Petit aperçu du jardin estival 2025
Partie 4
Petit aperçu du jardin estival 2025
Partie 4
" Les enfants du capitaine Grant " de Jules Verne 18/20
En prenant de l'âge, certaines lectures de jeunesse me reviennent en mémoire ; et pourquoi ne pas en relire certaines dans le dessein de s'imprégner de cette adolescence, quelque peu égarée dans les limbes notre mémoire ? L'autre intérêt est d'en avoir une lecture plus mature, donc plus critique, mais avec toujours l'insoucience de nos premières années.
Le 26 juillet 1864, dès la découverte de trois messages tronqués retrouvés dans une bouteille issue de l'estomac d'un requin-marteau, Lord Glenarvan et sa femme Lady Helena décident de secourir le capitaine Grant et deux de ses hommes, rescapés d'un naufrage et perdus depuis deux ans sur un rivage de l'hémisphère sud quelque part le long du 37° de latitude. Sans attendre, ils prennent la mer sur leur propre bateau : Le Duncan, un rapide yacht marchant à voile et à vapeur. A bord, le couple est accompagné des deux enfants du capitaine Grant, d'un cousin de Lord Glenarvan et d'un géographe français. Ensemble ils affronteront mille dangers, qu'ils soient dus à la nature elle-même ou aux autochtones.
Il s'agit du plus long roman écrit par Jules Verne, décliné en trois parties : la traversée de la Patagonie, puis du sud de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. La géographie tient pour une large part de l'aventure, en effet, pour l'époque, ce roman à des intentions pédagogiques incontestables destinées à la jeunesse de cette deuxième partie du XIXème siècle ; d'où le rôle du savant Paganel, un homme aussi érudit que distrait. D'ailleurs cette distraction apporte une note humoristique allègeant la montagne de connaissances intarissables de cet homme de science.
Outre la géographie, moult thèmes viennent enrichir l'oeuvre, notamment la toute puissante Providence ; le ressenti suite à la disparition d'un parent ; la force inébranlable de la volonté ; une grande foi dans la solidarité ; l'altérité avec la représentation et l'acceptation de l'autre, ici le sauvage ou du moins l'étranger ; la terrifiante anthropophagie des peuples Maoris et le parcours initiatique du jeune Robert Grant.
Malgré toute la richesse de ce roman il faut noter deux choses : Primo, l'invraisembabilité de l'histoire narrée, en effet, nos personnages auront à vaincre toutes les galères possibles et imaginables, rien ne leur sera épargné : un séisme dans la Cordillère des Andes, une avalanche de pierres, l'attaque d'un condor puis d'une horde de loups rouges affamés, des tornades de poussière, une inondation gigantesque dans la Pampa, une tempête colossale dans l'océan Indien, la confrontation avec une terrible bande de brigands, la condamnation à mort par une tribu cannibale, une éruption volcanique au Chili, et j'en oublie, bref, malgré tout cela, l'équipage du Duncan et tous nos protagonistes rentreront entiers !?! Et je ne parle pas des lois du hasard qui les favorisent constamment, surtout quand le pire semble inévitable. La volonté de Jules Verne est que chaque épisode soit un prétexte à enseigner la géologie, la faune, la flore, la culture des peuples des contrées traversées, et l'essentiel est d'apprendre tout en se distrayant, peu importante donc le manque de crédibilité du roman.
Secondo, bien sûr il faut remettre le récit dans le contexte de l'époque, néanmoins, je me suis senti gêné par les comparaisons des aborigènes avec les singes ; et tous ces peuples autochtones que les colons veulent civiliser de gré ou de force. De surcroît, il y a les "bons sauvages", ceux qui aident nos voyageurs dans leur périple, et les "mauvais sauvages", ceux qui n'acceptent pas d'être envahis par des européens colonisateurs. Sans compter une allusion ambiguë à un requin appelé poisson-juif, référence aux relents antisémites. Et que dire des préférences d'un jaguar concernant la couleur de peau de ses victimes. Une fois encore, ce roman écrit en 1865/1866 donne l'état d'esprit d'une époque révolue qui ferait un scandale grandement justifié aujourd'hui.
En gardant tout cela en tête, il est très agréable de voyager en compagnie de telles personnages et de partager avec elles ce tour du monde improbable mais si extraordinaire.
Petit aperçu du jardin estival 2025
Partie 3
" Malheur aux vaincus " de Gwenaël Bulteau 14/20
Alger la Blanche en 1900. Dans la demeure de la riche famille Wandell un massacre vient d'y avoir lieu : six personnes y ont été assassinées : des maîtres et des domestiques.
Les premiers éléments de l'enquête laisse croire que deux forçats, détachés du bagne et embauchés pour des travaux dans cette même résidence, auraient profité de cette aubaine pour prendre la poudre d'escampette et recouvrer leur liberté, quitte à tuer pour cela.
L'enquêteur, le lieutenant Koesler, mêne les premières investigations dans une ville où l'antisémitisme fait rage, divisant la population des colons français.
Sous prétexte d'une enquête, Gwenaël Bulteau nous fait le portrait d'une Algérie française qui craque sous toutes ses coutures. Comment vivre apaissé dans un pays où les échos de l'affaire Dreyfus résonnent, où apparaissent des milices qui sillonnent les rues, où des vélléités d'indépendance s'expriment de plus en plus, où une jeunesse orpheline livrée à elle-même vie de vols et de pillages, et où la population algérienne de souche est toujours considérée comme sujets et non pas comme citoyens français à part entière avec leurs droits et leurs devoirs ? A partir de ce canevas surtendu, le lieutenant Koesler devra enquêter en louvoyant avec finesse, d'autant plus qu'il s'avère qu'une effroyable expédition coloniale en Afrique noire, menée quelques mois auparavant, est liée à l'affaire impliquant la famille Wandell.
L'enquête est pleine de rebondissements et de suspense. Avec talent, l'auteur mélange intelligemment les hommes et les femmes avec leur époque. Il en tire un roman se basant sur un fait réel : afin de parachever la conquête de l'Empire français en Afrique Centrale, les capitaines Voulet et Chanoine étaient chargés de conquérir les territoires allant du Sénégal jusqu'au lac Tchad. Faute de moyens logistiques, ils pratiquèrent la technique de la terreur pour se faire obéir, en cas contraire, toute la population étaient massacrée ou menée en esclavage et les villages détruits. Tous ces carnages au nom de la sacro-sainte civilisation. En vérité, tout découle du contexte de concurrence entre les nations européennes pour la colonisation de l'Afrique. Toujours cette éternelle histoire de profit avant la moindre considération pour la vie humaine.
Malgré tout, j'exprime quelques bémols : Aucun des protagonistes n'existent vraiment au yeux du lecteur, ils sont rapidement esquissés, empathie impossible ; l'assassinat de René Josse ne sera jamais clairement expliqué ; l'histoire d'amour, inhérente à chaque récit est ici réduite à sa plus stricte existence. Heureusement que le fond historique remet les pendules à l'heure dans un pays où même de nos jours, les passions sont encore exacerbées, comme si les feux de la colonisations ne pourront jamais s'éteindrent.
Petit perçu du jardin estival 2025
Partie 2
" Le livre des deux soeurs " de Amélie Nothomb 15/20
Il y a bien longtemps qu'un roman de la plus connue des romancières belges ne m'avait interpellé à ce point là. J'ai été touché, voire profondément ému par cette relation parents/enfants, effet miroir sûrement. Bien sûr Amélie pousse le bouchon un peu loin avec ce manque d'amour véritable des parents pour leur première fille (la seconde aura droit au même régime), cependant c'est une situation si courante qu'elle en devient universelle. Ainsi, pour compenser, l'aînée déversera tout son amour sur sa petite soeur, la réciproque les conduira à un duo fusionnelle, si nécessaire à leur existence.
Mon autre centre d'intérêt pour ce livre tient à la puissance de la parole dîte à un enfant, des mots qu'un père ou une mère peut prononcer entre deux portes mais qui néanmoins marquent sérieusement une personne à la sensibilité exacerbée. Ainsi, rien n'est futile pour des oreilles émotives.
Je veux bien qu'un certain manque de crédibilité vienne gréver cette histoire familiale, frôlant l'univers du surréalisme, on devrait ainsi parler d'un conte, cela serait plus judicieux, néanmoins, roman ou conte, les thèmes abordés ne manquent nullement de pertinence.
Côté écriture, cela ne vole pas bien haut. Un exemple avec un beau pléonasme : " Tristane contemplait interminablement... " Quand on contemple cela dure généralement longtemps, non ? Cependant, si l'on part du principe que l'histoire nous est racontée du point de vue de l'enfant ou de l'ado, on y prête moins attention.
Sans crier au génie, ce roman plaisant est une ode à la sororité et une mise en perspective de la puissance des mots. Cependant, un beau message suinte à toutes les pages : tout le monde à un besoin criant d'amour, et j'y souscris des deux mains ! Bah... Euh... Je ne suis peut-être pas objectif sur ce coup là. Tant pis, pour une fois, vous me pardonnerez.