8 oct. 2014


" L'étranger " d'Albert Camus 



Meursault vient de perdre sa mère, qu'il avait placée à l'asile. Lors de la veillée du corps et de l'enterrement, il ne verse pas une larme. Peu de temps après, il fait la rencontre d'une jeune fille qui lui plaît, Marie. Puis il devient l'ami d'un voisin de palier, Raymond, plutôt violent. De fil en aiguille, il accompagne celui-ci dans un cabanon sur la plage avec Marie, partager un repas entre connaissances. Puis le hasard et la bêtise lui font tuer un arabe. Son indifférence naturelle le conduira jusqu'à la peine capitale.

D'emblée, cette oeuvre déconcerte par sa simplicité. Là où on souhaiterait lire des phrases élégantes, raffinées, on n'y lit que du basique, d'un dépouillement confondant. L'écriture du roman pourrait se comparer à la rédaction d'un élève de CE2. Cette singularité est voulue, à l'instar de l'absence de sentiment du personnage central, Meursault, qui nous déballe sa vie, comme une longue litanie monocorde, au risque d'engendrer l'ennui.

Meursault, l'anti-héros de ce roman, n'éprouve rien ou si peu, aucune passion ne l'anime, il ne se révolte contre rien, ne voit pas la violence qui l'entoure, il est là, fait ce qu'il a à faire sans se poser de question, comme un lobotomisé qui aurait la capacité émotionnelle d'un mollusque. Néanmoins, s'il est heureux comme ça ! C'est sa vie après tout !

La première phrase du livre, si célèbre : "Aujourd'hui, maman est morte ", annonce pourtant un drame, un bouleversement intérieur, mais pas pour lui, il le vit comme une simple péripétie de la vie. Quand son amie Marie, lui demande s'il l'aime, il ne sait pas, l'ignore, ils sont ensemble, un point c'est tout. Du coup, développer de l’empathie pour ce personnage, ce qui est logique dans le cas des romans, s'avère une gageure, une hérésie.

Les choses s'animent, quand Meursault, soit-disant ébloui par un soleil incandescent tire sur un homme allongé au sol, le menaçant d'un couteau. Néanmoins, une seule balle aurait suffi, pour autoriser une sorte de légitime défense, alors pourquoi en avoir tiré cinq ?

Dès lors, l'accusation aura le beau rôle d'accuser Meursault d'avoir agi non par réflexe mais avec préméditation. Ses totales absences de regrets, n'arrangeront rien. Enfin, quand des témoins avides de raconter que lors de l'enterrement de sa mère, l'accusé n'a eu aucune émotion, les juges, atterrés par ces dernières révélations, n'auront aucune pitié pour le jeune homme, et la sentence sonnera comme le glas, clôturant l'existence fade du condamné.

Camus dénonce ce jugement arbitraire, mû par l'insensibilité d'une personne à toute sorte d'émotion, coupable aux yeux d'une société pleine de conventions de ne pas respecter les pratiques en cours. Malheur à tout homme qui pense différemment, il faudra les remettre dans le droit chemin. Car s'il n'y a plus de limites, où va le monde mon bon-ami ?   Heureusement que des barrières existent pour éviter le grand désordre des pensées révolutionnaires ou hérétiques !

" L'étranger ", titre judicieux, puisque Meursault est étranger à tout : au décès de sa mère, à l'amour de Marie, aux conduites violentes de son voisin, à son acte criminel, tout l’indiffère. D'ailleurs, s'il accepte de devenir l'ami de son voisin Maurice, même s'il n'en a pas spécialement envie, c'est uniquement pour ne pas à avoir à donner des explications, trop longues et trop fatigantes !

Ce roman divise les lecteurs par son étonnante construction, et surtout par le manque de passion de Meursault, au point que l'on se demande s'il habite son corps, s'il lui arrive de réfléchir sur lui-même, sur son entourage, sur le monde. Du moins s'il n'est pas heureux, est-il content de sa vie ?   Il traverse la société comme l'ombre du vent, ne laissant qu'une fluette nuance sur la pellicule du temps.  Dés lors, son acte meurtrier doit-il se vivre comme une résurgence, un sursaut, prouvant son existence aux yeux du monde ?   Ou juste une action anodine dont les conséquences lui échappe totalement ?   Chacun décryptera le message de Camus suivant son expérience et sa propre conscience.

De manière subliminale, un personnage qui ne dit pas son nom est présent à toutes les pages, je veux parler du soleil. Force est de constater qu'il irradie la lecture d'une once de chaleur incandescente, devenant vite éblouissante et étouffante. Et d'après Meursault, c'est lui le soleil, le responsable de son acte meurtrier, donc de sa lourde condamnation !   Comme quoi, on ne se méfie jamais assez du soleil !



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