25 mai 2014





" L'ombre du vent " de Carlos Ruiz Zafon     17/20




Nous sommes à Barcelone en 1945, quelques années après la terrible guerre civile espagnole. Des relents de haine planent encore sur la ville, rendant la vie de tous les jours angoissante.

En plein coeur de la cité, imaginez une discrète et atypique bâtisse en pierre, cachant en son sein une ancestrale bibliothèque répondant au nom de " Cimetière des livres oubliés ", le tout dispatché sur plusieurs étages dans un labyrinthe inexpugnable.


Un libraire y amène son fils de 10 ans ; Daniel, afin d'y adopter l'un d'eux. Le livre choisi l'aspirera dans un maelstrom d'aventures folles et endiablées, parcourant ainsi de long et en large cette magnifique ville qu'est Barcelone.


D'emblée ce titre insolite : " L'ombre du vent ", avec sa petite touche surréaliste ( Salvadore Dali n'est pas loin ! ) nous interroge vivement, extrapolant sans le dire une histoire quelque peu abracadabrantesque d'étrangeté, de magie, de poésie et de nostalgie, tout un univers typique de son auteur. D'ailleurs tous ces livres sont facilement identifiables grâce aux mêmes ingrédients utilisés, mais toujours réinventés pour mieux saisir son lectorat.


L'incipit m'a littéralement absorbé, par son originalité, son écriture et une dose rafraîchissante semblable à un parfum d'autrefois.


Ce roman peut se résumer au parcours initiatique d'un jeune barcelonais qui, à cause d'un simple livre, verra sa vie basculer dans les méandres nauséabondes du passé.

Sa quête l’amènera à rencontrer des personnages truculents, passionnés, mais aussi cyniques, revanchards et misanthropes.


Ses désirs purs d'adolescents seront bouleversés  par les grands thèmes de la vie : Son rapport au père, les grandes déceptions, l'amitié sincère et totale, la mansuétude, les remises en questions, la condition humaine, mais surtout ses premières relations avec la gente féminine, pour terminer par l'amour passionné et absolu, vaste programme !


Son parcours sera intimement lié à celui de l'auteur du livre qu'il a choisi dans la vieille bibliothèque : " Julien Carax" , au point qu'ils finiront par se confondre dans une danse de feu émouvante et macabre.


Sous-jacent le vernis barcelonais, un monde interlope se dessine au fil des pages, consolidant les fondations du récit.


Les énigmes qui fourmillent le long de la lecture, semblent imbriquées les unes dans les autres telles des poupées russes, au point que je redoutai une immense déception avec une fin alambiquée, mais non, tout fini par s'expliquer dans le final.


Mais indéniablement, le personnage central de cette oeuvre, c'est Barcelone, que l'auteur magnifie par des descriptions qui me donne envie de me jeter dans le premier avion en partance pour la Catalogne. On ne peut se lasser au crépuscule, des jeux de lumières dont le soleil inonde la cité, telles des coulées de cuivres liquides, rebondissant sur les façades des maisons typiques de la vieille ville.



Certains personnages sont tellement attachants qu'ils me manquent cruellement une fois la lecture achevée, on aimerait les rencontrer en vrai, discuter avec eux, les serrer dans nos bras, l'empathie joue à fond, n'est ce pas le signe d'un roman réussi ?



22 mai 2014


Les p'tits bonheurs.


Ils se cachent matoisement dans les recoins de nos existences,
Parfois nichés dans l'inaccessibilité de nos lascives consciences.

L'espiègle et sournois angle mort, leur convient à ravir,
Dans le dessein de mieux nous saisir, nous éblouir.

Ils embellissent nos journées, quelquefois nos nuits,
De myriades d'étincelles de vie, assassinant l'ennui.

Si futiles, si véniels, mais si essentiels,
Ces mille plaisirs, cadeaux du ciel.

Comme saisir à la volée, le sourire fugace et candide d'un gamin,
Éprouver le contentement de plonger la main dans un sac de grain.

Marcher pieds nus dans une herbe pleine d'aiguail,
S'extasier devant la beauté ostensible d'un vitrail.

Siester sous la fraîcheur ombragée d'un châtaignier,
Découvrir une madeleine de Proust dans son grenier.

S'enivrer du parfum capiteux d'une rose,
Caresser un bois nervuré de névroses.

Respirer les arômes généreux d'une baguette toute chaude,
S'extasier devant la couleur minérale d'une émeraude.

Songer à un long voyage en voilier jusqu'aux antipodes,
S'éblouir devant les mille éclats naturels d'une géode.

S'émouvoir devant la délicatesse d'une action altruiste,
Baguenauder devant le copieux étal d'un bouquiniste.

S'attendrir devant les tout premiers pas d'un bébé,
Observer par une nuit douce, le halo d'une lune nimbée.

Humer l'odeur enivrante de l'encre d'un livre tout neuf,
Admirer la courbe académique d'une vieille teuf-teuf.

Etre troublé par l'apparition d'une silhouette gracile,
S'éloignant déjà, prise dans le tourbillon de la ville.

Entendre la magnificence d'un chœur, chantant l'hymne européen,
Savourer avec gourmandise les toutes premières fraises du jardin.

S'énamourer d'une simple voix entendue à la radio,
Fondre sous la douce et tendre mélopée d'un adagio.

S'ébaudir devant le spectacle d'une mer déchaînée,
Cueillir une belle marguerite et lentement l’égrainer.

Heureusement, cette liste est très loin d'être exhaustive,

Ces petits miracles du quotidien, j'en fais mon leitmotiv.




12 mai 2014



Soleil liquide.


Telle une forte marée, une douche de lumière zénithale inonde la campagne.

Tsunami voulant noyer toute pénombre, tolérant à peine quelques flaques d'ombres.

Partout des ruisseaux venteux d'air chaud, agacent le feuillage naissant des arbres.

 Des coulées de nuances mielleuses dorent la nature, éclaboussant nos yeux.

Autour de moi, des vagues cacophoniques de sifflements d'oiseaux habitent l'espace.

En tous lieux, moult torrents d'effluves parfumées flottent dans l'azur.

Océan de plénitude, exultant notre foi en la nature.

Bain de Jouvence pour notre moral ; cette journée sera un long fleuve tranquille, arrosant de sa clémence, toute vie.




3 mai 2014



 Histoire de la chanson Göttingen. 



     Trop longtemps, je n'ai pas compris le sens exact des paroles  de la chanson de Barbara " Göttingen ".

Je sentais naturellement qu'une grande puissance émotionnelle émergeait de cette chanson, mais sans en connaître la véritable origine.

Puis récemment, grâce à une chronique entendue sur un média, j'ai saisi tout le message contenu dans cette mélodie et ces paroles.

Curieux comme je suis, j'ai cherché à en savoir le plus possible.
Et comme c'est une merveilleuse histoire d'humanité, je ne pouvais faire autrement que de vous la narrer, simplement.

   Barbara de son vrai nom s'appelle Monique Serf, d'origine juive, elle est née le 9 juin 1930 à Paris.
Pendant la guerre elle échappe par miracle aux bombardements, aux dénonciations, elle est obligée de se cacher pour éviter les rafles, c'est dire qu'elle a en elle, une profonde et légitime haine de l'allemand, des boches !

C'est en juillet 1964 qu'est née Göttingen.
Cette année-là, alors que Paris va célébrer le 20 ème anniversaire de sa libération, les esprits sont encore vifs concernant toute cette époque avec les cendres du héros de la Résistance, Jean Moulin, qui vont être transférées au Panthéon.

Mais une nouvelle génération est là !
Qui commence à chanter la liberté, la fraternité.
Le mouvement " Peace and Love " est en marche, et Barbara est en phase avec son époque.

Nous sommes donc en Juin 1964, la carrière de Barbara est en pleine ascension, elle vient d'être engagée chez Philips et elle se produit avec les plus grands à  " L'écluse " ; petit cabaret parisien.

En ce temps-là, chanter dans un cabaret était presque aussi important que passer à la télé aujourd'hui.
C'est ce qui à fait sa renommée.

   Peu de temps après, elle se rend compte qu'elle a donné un accord à son imprésario pour aller chanter à Göttingen, une improbable ville universitaire allemande.
Elle dira dans ses mémoires : " J'étais en colère d'avoir acceptée d'aller chanter en Allemagne ! "
"Mais pourquoi est-ce que j'ai accepté d'aller là-bas, chanter devant ces allemands que je n'aime pas ? "

Göttingen en Basse-Saxe, aujourd'hui une ville de 130 0000 habitants, avec une tradition universitaire importante.

C'est une Barbara très irritée qui débarque donc le 4 juillet 1964 sur l’aéroport de Göttingen.
Le soir de son concert, elle n'est pas de bonne humeur ; elle n'a absolument aucune envie de chanter devant ce peuple qu'elle déteste viscéralement.

Malgré tout, bon an mal an, elle entre dans le théâtre et voit que le piano à queue qu'on lui a promis n'est pas là, elle fulmine d'indignation !

C'est une vieille crécelle à roulette qui trône sur la scène !
Elle déclare aussitôt : " Dans ces conditions là, ne compter pas sur moi pour chanter !!! "
L'atmosphère était de plus en plus délétère.

Puis, elle voit débouler des jeunes allemands, dont elle a eu si peur quand elle était plus jeune, blonds, athlétiques, qui lui disent : " Mais madame, il y a là, à côté une vieille dame qui possède un piano à queue, nous allons vous le chercher, nous vous l'amenons tout de suite, nous serions si heureux de vous entendre chanter dans ce théâtre."

Surprise d'une telle gentillesse, elle laisse faire.
Evidemment, cela prend du temps , mais ces jeunes allemands finissent par lui ramener un vrai piano.
Le concert peut alors débuter avec 1 heure 30 de retard.
La salle est comble.

Au final, Barbara vivra l'une de ses soirées les plus formidables.
L'accueil est extraordinaire, inimaginable, une chaleur humaine emporte la jeune chanteuse sur un nuage de bonheur.
Son émotion est totale, c'est les yeux très humides qu'elle achève ce concert si mal parti, émue jusqu'aux tréfonds de son âme.
Jamais, jamais, elle n'oubliera cette journée du 4 juillet 1964.

Elle restera une semaine, elle qui ne devait à l'origine ne donner qu'un seul et unique concert !

Sur place, pendant ces sept jours, elle apprendra à connaitre les gens.
Elle ira au devant des enfants, elle s'immergera dans cette population.
Rencontres bouleversantes d'humanité, d'humilité.

Son coup de coeur est inoubliable, et le septième jour, sur scène, elle chantera l'ébauche de la chanson Göttingen, qu'elle terminera d'écrire en 1967.

Chanson d'amour et de paix.

De toute évidence, les jeunes générations ont perdues de vue ce qu'a été la réconciliation franco-allemande.

Mais c'est précisément ce dont il faut se souvenir : dix siècles de guerre, 50 ans de paix, ceci est très précieux, il faut le cultiver.