25 mai 2015


" Les gens heureux lisent et boivent du café " d'Agnès Martin-Lugand   6/20



Devant l’engouement fébrile suscité par la sortie de ce roman d'abord sur le net, en grand format papier, puis en poche, j'ai voulu connaître enfin le premier opus de cette auteure, que tant de gens ont encensé avec ferveur.

J'aurais peut-être dû me méfier devant ce best-seller sorti de nulle part, cependant, son pitch était des plus alléchant : Diane perd brusquement son mari et sa fille dans un accident de voiture. Dès lors, absolument tout se fige en elle, comme si le temps s'était stoppé net, seul son coeur bat encore, obstinément, douloureusement et inutilement. 

Égarée dans les limbes du souvenir, plus rien n'existe autour d'elle. Sous la forte pression de son ami Félix qui l'incite à reprendre le chemin de l'existence, elle décide de s’exiler en Irlande, pays que feu son mari voulait visiter. Ayant toucher le fond, elle n'aura d'autre choix que de revenir à la surface de la vie petit à petit...

A propos de toucher le fond, j'en connais une autre qui... Non ! Pas d'insulte facile et arbitraire, de la rigueur et de la précision avant tout. D'ailleurs, je ne suis pas ici pour juger une personne, surtout pas, mais juste un texte. En aucune façon je ne voudrais dévaloriser quiconque, je n'en ai aucun droit. C'est seulement un avis personnel sur un roman, c'est tout, et uniquement cela. Cela va quand même mieux en le disant. Parce que des fois, on pourrait croire...

Pour moi, il y a un mystère autour de ce roman : comment un livre si mal fagoté, bancal et un peu fade, a-t-il pu engendrer un tel enthousiasme auprès d'un si large public ? 

J'avoue modestement ne pas comprendre, ou ne pas vouloir, car la réponse me fait franchement peur, me glace le dos. A force de tout niveler par le bas, afin d'optimiser la réussite d'un plus grand nombre, on finit par imprimer de telle bluette. Oui, je sais qu'il en faut pour tous les goûts, qu'il faut permettre aux gens simples de lire des romans faciles à comprendre et qu'ils aiment. Mais enfin, pourquoi ne pas les pousser vers une autre littérature, presque aussi aisée à lire, mais mille fois mieux écrite et structurée, je pense aux romans par exemple de Jean-Christophe Rufin, de Yasmina Khadra ou de Pierre Lemaître, en plus ils ont tous un puissant fond historique ? Comme disait Coluche, il suffirait que les gens arrêtent de l'acheter pour que ça ne se vende plus !

Mais, je vous dois une légitime justification : pourquoi n'ai-je pas aimé ?

Parce que les personnages manquent foncièrement de cristallisation, ils sont transparents, vides, sans épaisseur et sans colonne vertébrale. Que sait-on de leur passé ? Rien ou peu de chose. De leur présent ? Fichtre rien (sauf pour Diane). Et le futur ? Attendons le tome 2 pour cela. Cette absence abyssale de verticalité, explique qu'aucun sentiment d'empathie n'agit, on se sent en-dehors du propos, exclu.

Parce que les nombreux dialogues, sont trop souvent insipides, exception faite de ceux avec ses beau-parents.

Parce que Diane travaille dans le milieu des livres, qu'elle en emporte plein dans son exil irlandais, on suppute que c'est pour les lire, à moins que...! Mais jamais aucun livre n'est cité, même de loin, de façon subliminale ou anonymement. Attristant ! Un comble : même le titre du roman présent : Les gens heureux lisent et boivent du café, fait référence à une très grande oeuvre, mais non rien le néant, comme si Agnès Martin-Lugand avait peur d’effrayer son public en évoquant une oeuvre qu'il ne connait pas. Affligeant !

Parce que cette Irlande, où l'histoire est censée se passer, doit rentrer en résonance avec le lecteur : il doit la sentir, la toucher, la respirer, la goûter, la voir comme un personnage à par entière, avec son côté sauvage, unique et essentiel. Au lieu de cela, l'Irlande d'Agnès Martin-Lugand se limite à un sol sans âme, à un bord de mer sableux et rocheux, mouillé plusieurs fois par jour au rythme d'une météo capricieuse. C'est tout, désespérément tout, sidérément tout ! Dommage pour un pays si mythique, entouré par cette mer infatigable, qui vient inlassablement se battre comme une forcenée contre ses parois de granit noir, et dont les paysages rivalisent de poésie bucolique. 

Parce que le travail de résilience, afin de purger ce traumatisme, cette fameuse reconstruction après un deuil, n'apparaît quasi pas, on l'oublie vite pour tourner autour d'un bellâtre irlandais qui est d'une arrogance folle. Or, il eut été fortement intéressant de remonter avec Diane l'échelle des étapes nécessaires à la reprise de contact avec le monde extérieur. Mais cela était trop demander. Tant pis !

Parce que construire des histoires autour de deux personnages qui se détestent, pour finir par s'aimer à la fin, cela suffit, il faut arrêter, ce thème est plus rebattu que les hautes falaises de Moher par les vagues dantesques de l'océan Atlantique !

Parce qu'on espère tellement de joie de lecture après cet emballement médiatique, que cela aggrave encore plus la déception finale. Mais là, elle n'y est pour rien ; la puissance des buzz d'internet à des pouvoirs de nuisance incalculables.

Agnès Martin-Lugand est malheureusement passée à côté de son sujet, c'est regrettable, mais flagrant. Pour l'avenir, gageons qu'elle saura soigner les points qui ont fait si défaut ici.

Sans rancune.


1 commentaire:

  1. Je suis tout à fait d'accord avec toi cher Eric... Je l'ai lu jusqu'à la fin pour la seule raison que le nombre de pages se limitait à 190 ; certains diront que 190 c'est déjà trop. On reste sur sa faim, dès le début du livre... Et dire que l'auteur a vendu les droits et que le film est en préparation ... Sûrement le prochain carton cinématographique français ....

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