21 avr. 2014



" Mon traître " de Sorj Chalandon     17/20.


Son propre pays, ses parents, ses enfants, sa femme, ses camarades et ses amis, ils les a tous trahis, ignominieusement trahis.


Ce traître, c'est un haut dignitaire de l'IRA (Armée républicaine irlandaise), Tyrone Meehan, son pays c'est l'Irlande du Nord.


Nous sommes à Belfast dans le milieu des années 70, les forces de l'IRA mènent une guerre de résistance face aux troupes d'occupations anglaises.


Un jeune luthier parisien, curieux du conflit nationaliste de l'Irlande du Nord, débarque à Belfast en 1975 et visite le quartier de Lower Falls Road, où en 1969, pour terroriser la population catholique, des protestants fanatiques avaient incendié toute la zone.

Six ans plus tard, les ruines calcinées trônent toujours. C'est au milieu de ce désert de briques noircies, que notre brave luthier fit la connaissance d'une famille d'activistes républicains.

Sa conduite franchement candide et sa sympathie naturelle, plus sa pratique du violon, le feront vite apprécier de tout le milieu activiste.


Les pubs enfumés, l'âcre guiness, l'hymne irlandais, les révoltes républicaines, les chants gaéliques, les ciels humides et bas, seront sa deuxième patrie, il y reviendra très souvent, notamment lors des coups durs subis par l'IRA.


Puis un soir d'avril 1977, dans les toilettes d'un pub, un homme lui apprend à pisser comme un vrai irlandais, c'est Tyrone Meehan.
L'homme dont il se nourrira et qu'il vénérera pendant plus de 20 ans, avant d'apprendre sa condition de traître au mouvement.

L'auteur (journaliste) nous livre ici une histoire très personnelle, le luthier c'est lui, cette trahison c'est la sienne. C'est donc le point de vue du trahi qui alimente ce roman et lui donne vie.


C'est pourquoi ce récit très ciselé, narre avec une justesse rarement atteinte, l'ambiance mortifère de cette période trouble.

Tout y est, la fraternité et la solidarité entre familles combattantes, le profond sentiment national, l'engagement politique, l'obstination de l'envahisseur anglais, les erreurs individuelles, la lassitude de vies stériles, la détermination des soldats de l'IRA et le climat trop souvent triste et morne, même le soleil semble souffrir des maux du peuple de l'Irlande catholique.

La force de l'écriture rapide, syncopé et la sobriété des émotions, expriment l'urgence, le combat intérieur, la souffrance quotidienne, l'impossibilité de se soumettre, la détresse, le prix du sacrifice et l'espérance pour demain.


Un récit qui prend aux tripes, qui remue, qui interroge.


L'indifférence n'est pas de mise, notamment devant ces grévistes de la faim, morts devant l'inflexible Miss Thatcher, pour une simple question de reconnaissance de leur vrai statut.

Ces David contre Goliath forcent le respect, mais tant de vies gâchées de part et d'autre interrogent une fois de plus sur l'absurdité de la violence, qui apporte plus d'amertume qu'autre chose.

A lire pour savoir, mieux comprendre et se questionner.






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