15 oct. 2014


" La dévoration " Nicolas d'Estienne d'Orves  15/20.


Nicolas Sevin est écrivain, il aime profondément l'opéra, la littérature et... le côté macabre de l'humanité !  Judith, son éditrice souhaiterait qu'il se renouvelle enfin, au lieu de ressasser indéfiniment des histoires sordides où chair et sang, éclaboussent le lecteur au fil des pages. Elle désirerait que pour son futur roman, Nicolas fasse une introspection afin de mettre à jour les origines de ces écrits macabres, qu'il se démasque, en un mot qu'il se mette à nu.

Voici les bases de ce roman atypique, qui séduit fortement, avant d’écœurer franchement sur la fin. Dès l'incipit j’adhère, l'écriture est plaisante, inventive et jubilatoire (notamment avec l'entame du chapitre 2, d'une justesse qui frise l'universelle), l’enthousiasme est là, même si on sent par-ci par-là des relents nauséabonds où l'auteur veut nous entraîner, mais rien que par curiosité on lui fait confiance, et on ne va pas être déçu !

Le roman est fractionné en trois parties, qui, bien que présentées séparément, finissent par fusionner dans le final. 

La première partie s'ouvre avec Nicolas Sevin, un trentenaire qui vogue de succès littéraire en succès : professionnellement tout baigne, par contre sa vie privé s'avère être un champ de ruine qui sent le soufre ; fâché avec sa mère (papesse de la littérature enfantine), chez qui il habite encore malgré tout, comme quoi rien n'est simple dans sa vie ; brouillé également avec son père, qui lui reproche l'insignifiance abyssale de ses écrits. 

Côté sentimental, c'est également la Bérézina : il y a au fond de lui un mal-être, inexpugnable, qui le ronge et lui saccage la vie. Depuis toujours, Nicolas est fasciné par la noirceur, obnubilé par le Mal, d'où ses livres, qui trouvent une résonance vorace auprès d'un large public avide de ses boucheries littéraires. Son éditeur, en le bousculant psychologiquement de ses acquis, lui donnera l'occasion d’exorciser les racines du mal qui l'habite.

La deuxième partie nous renvoie en 1278 à Rouen, où un certain Rogis, meilleur boucher de la ville, attend la mort dans sa cellule. Les circonstances feront de lui le premier d'une famille de bourreau courant tout au long de l'histoire jusqu'au XXème siècle. Donnant ainsi à Nicolas d'Estienne d'Orves une trop belle opportunité de nous servir quelques scènes bien morbides, mais en même temps, nous livrant une mise en abîme de cet atypique métier de bourreau.

Puis, en apothéose ou devrais-je plutôt dire en apocalypse, au vu des morceaux bien sanglants littéraires que l'auteur propose, nous faisons la connaissance, du fameux japonais cannibale qui défraya la chronique en 1981, affaire des plus sordides s'il en est.

L'imbrication de ces trois histoires peut sembler cousue de fils blancs, mais l'essentiel est ailleurs, niché dans le tréfonds de chacun de nous, vestige d'un temps ancestral, où, de nos origines préhistoriques, nous gardons tous un fonds de sauvagerie et de cruauté. Ces instincts, cachés sous une épaisse couche de civilité, ne demande malheureusement que peu de choses pour ressortir au grand jour, car le mal est éternel, depuis la nuit des temps.

Ce roman choquant (et encore c'est un euphémisme), a au moins le mérite de faire réagir, de bousculer, d'interpeller le quidam sur ces sujets macabres, ce qui est après tout l'une des fonctions premières de la littérature.

Au-delà de toutes considérations négatives à causes des thèmes trop sanguinolent abordés, il faut reconnaître que Nicolas d'Estienne d'Orves, accouche d'une oeuvre surprenante, déstabilisante et magistralement orchestrée, dont l'écriture emporte le lecteur dans un tourbillon de sensations diverses et pertinentes, c'est pourquoi, nul doute qu'il marquera longtemps les esprits.

Et puis, je ne peux m'empêcher de finir en déclamant cette accroche publicitaire facile, mais qui colle si bien à ce roman : " Un livre à dévorer à pleines dents ! "   C'était plus fort que moi !




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