Un génie au Vatican.
Au printemps de grâce 1769, un père et son fils de 14 ans, d'origine allemande, visitent pendant quelques semaines l'Italie : Florence, Venise, Pise, Vérone, Parme, etc... Que des noms qui font rêver !
Ils ont la chance de profiter d'un temps radieux qui exalte tous les parfums de la généreuse nature de la péninsule italienne. Leur voyage gorgé de couleurs chaudes se clôt par une visite à Rome, et plus exactement : au Vatican.
En ce jour saint de Pâques, ils pénètrent silencieusement, avec des yeux émerveillés, dans la magnifique Chapelle Sixtine. Au plafond, parmi les somptueuses fresques, le doigt de Dieu semble plus intimidant que jamais, et renvoie tout croyant à sa pauvre condition d'homme.
Une foule humble et bigarrée pénètre dans ce chef-d'oeuvre architectural, certains dans un recueillement respectueux, d'autres avec une louable impatience. Pourquoi impatience ? Parce que en ce dimanche de Pâques, comme tous les ans, c'est le seul jour de l'année où l'on peut entendre chanter la splendide et solennelle oeuvre du compositeur italien Allegri Gregorio : le célèbre " Miserere " !
Les autorités religieuses ont décrété que toute copie de la partition originale était absolument interdite, sans aucune exception, sous peine d'excommunication totale et définitive ! Depuis sa création en 1638, personne n'a pu poser les yeux sur cette quasi sainte partition composée sur le Psaume 50, à l'exception naturellement de ses interprètes. L'inaccessibilité de ce livret, rendait donc ce chant encore plus mystérieux, mystique et spirituel.
Le seul moyen de l'ouïr, était d'être présent ce jour précis de l'année, dans la Chapelle Vaticane, ceci explique la présence de ces deux mystérieux ressortissants allemands.
Voilà pourquoi ce lieu saint fut si vite bondé, l'agitation des fidèles se métamorphosa bien vite en silence quand le Pape apparut, la messe de Pâques put alors débuter...
Le Miserere est une oeuvre qui dure une quinzaine de minutes, elle est composée pour un chœur formé de dix voix d'hommes et de femmes. Son écoute vous plonge dans un état méditatif, qui semble nous faire toucher au plus spirituel du spirituel, comme si des anges nous chuchotaient la sainte parole à l'oreille, et qu'elle finissait par s'infiltrer jusqu'aux tréfonds de notre âme.
On ne peut qu'en sortir grandi d'une sagesse universelle, pleine d'un amour pour une humanité en désespérance. L'instant est puissant, enrichissant, salvateur et purifiant.
Mais jetons un coup d'oeil au jeune homme, dont les yeux et les oreilles sont dans un état de concentration ultime. Il semble aspirer la mélodie polyphonique, comme un oxygène bienfaiteur. Pas de doute, ce jeunot n'est pas n'importe qui, il rayonne de son visage halluciné un magnétisme certain.
Une fois la messe achevée, nos deux étranges personnages se rendirent rapidement à leur hôtel. Le père las, s'allongea sur un lit étroit, tandis que le fiston s'assit sur une chaise branlante devant une antique table en chêne rustique. D'un geste péremptoire il ouvrit son encrier, prit une plume neuve, une partition vierge, et, sans aucune hésitation se mit à retranscrire de mémoire, note pour note, l'oeuvre entendue peu de temps auparavant.
Prodige de l'humanité, ce jeune homme noircit prestement, une, deux, puis trois pages, une fois ses écrits achevés, il souleva les feuilles à bout de bras, jaugeant son travail à l'aune de ses souvenirs auditifs. Un large sourire de satisfaction se dessina sur ses lèvres ; les voix résonnaient toujours dans sa tête : le travail était parfait, identique à l'original.
Ainsi, par le truchement d'un petit génie d'outre-Rhin, le Miserere put enfin franchir la frontière du Vatican, et se répandre comme une douce épidémie, aux oreilles du monde entier !
Bien sûr, l'identité de notre jeune n'est plus un mystère pour vous ! Non ? Mais si voyons, le père n'est autre que Léopold Mozart, et son fils, le fabuleux Wolfgang Amadeus Mozart !
De toute évidence, je ne peux que vous encourager à vous procurer cette divine oeuvre, et à l'écouter ou à la réécouter jusqu'à...
Concluons ce texte par une citation de Pierre Barbizet : " Un musicien n'est grand que par la grandeur qu'il révèle chez son prochain ! "
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