20 juil. 2015



" Les pays " de Marie-Pierre Lafon 16/20


Fille de paysans, Claire monte à Paris pour étudier les lettres classiques à la Sorbonne, puis, comme attirée par cette ville où tout se passe, elle y restera pour enseigner, mais... Jamais elle n'oubliera ses racines, ses origines issues de la campagne profonde.

Le roman se divise en trois parties, trois périodes, trois étapes essentielles. La première narre son voyage accompagnée de ses parents, pour aller visiter l'incontournable Salon de l'agriculture, son père concluant cette visite par un jugement en demie-teinte : comme quoi finalement, ils n'avaient pas vu grand chose ! La deuxième, évoquant les années d'études parisiennes de Claire, un peu esseulée, loin de son Auvergne natale. Cependant elle s'initie vite à la vie trépidante de la capitale, et finit même par l'aimer. Puis dans la partie finale, les années ont passé, Claire a 40 ans, et elle multiplie les aller-retour entre ses deux pays, Paris et le Cantal, sources de son être profond.

Roman sur nos racines familiales, notre propre terroir, et la fin de l'innocence. Bref d'une vie qui change, non, qui se modifie, qui évolue, orientée ou incurvée par la nécessité des choses et de l'âge. Réflexion profonde sur la vie de nos paysans issue des trente glorieuses, et qui se voit perdue devant une urbanisation galopante et un modernisme coûteux qui s'immiscent dans beaucoup d'exploitations, et qui rend d'autant plus fragiles ceux qui renoncent.

Claire, outre son appartement Parisien, finira par acheter une maison dans le Cantal, elle ne peut vivre sans un pied dans chaque endroit. Cependant, lors de ses rencontres avec son père, elle pourra constater que les liens se sont distendus avec le temps et la distance. Chacun a évolué dans un sillon différent sans pour autant être contraire. Un temps arbitraire est passé, fatalement, inexorablement.

J'ai entendu de nombreuses interview de Marie-Pierre Lafon et à la lecture de ce roman, une conclusion s'impose : c'est une femme qui parle comme elle écrit ! Avec l'élégance d'une lettrée et le prosaïsme doublé du rationalisme d'une paysanne, ce qui sous ma plume n'a rien de péjoratif ! 

Non, rien n'est ici bassement fade, de second choix ! Partout elle orne ses phrases avec parcimonie et minutie. C'est de l'artisanat d'orfèvre, on la devine ciselant infatigablement son objet littéraire jusqu’à obtenir l'harmonie la plus belle, la plus parfaite. Une sculptrice du mot !

D’où une retranscription parfaite des impressions, du ressenti, des odeurs, des lieux campagnards, et de cette rivière du Massif Central qu'elle aime plus que tout : La Santoire. D'ailleurs dès qu'elle en parle, c'est comme d'un amour indélébile de jeunesse, la glorifiant d'une nuée enchanteresse de qualificatifs.

Bref ce roman en partie autobiographique se veut comme une émancipation de l'être bloqué dans un carcan, mais également de l'impossibilité de vivre sans regarder derrière, vers la source de ce qui nous a construit : les briques de nos fondations.


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