25 janv. 2024


" La carte postale "   de Anne Berest   18/20

      Avec pour point de départ une énigmatique missive non signée, Anne Berest nous emporte avec elle dans un passé douloureux, et par là même questionne sa judéité, elle qui se positionne surtout en femme de gauche ignorant ses origines juives. Ou comment redonner vie à ceux qui furent écrasés sous la botte nazie.

      Peu des survivants de la Shoah sont encore là pour raconter l'irracontable, pour témoigner de l'indicible. L'auteure saisie le prétexte véridique de cette carte postale mystérieuse pour enquêter sur sa grand-mère maternelle, Myriam Rabinovitch, et en faire un roman poignant sur le parcours d'une famille juive quittant la Russie pour chercher refuge en Pologne, puis en Palestine et enfin en France, croyant à chaque fois être en sécurité. Grâce aux souvenirs et aux traces écrites de sa propre mère, Lélia, elle va faire resurgir  un pan entier de son arbre généalogique trop longtemps plongé dans une mer d'oubli.

      Sur cette fameuse carte postale reçue en janvier 2003 par Lélia figure une photo de l'opéra Garnier, et au verso, écrits d'une écriture maladroite, les quatre noms de personnes disparues : Ephraïm, Emma, Noémie et Jacques. Malgré des recherches amorcées par Lélia à l'époque, la raison de cet envoi et l'identité de son auteur restent inexpliquées. Quand un jour, la fille d'Anne se prend en pleine figure une remarque antisémite, elle en est ébranlée et décide de se joindre aux premières investigations de sa mère et de mener de front deux enquêtes : savoir enfin qui est l'auteur de cette carte postale et connaître la vie ses ancêtres oubliés sous les couches opaques de la poussière du temps.

      Prendre conscience de sa propre judéité par le biais sournois de l'antisémitisme, surtout pour une athée, voilà le déclic d'Anne Berest. Elle en conçoit une quête identitaire obsessionnelle, assoiffée de vérité elle interroge et affronte un passé intranquille qui résiste. Cependant, peu à peu, par les volets clos d'une histoire non-dit, filtrent des rais de vérité, aussi sombre soit-elle une réalité prend forme, des êtres humains sortent de l'ombre, des noms réapparaissent, le passé renaît. La vie se confronte à la mort, une mort inacceptable et abjecte.

      D'aucuns pourront gloser qu'il s'agit encore d'un roman sur la question juive autour de la seconde guerre mondiale, cette veine intarissable en devient fatigante ; tant mieux, tant de gens ignorent ce que tout un peuple innocent a subi qu'il faut louer cette entreprise mémorielle, d'autant qu'elle est menée avec intelligence et humanisme.


13 janv. 2024



 " Aliénor d'Aquitaine " de Elizabeth Chadwick  en trois tomes 17/20

      Avec cette trilogie conséquente (2000 pages), Elizabeth Chadwick nous retrace la vie incroyable d'Aliénor d'Aquitaine, l'une des figures les plus emblématique de l'histoire de France, depuis avril 1137, où son père meurt sur le chemin de Compostelle, jusqu'à avril 1204 où elle s'éteint à l'âge de 80 ou 82 ans à l'abbaye de Fontevraud. 

      On ne compte plus ses titres : Duchesse d'Aquitaine, Reine de France, puis reine d'Angleterre ; Aliénor d'Aquitaine fascine depuis plus de 800 ans. Mère de deux rois (Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre) et grand-mère d'une grande reine de France (Blanche de Castille), son destin est tout bonnement exceptionnel. Sa vie est un roman... la preuve ! 

      Dés son enfance, on dénote chez elle une volonté de fer, rien ou presque ne peut la faire plier. Vite, elle administre, elle négocie, elle possède une fierté et une autorité naturelle qui n'admet pas la contradiction. Louis VII, son premier mari, devra lutter contre son caractère affirmé. De surcroît, Aliénor est belle, lettrée et vive d'esprit. Tout est là pour en faire un personnage captivant de roman.

      Dans un monde dominé exclusivement par les hommes où seul le rôle de génitrice lui est assigné, Aliénor sait faire entendre sa voix, elle essaie de suivre le destin que lui a tracé son père sans le subir, peu à peu elle se construit une certaine autonomie à défaut d'une totale indépendance. Pour cela elle devra livrer mille guerres, néanmoins cela ne lui fait pas peur, son caractère inflexible est taillé pour. Elle laissera une trace indélébile dans l'histoire des royautés.

      L'auteure fait preuve d'un gigantesque travail de documentation, elle jette aussi quelques lumières sur des épisodes moins connus de sa biographie, telle sa traversée des Alpes en plein hiver et surtout à 70 ans ! Ou quand son petit-fils Arthur de Bretagne l'assiège à Mirebeau, et que la déterminée Aliénor fait alors preuve d'un courage peu ordinaire à 78 ans.

      La plume d'Elizabeth Chadwick se révèle toujours fluide, pas de lourdeur sur une telle longueur, sans être littéraire, l'écriture prend son envol avec grâce, idéal pour accumulé un précieux savoir sans se prendre la tête.

      Naturellement, puisqu'il s'agit d'une biographie romancée l'auteure bouche les trous de l'Histoire par des ajouts réalistes. Dialogues et les situations s'approchent au plus près de la vérité au point de les rendre crédible face aux failles creusées par la poussière des siècles qui nous sépare de cette période.

      Au final, la vie d'Aliénor s'avère être d'une modernité incroyable. Elle revendique son statut de femme et de mère comme un étendard dressé à la face de ceux qui considèrent, encore aujourd'hui, l'infériorité de la femme comme étant une évidence. Une sacrée avant-gardiste !


2 janv. 2024

 Souvenir de Noël 2023 !



















                                                                    A bientôt !