" Vingt mille lieues sous les mers " de Jules Verne
En cette année 1866, un évènement inexplicable eut lieu dans les océans : l'apparition d'un objet, long, effilé, parfois phosphorescent et plus rapide que n'importe quel cétacé. Plusieurs navires l'aperçurent sans pouvoir le rattraper. Les savants du monde entier s'interrogent. Une expédition maritime est mise sur pied pour comprendre l'incompréhensible. Une frégate, l'Abraham Lincoln, est rapidement affrétée avec à son bord un savant français, professeur au muséum de Paris, Pierre Aronnax. Un voyage extraordinaire commence.
Ce classique des classiques, ce roman des profondeurs, lu à plusieurs reprises dans ma lointaine jeunesse, considéré à tort comme un livre d'aventures pour l'adolescence, m'a titillé l'esprit à un tel point, que j'ai eu un besoin viscéral de le lire une ixième fois. Pourquoi mon inconscience a-t-elle souhaitée ardemment me faire replonger dans cet emblématique roman vernien ? Une myriade de raisons se bousculent dans mon esprit. Je vous les livre pêle-mêle :
Primo : L'époustouflante imagination de Jules Verne m'a toujours sidéré. Cette capacité à nous faire pénétrer dans des univers si méconnus à l'époque me fascine. Comment une inspiration aussi bouillonnante peut-elle émerger d'une seule tête ?
Deuxio : Pour les connaissances scientifiques qui y sont, non pas distillées à petite dose, mais déversées tel un torrent de savoir où chacun y pioche ce qui l'intéresse. En effet, tous les chercheurs ayant renseignés le monde sur sa géographie océanique, sur sa faune aquatique, sur sa flore pélagique, y trouve une place légitime. Bien sûr, on peut estimer l'inflation de listes ichtyologiques, puissamment érudites, comme un étalement vaniteux de connaissances, cependant, à l'époque de son écriture, c'était un intelligent moyen de s'informer pour ceux qui avaient peu accès à la culture. Ainsi, l'élan de la découverte dynamise le déroulé du voyage. Le tout étant question d'équilibre entre périodes descriptives et déploiements narratifs.
Tertio : Pour la personnalité ténébreuse du capitaine Némo, cet homme au caractère complexe et nuancé, brisé par un destin dont on aura peu d'explications. En effet, les sources de sa haine envers une partie de l'humanité demeurent recroquevillées sur elles-mêmes. Néanmoins, en filigrane, quelques indices affleurent, dispersées ça et là au fil du texte, comme son effondrement en larmes devant le tableau d'une jeune femme et de ses deux enfants. Voilà pourquoi, si persécuté qu'il ait été par le passé, il se donne le droit de justice, d'être le bras vengeur de l'opprimé face à l'oppresseur. Cela ne vous rappelle rien ? N'y a-t-il pas des similitudes troublantes entre le capitaine Némo et Edmond Dantès, devenu le Comte de Monte-Cristo sous la plume d'Alexandre Dumas ?
Quarto : Pour le personnage de Ned Land, il incarne un harponneur solide, vigoureux et pragmatique ; un homme déterminé à risquer sa vie pour recouvrer une liberté chérie, vitale et inconditionnelle. A l'image de chacun de nous, il est habité de paradoxes, allant jusqu'à sauver la vie de son geôlier.
Quinto : Pour le couple Aronnax/Conseil, soit le savant et son domestique flamand, il forme une paire, pour ne pas dire un couple, puisque le second est indissociablement lié au premier. En effet, le personnage de Conseil est l'être le plus flegmatique qui existe, ne s'étonnant jamais des situations les plus déconcertantes. Les dialogues avec son maître deviennent humoristiques tant ils sont confondants de dévouement absolu et de lucidité sereine. sans oublier son savoir abyssal concernant l'ichtyologie. Quant à Pierre Aronnax, c'est le type même du savant aux connaissances amples, néanmoins susceptible de se laisser surprendre, émerveiller et déborder par la beauté d'une observation inattendue. Deux positions savantes moins antinomiques que complémentaires. Un duo bien distractif.
Sexto : Pour le Nautilus, ce sous-marin avant-gardiste, à la construction novatrice et sophistiquée en matières de bateaux submersibles, capable de sillonner les océans du monde, de braver toutes les tempêtes, constamment en quête de beauté inconnue, de joyaux dont personne de profite. Il est l'âme de Nemo, sa liberté, son indépendance, son arme vengeresse face à la barbarie humaine et face à des pays avides de profit et de pouvoir. D'ailleurs le N de leur initiale respective ne rappelle-t-elle pas celle de Napoléon. Nemo, l'Empereur des mers, des océans, ou tout simplement : L'homme des eaux.
Septimo : Pour cette euphorie langagière qui dessine une ligne poétique. A la lecture des listes des animaux aquatiques, il y a moyen de s'enivrer de la beauté de noms de poissons ou autres crustacées. Et quand la lumière du soleil ou de la lune vient nuancer, sous l'eau, la couleur des roches et des poissons, un kaléidoscope se concrétise dans la tête de chaque lecteur, élevant la lecture à un niveau supérieur.
Octavo : Pour l'idée qui transcende tout, celle d'humanisme universelle, comprenant le respect de l'autre, de la terre, de la mer et de tous les animaux qui la peuplent. Aucune sorte de profit n'est admis, on prend juste le nécessaire pour vivre sans chercher le moindre enrichissement, la moindre colonisation. Le paradis sur terre, une idée bien utopiste, n'est-ce pas ?
Certes, ce roman peut être rangé dans la catégorie des romans scientifiques, néanmoins, je retiens avant tout les messages humaniste et écologiste qu'il contient pour en faire une oeuvre universelle et donc indémodable.
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