" L'homme de Césarée " de Françoise Chandernagor 17/20
Troisième tome de la biographie sur Cléopâtre-Séléné, l'unique descendante de Cléopâtre et de Marc-Antoine, une reine oubliée, perdu dans la poussière du temps et de notre mémoire. Âgée de 20 ans, Séléné quitte Rome pour le port de Césarée où l'attend son futur mari : le roi Juba II. Nommé roi de Maurétanie (le Maroc et l'Algérie d'aujourd'hui) par la volonté de l'empereur Octave, Juba est non seulement un homme beau et intelligent, mais il se passionne pour les connaissances les plus diverses, allant même jusqu'à partir découvrir des terres inconnues et en écrire des livres au retour. Séléné et Juba sont les deux enfants de deux lignées détruites par Rome, au fond de leur cœur, à l'abri des regards malveillants, se niche l'idée d'une revanche sur leurs destinées.
Avec un élan plus fort et plus romanesque que celui des deux premiers tomes, Françoise Chandernagor nous emporte de manière jubilatoire dans un sillon de l'antiquité. Avec un singulier talent, elle dépoussière et rebâtit un monde méconnu en tirant des bords, régulièrement, entre le passé et le présent. Elle nous parle d'une Rome autoritaire qui ne connait que la soumission : adhérer à l'empire ou disparaître. Les rois des différentes régions autour de la Méditerranée ne sont que des pions sur l'échiquier romain. L'autrice évoque aussi, il y a 2000 ans, les premières exterminations animales Nord-africaine comme celle du lion ou de l'éléphant ; elle passe gaillardement les colonnes d'Hercule et nous fait naviguer en Atlantique sur des trirèmes, descendre le long de la côte Marocaine, histoire de créer ici et là des petits ports commerciaux qui deviendront plus tard Essaouira ou Agadir, sans oublier les îles Canaries.
De surcroît, la plume de Françoise Chandernagor, toujours érudite et rigoureuse, nous prend à témoin des béances de l'Histoire, de ces blancs qui ne devraient pas l'être, on le sait, ce sont toujours les vainqueurs qui l'écrivent.
Vie quotidienne, distractions, créations artistiques, voyages, manigances, jalousies et indignités, l'autrice raconte tout avec une verve des plus fringante. Elle excelle à rendre bien vivant un monde aussi antique que cruel.
Seul bémol, cette infinité de personnages qui me laisse parfois sur le rivage, d'autant que pour se construire une descendance digne de son nom, l'empereur Octave n'hésite pas un seul instant pour faire et défaire les mariages de sa dynastie, même plusieurs fois si cela s'avère nécessaire à ses yeux de dictateur, d'où des liens familiaux multiples et variées à l'infini.
Belle et émouvante immersion historique, L'homme de Césarée restera pour longtemps dans ma mémoire, car il contribue à contempler des possibles perdus de vue, comme seule la littérature le permet.
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