" Un roman russe " de Emmanuel Carrère 6/20
Avec ce roman, Emmanuel Carrère nous livre, sans le moindre préavis, toute son intimité ; cela m'a un peu dérangé, non pas que je sois un grand prude, mais parce que je m'attendais franchement à autre chose. Quelque chose de plus russe et de moins "déchirement amoureux ". Ce foutu titre m'a vraiment induit en erreur. Précisons les choses : Emmanuel Carrère enquête sur son grand-père maternel, notamment sur son comportement de celui-ci pendant l'occupation allemande, au grand dam de sa mère Hélène Carrère d'Encausse. Là, on est raccord avec le titre, mais cette recherche occupe à peine 10% du roman, et je suis large ; le reste tourne autour d'un reportage fait en Russie, sans lien avec son père, disons 40% du roman, et les 50% restant nous narre une passion amoureuse interminable. Certes, elle démarre sur les chapeaux de roues, avec une acmé inouïe, sensée se dérouler dans un train. Bravo pour ce passage aussi sexy qu'original, mais le reste n'est qu'une séparation à répétition lassante au plus haut point. J'en baille encore !
Je félicite Emmanuel Carrère pour sa volonté de ne rien cacher de sa personnalité, de son caractère, de ses défauts (nombreux) et de ses qualités (beaucoup moins nombreuses), peu d'écrivains oseraient dire autant sur eux-mêmes, surtout sur leurs manquements et leurs petitesses. Néanmoins, encore une fois, cela n'a aucun lien avec le titre du roman. Il fallait l'intituler : Tel que je suis ! Ainsi, aucun lecteur n'aurait été sournoisement floué. Enfin... surtout moi !
Nonobstant cela, il y a un autre point qui me dérange énormément, c'est ce mépris patent des classes sociales inférieures. On ne choisit pas ses parents, on ne peut pas tous naître dans un milieu aisé où on peut prendre le temps de vivre, où la vie professionnelle n'est pas une priorité quand l'argent tombe quoi que l'on fasse. Alors cette arrogance et ce désintérêt pour ceux qui viennent du bas de l'échelle sociale me contrarie notablement. Je lui reconnais le courage de l'écrire, d'autres auraient été plus hypocrites.
Bref, j'ai nettement eu l'impression, à la lecture de ce carnet de bord, que l'on est prié de s'apitoyer sur les problèmes d'un privilégié. Pauvre Emmanuel Carrère, que cela doit être difficile d'être sans problème d'argent mais déprimé quand même ; sans parler de ses tracas existentielles tournant notamment autour d'un grand-père sensiblement collabo. Franchement, du point de vue empathie, j'étais à un niveau gélif. Comment tout ceci pourrait-il donner une oeuvre remarquable ? Il y a tant de malheur en ce monde, que désolé, cette pleurnicherie me semble d'une futilité abyssalement honteuse.
 
 
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