29 juil. 2022



 " Le géant enfoui "   de Kazuo Ishiguro   15/20


      En Angleterre, durant le Moyen-âge, toutes sortes de superstitions se répandent dans le pays. Là, vivent Axl et Béatrice, un vieux couple dont les années n'ont pas eu raison de leur amour. Cependant, leurs propres souvenirs baignent dans une brume aussi épaisse que celle qui vient régulièrement caresser les montagnes et les vallées de leurs paysages. Mus par un étrange désir ou un sombre pressentiment, ils décident de traverser le pays afin de rejoindre leur fils unique qu'ils ont perdu de vue depuis des années. Dés lors, ils s'engagent dans un étrange voyage, au frontière de la raison et du fantastique.

      Kazuo Ishiguro nous propose de suivre le parcours d'un couple respectable, au premier abord, un couple qui oublie tout à travers une épopée miniature mais inoubliable.

      En confondant le petit et le géant, le village et le pays, la paix et la guerre, Kazuo Ishiguro joue avec l'échelle de la dimension, telles des fractales, pour symboliser l'immuabilité des relations entre les hommes et entre les sociétés. Peu importe l'époque, l'Homme sera toujours irraisonnable et donc suicidaire, on en a la preuve tous les jours sous les yeux. Nous sommes voués à disparaitre en tant qu'humanité, pourtant rien ne change, rien ne bouge si ce n'est dans l'épaisseur du trait. La bêtise toute puissante régit le monde, même chez ceux qui croient savoir et qui ne sont que des pitres aux yeux de l'infini.

      Ce livre est envoûtant, du moins je l'ai ressenti ainsi. Je le vois et le considère comme un conte pour adulte. Il brasse avec intelligence et délicatesse le thème de la mémoire, le souci de la perdre, mais aussi et parfois, l'inquiétude de la recouvrer. Belles réflexions également sur le pardon et la vengeance, sur les soubresauts de la vie face à l'idéalisation de l'amour inoxydable.

      D'aucuns pourront être désarçonnés par le roman, en effet, le brouillard amnésique dans lequel évolue Axl et Béatrice s'élargit aussi au texte, à l'histoire propre, car toutes les péripéties narrées ne sont pas expliquées. Effectivement, il règne une certaine nébulosité, néanmoins, il faut savoir perdre pied, se laisser prendre par la main pour vivre ce voyage pleinement, peut-être pour se découvrir soi-même et ainsi avoir la volonté de ne pas fuir ce miroir tendu. De surcroît la plume est belle, légère et subtile. 

      Sans chercher les rebondissements incessants de l'intrigue, Kazuo Ishiguro avance en douceur, à son rythme en un langoureux bercement. Ce cheminement faussement indolent creuse un sillon jusqu'au plus profond de nous-même, là où est enfouie la bête que chacun porte en soi, éternellement refoulée jusqu'au jour où les conditions extérieures créent un cocon idéal pour que le monstre sorte de son alcôve.

      Par petites touches envoûtantes, aux frontières entre légendes arthuriennes et conte philosophique, ce roman verse dans l'universel puisque chacun a son géant enfoui.


20 juil. 2022

Petit aperçu sinistre du jardin estival

Partie 2



La désolation règne en Normandie à l'image de cette photo qui résume bien cette période de sécheresse avec ses températures caniculaires.



Scolopendre gravement brûlé par le souffle d'un vent sorti des enfers... le souffle de la mort.



 Cucurbitacées qui devraient être en pleine croissance se voient grillées sous les feux intenses du soleil.



          Pied de céleri-rave desséché sous l'ardente onde de chaleur.



           Les salades ont littéralement fondu sous les mortels rayons de Râ.



           La cuisson à haute température de l'hortensia nous donne ce cadavérique résultat mortifère.



                                                  Même à l'ombre la mort rôde.



                                            La pelouse n'est plus que paillasson.



Le tournesol, lui aussi n'ose tourner le dos au soleil... mais en paye les conséquences.



Le si beau phlox, l'année dernière, n'est plus que l'ombre de lui-même : riquiqui et desséché.



Enfin, la boule de feu incandescente se couche à l'horizon, laissant un paysage de désolation.


Ainsi voici le résultat en Normandie de ce que l'Homme fait par sa volonté dictatoriale de croissance infinie. Depuis 1840, soit le début de la révolution industrielle, l'Homme produit des quantités colossales de gaz carbonique. Depuis 182 ans, il crée ce fameux effet de serre qui fait monter les températures moyennes de la planète. Celle-ci va bientôt, à l'échelle de quelques décennies, c'est à dire demain,  devenir invivable. Si encore nous avions les forêts primitives de la ceinture équatoriale dans leur entièreté pour absorber le surplus de gaz carbonique, mais non, l'Homme réduit ces forêts à la vitesse de dix terrains de football par minute. Qui réagit ? Personne. Qui se sent responsable ? Personne. Qui sait que les bébés qui naissent aujourd'hui auront une vie faite de suffocation, asphyxiés par un environnement devenu irrespirable ? Personne. Qui sait que l'Homme est condamné à disparaître de la planète, tel un animal nuisible ? Personne. Oui, individuellement, nous avons tous une part de responsabilité, par notre vie moderne, gros consommateur d'énergie et toujours avide de profit. Un seul remède pour atténuer l'accélération de la crise climatologique : une drastique décroissance, mais comme quasiment personne n'est prêt à l'entendre, j'ai l'honneur de vous annoncer notre extinction prochaine, à bon entendeur merci !

Réagissez ou mourrez !


11 juil. 2022



 " Zoli "   de Colum McCann   11/20


      Merveilleuse chanteuse et poétesse douée, Zoli, cette rom à la voix de feu, fascine tous ceux qui l'écoutent, tous ceux qui la voient. Cependant, la belle tzigane, par ses origines, ses traditions et son vécu, reste insaisissable, une vraie sauvage. Adulée et idolâtrée à chacune de ses représentations, Zoli finira par devenir une vraie paria aux yeux de son peuple. Dès lors, sa réussite aura un goût amer puisqu'elle paiera la liberté qu'elle s'est offerte au prix fort.

      Colum McCann nous invite au voyage sans retour de Zoli, depuis les années 30 à nos jours. Une histoire d'amour, de trahison et d'exil, le portrait d'une femme insaisissable confrontée à sa communauté et à ses envies.

      Il y a des livres qui ont tout pour plaire : un sujet, une belle plume, des critiques dithyrambiques. Malheureusement, au fur et à mesure de ma progression dans le roman, le texte s'effrite, se recroqueville, devient brouillon et insipide, à un tel point qu'un effort est nécessaire pour avancer. Une incompréhension s'installe : comment en suis-je arrivé là ?

      Certes la plume est remarquable, certes, le contexte historique est fort intéressant, certes, le rejet d'une tzigane qui est bannie par son peuple pour avoir simplement enfreint une règle est tragique, mais par une dilution de la narration, par un manque d'explications sur les lois tziganes, par un flou général qui m'a laissé plus d'une fois perplexe, j'ai fini, à mon grand désespoir, par décrocher. Alors qu'avec une pointe d'éclaircissement, non voulu par l'auteur, le sort de Zoli aurait pu être plus attachant, plus emphatique. Ainsi, difficile d'être ému par le sort de Zoli.

      Paradoxe : pour une histoire tournant autour du peuple des voyages et des routes, je suis resté au bord du chemin.