" Par le fer et par le feu " de Henryk Sienkiewicz 18/20
Au milieu du 17ème siècle, la République dite des Deux Nations : Couronne polonaise et Grand-Duché de Lituanie, se voit grandement menacée d'insurrection. En effet, exaspéré par les abus de pouvoir, les privations de terre et la non redistribution des richesses du royaume par les seigneurs locaux et par toute la royauté, un homme se dresse face à ces injustices criantes : Bogdan Khmelnitsky. En quelques mois, il parvient à lever du fin fond des steppes de l'Ukraine une armée d'un demi-million d'hommes pour les élancer contre les armées polonaise et lituanienne. Ainsi, il s'en est fallu de peu que l'Europe orientale ne bascule sous la botte des Cosaques zaporogues et des Tatars de Crimée.
L'écrivain nobélisé en 1905, Henryz Sienkiewicz, déploie sous nos yeux une fresque historique de plus de 700 pages où héroïsmes, traîtrises, supplices, honneurs, combats et amours, constellent le roman d'un souffle épique qui déborde des pages pour rapidement devenir une question universelle, d'où le succès du roman. Choisissant une petite porte pour nous faire pénétrer dans la grande Histoire, l'auteur nous fait suivre le parcours de quatre personnages principaux, soudés comme nos fameux quatre mousquetaires nationaux. Tous sont officiers, il y a Jean Kretuski, un homme dévoué et fier, tombé sous le charme de la princesse Hélène ; Wolodowski, petit par la taille mais immense par sa promptitude au combat ; Podbipieta, un chevalier géant qui a fait vœu de chasteté jusqu'au moment où il aura tranché trois têtes d'un coup ; Zagloba, un compagnon très rusé dont la langue volubile lui permettra de cacher, avec une ironie toute bienvenue, une couardise héréditaire. D'ailleurs, l'auteur a certainement créé ce protagoniste plein de joie de vivre, d'extravagance et d'humour dans le dessein de contrebalancer le tombereau d'horreurs qui envahit certaines pages noires à coup d'empalements, de décapitations et de toutes les tortures ignobles que l'homme est seul capable d'imaginer.
Naturellement, ce roman à une vision trop patriotique et idéalisé du conflit : le beau et preux chevalier face à la brutalité toute animale du cosaque, néanmoins, l'auteur glisse également du cœur et de l'honneur dans le clan cosaque, afin de rétablir un déséquilibre et de mettre le doigt sur la complexité de chacun.
Cependant, la réflexion inhérente à cette lecture remet sur la table politique l'éternel abus de pouvoir des plus riches envers les plus faibles. Toute insurrection trouve son humus dans cette suffisance inacceptable, ce mépris émétique qui ne peut créer en retour qu'une gigantesque vague révolutionnaire, laquelle, ivre de vengeance, renverse tout sur son passage, et ne laisse qu'un fleuve de sang où tout le monde s'y noie.
A noter qu'à son apogée, au début du XVIIème siècle, cet état des Deux Nations s'étendait de la mer Baltique à la mer Noire, et des contreforts des Carpates jusqu'aux limites de la Russie, ainsi l'Ukraine faisait partie intégrante de ce royaume. Cette Ukraine en mal d'équilibre, déjà tiraillée entre les influences occidentales et orientales, et oscillant politiquement entre Varsovie et Moscou, on n'est pas loin des résonnances actuelles.
A noter enfin que ce roman a dû être lu en long en large et en travers par deux grands écrivains du XXème siècle : J.R.R. Tolkien et George R.R. Martin, car des similitudes me sont venues à l'esprit en cours de lecture. Comme un hommage singulier à celui qui sut écrire une oeuvre touchante, devenue depuis une oeuvre littéraire fondatrice de l'identité nationale polonaise.
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