" Underground railroad " de Colson Whitehead 15/20
En Géorgie, dans une période antérieure à la guerre de Sécession, Cora est une jeune fille noire de 16 ans, esclave, qui survit comme elle peut, sur une vaste plantation de coton, à la violence de sa condition. Quand elle eut 10 ans, sa mère Mabel, esclave aussi, n'avait pas hésité à l'abandonner pour s'évader. Jamais reprise, aurait-elle réussi à recouvrer le chemin d'une certaine liberté ? Un jour, Caesar, un esclave récemment arrivé sur la plantation, propose à Cora de s'enfuir pour gagner les états libres du Nord, elle accepte. Dès lors, traqués comme des bêtes, une incroyable et terrible odyssée se met en branle avec une seule idée en tête pour chaque individu : conquérir sa liberté.
Au début du XIXème siècle, un mouvement anti-esclavagiste prend forme dans les Etats du nord. Dès 1820, c'est une véritable organisation qui se met en place pour venir aider les fuyards, prenant le nom de "Chemin de fer clandestin". Par symbolisme, Colson Whitehead, prend l'expression au premier degré et fait fuir ainsi Cora sous terre. L'image est belle, la fin de la souffrance et le début de la liberté ne peut se vivre qu'à plusieurs pieds sous terre, soit par une fuite éperdue, soit par le décès, car en surface règne les démons haineux d'une Amérique esclavagiste. Tous ces abolitionnistes blancs prennent des risques importants pour faire accepter leurs convictions à un pays très divisé. Ils mènent le combat d'une vie pour sauver l'honneur d'une nation.
A travers son récit où prend place une populace collaborationniste et des chasseurs d'esclaves opportunistes, Colson Whitehead nous dessine une société fasciste aux lourds relents d'eugénisme, à vous glacer le sang. Description qui peut se voir comme le terreau de l'Amérique actuelle où un puritanisme outrancier continue de déverser sa bile encore de nos jours.
Néanmoins, malgré un fond historique captivant, le déroulé de l'histoire de la jeune Cora prend d'innombrables chemins de traverses, à coups de flash-back et d'ellipses qui perturbent la lecture et tend à diminuer l'empathie que l'on aurait pu ressentir pour les principaux protagonistes. Il faut une attention de tous les instants pour ne pas se laisser déstabiliser par le foisonnement des personnages secondaires et le découpage déconcertant des chapitres.
Même si ce roman a obtenu le Prix Pulitzer et le National Book Award, sans pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain, je n'ai pas eu l'enthousiasme équivalent aux honneurs décernés à ce livre. Dommage.