" La planète des singes " de Pierre Boule 16/20.
Nous sommes en 2500, Jinn et Phyllis, un couple de riches oisifs passent des vacances merveilleuses dans l'espace interstellaire. Nichés dans un petit vaisseau sphérique à voile, propulsé uniquement par la force des vents solaires, ils déambulent dans le vide poétique de l'univers. Un jour, un objet voguant au gré des forces gravitationnelles s'approche de leur astronef, il s'agit d'une bouteille ! Intrigués par ce que le hasard leur envoie, ils s'emparent du récipient de verre, et surprise, trouvent un petit manuscrit à l'intérieur !
Celui-ci écrit par un certain Ulysse Mérou, raconte l'histoire du professeur Antelle, d'Arthur Levain son second, et de lui-même journaliste, tous trois fonçant dans leur vaisseau spatial, à la recherche d'une planète habitée, et qu'ils finissent par dénicher, dans le système de Bételgeuse " La Rouge ", à quelque 500 années-lumière de la terre.
Nos trois aventuriers n'en reviennent pas de la ressemblance de cette planète qu'ils baptisent " Soror ", avec la Terre. Ils aperçoivent d'abord ses océans, ses continents, ses villes, puis ses routes curieusement semblables à celles qu'ils connaissent sur Terre. Après s'y être posés, les trois hommes découvrent que la planète est habitée... par des singes. Ceux-ci s’emparent d'Ulysse Mérou et se livrent sur lui à des expériences telles que les humains en font avec les animaux. Il faudra que le journaliste fasse, devant ces singes, la preuve de son intelligence. Mais attention ces mêmes singes sont-ils tous prêts à admettre qu'une autre espèce leur dispute cette acuité mentale ? Et puis, quelles sont ces ruines disséminées sur la planète, qui n'indiquent en rien un passé simiesque ? D'autant qu'une poupée en porcelaine est retrouvée enfouie depuis des millénaires, sous des tonnes de sable !
De ce roman d'anticipation si mythique, certes connu avant tout grâce à sa carrière cinématographique bégayante, une seule question prévaut ici : Qui l'a vraiment lu ? Sans exagérer, je crois pouvoir affirmer que très peu de gens se sont penchés sur ce célébrissime livre de Pierre Boule.
D'ailleurs, au vue des préquelles et des séquelles tirées de ce petit roman par de nombreux réalisateurs de cinéma, on pourrait légitimement penser que, soit le roman de base est un vrai pavé littéraire, ou que ces films sont issus d'une importante suite de livres, telle une saga. Que nenni ! La source originelle tient en un roman de moins de 200 pages ! L'exploitation commerciale, plus ou moins heureuse, a fait le reste.
" Mais alors me questionnerez-vous, les films sont-t-ils une fidèle restitution du roman ? " Là encore je me vois contraint de bisser mon " Que nenni " ! En effet, tout l'incipit du roman et sa fin diffèrent totalement des versions du grand écran, de plus celui-ci nous proposait une civilisation de singes relativement basique, sans aviation, ni moyen motorisé de transport où le cheval primait, aux antipodes du roman. Et puis, la double chute finale du livre, étourdit agréablement le lecteur, qui en restera médusé, longtemps !
D'ailleurs, dès mon résumé, on peut se rendre compte qu'il ne correspond en rien au début du film de Francklin J.Schaffner sortie en 1968, premier d'une série de 8 ! Et là, sans vouloir vous dévoiler l’histoire du livre, je vais vous révéler deux secrets, qui ne seront pas un spoiler de l’intrigue du roman : La planète qu'abordent les trois terriens, n'est pas du tout la Terre ! (Contrairement aux films). Et le couple de riches oisifs du début du livre, ne sont pas ce que l'on pourrait croire. Mais chut l'auteur nous dupe, nous manipule, nous leurre... il fait son métier somme toute !
Bref, l'industrie du cinéma a tellement bousculé, émasculé, dynamité, trépané les bases de ce roman, dans un but un peu trop mercantile, qu'au final, lire ce petit livre, s'avère comme une vraie découverte où des surprises INÉDITES vous attendent.
Publié en 1963, ce roman dénonce et sanctionne l'arrogance outrancière de tout pouvoir, quel qu'il soit, vis à vis d'espèces différentes dîtes " inférieures ", faisant notamment allusion à la ségrégation aux Etats-Unis, ou à l'Apartheid en Afrique du Sud. La résonance sur l'histoire de l'humanité est sibylline, inévitable.
Pierre Boule blâme aussi l'obscurantisme scientifique, enfermé dans sa tour d'ivoire, imbu de certitudes, incapable de remettre en causes des connaissances qui finissent par s'avérer caduques.
Malgré tout, on ressent chevillée au corps de l'auteur, une belle note d'espoir fortement revendiquée par la ferme volonté de faire sauter les barrières entre les genres, inoculée par l'AMOUR, qui seul est capable de tout transcender, s’inscrit utopiquement comme une espérance immuable de toute civilisation.
Et puis, comme un oiseau de mauvaise augure, Pierre Boule annonce la possibilité de la fin de la civilisation humaine. Oui, malgré sa puissante technologie dans tous les domaines, l'homme reste fondamentalement très fragile, face aux terribles menaces de tous ordres qui se dressent devant lui.
Mille raisons de vous plonger dans cette oeuvre, vous serez très certainement surpris, car comme l'iceberg, le cinéma n'en a révélé qu'une infime partie !