête ne répond plus, quand l'être humain vit de plus en plus vieux et quand la société, toujours à la traîne, ne pense le problème des structures d'accueil qu'une fois qu'il prend trop d'ampleur. Que faire de nos anciens, quand leur nombre devient exponentiel et que leurs facultés cognitives disparaissent dans les mêmes proportions ? Depuis l'aube de l'humanité, jamais l'allongement de la vie humaine n'a atteint un tel niveau, et jamais la cohabitation sous le même toit si exceptionnel.
Par un bel effet de miroir, le problème de la vieillesse rejaillit sur les différents protagonistes, considérant ainsi la perspective de leur propre fin de vie... et de la notre.
On peut juste regretter, que derrière le texte se dessine en creux le portrait d'une féministe convaincue, qui ne trouve absolument aucun homme digne de considération, en effet, mis à part le fils d'Akiko, et encore, aucun personnage masculin n'est à la hauteur du défi, trop empreint d'égoïsme et d'indifférence.
Incontestablement, ce livre est un hommage à la volonté des femmes confrontées aux plus dures épreuves de l'existence.
Par son propos et son écriture sans fard, Sawako Ariyoshi dresse un panorama de nos sociétés, met à nu jusqu'à nos pensées les plus inavouables, et pourtant, les mieux partagées.
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