" L'ordre du jour " de Eric Vuillard 18/20
Livre atypique, comme sait nous les servir Eric Vuillard, d'ailleurs le Goncourt 2017 est venu couronner ce talent et ce roman. Avec L'ordre du jour, l'auteur décortique certains pans des prémisses de la seconde guerre mondiale. Notamment, quand ce 20 février 1933, en plein hiver berlinois, 24 grands prêtres de l'industrie allemande sont conviés dans l'un des salons luxueux du président du Reichstag. Parmi ces hommes d'affaires on trouve entre autres : Krupp, Siemens, Opel, Bayer. Cette réunion à pour dessein d'aider à financer l'Etat nazi. Naturellement, la compromission de ces grands groupes leur assure de gigantesques marchés adossés à de colossaux bénéfices. Tous bâtis sur une fidélité au régime en place et sur les prisonniers puisés dans les camps de concentration, même s'il n'y a pas eu que ces malheureux-là dans les usines. Main d'oeuvre gratuite, pourquoi s'en priver ? Bien sûr, ce n'est que du business. Peu importe l'idéologie et les effroyables souffrances : business is business.
Suivant son chemin de décryptage, Eric Vuillard évoque l'arrivée des troupes allemandes en territoire autrichien le 12 mars 1938, lors de la fameuse annexion de l'Autriche : l'Anchluss. En regardant attentivement derrière les images et le discours officiel, cette soi-disant avancée fulgurante ne fut qu'une laborieuse aventure, digne des pieds nickelés, où une grande partie du matériel militaire tomba tout simplement en panne ! Consternant ! Fureur du Führer !
Avançant ainsi par petit touche, l'auteur évite la guerre frontale avec son côté spectaculaire pour mieux nous glisser derrière le rideau des coulisses de l'Histoire, tant sur le plan diplomatique que celui du terrain propre. Appelant chacun d'entre nous à nous méfier de tout ce qui ressemble de près ou de loin à un message de propagande. Toute image, déjà à l'époque, pouvait être falsifiée, alors aujourd'hui !
D'aucuns trouveront cet essai romancé trop succinct, sautant du coq à l'âne, n'ayant rien d'une étude historique, qu'il est une succession de réflexion moraliste, inaboutie, indigeste ! Que nenni ! Ces pages éclairent l'Histoire, allument le feu de la connaissance, dessillent nos yeux, bref nous rendent moins bête, et c'est là l'essentiel !
Dans un style ramassé, 150 pages, Eric Vuillard mêle l'ignoble au grotesque et la stupeur à l'effroi. Il décrit la force incroyable du bluff, mais surtout nous apprend à toujours zieuter derrière les vérités dîtes "officielles". Instructif et glaçant.
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