29 sept. 2015


" La condition pavillonnaire " de Sophie Divry  12/20


La romancière relate la trajectoire d'une française nommée uniquement par ses initiales : M.A. Née en Isère dans les années 1950, fille unique d'un père carrossier et d'une mère employée municipale du village de Terneyre dans l'Isère, elle partira faire des études d'économie à Lyon et se fera une grappe d'ami(e)s. Plus tard elle sera embauchée dans une entreprise de meubles en temps que responsable des achats, puis se mariera en 1978 avec François courtier en assurance, ils s’installeront à Chambéry, auront trois enfants et s'offriront une belle maison avec jardin à la campagne. La lassitude du couple émergeant, elle pimentera sa vie par l'intermédiaire d'un amant, puis lentement, amère, les années filant, elle passera le flambeau avant de s'éteindre autour de 80 ans.

Racontée comme cela ce récit peut paraître d'une banalité monstrueuse, je le concède. Ce que tente de dénoncer ici Sophie Divry, c'est une vie où tout est plus ou moins programmé, balisé, canalisé, comme devenir propriétaire, fonder une famille, travailler, consommer, se reproduire, réunir des amis autour d'un barbecue, s'occuper de son jardin, partir en vacances, payer ses crédits. Cependant, vivre dans ce semblant d'accomplissement où tout va relativement bien, n'empêche pas pour M.A. de concevoir une insatisfaction latente et sournoise qui la ronge, lui plombe le moral et la pousse vers des exutoires aussi divers qu'éphémères : l'adultère, l'humanitaire, le yoga, etc. Mais rien n'y fait, telle une Madame Bovary, ses désirs sont inassouvis. Faisant rejaillir sur nous la question ultime : Sommes-nous capables d'être profondément heureux, de trouver ce qui nous comble, à courte ou longue échéance ?

Du statut de reine que M.A. arborait lors de sa rencontre avec François, le temps des désillusions arrivant, la voici réduite à une sorte d'esclave moderne dans sa vie courante, vivant constamment avec le souci des autres. Ce déséquilibre ne pourra se résorber qu'avec des dérivatifs plus ou moins ésotériques qui ne dureront qu'un temps, le vague à l'âme prendra la suite, inéluctablement.

Afin de nous faire éprouver cette banalité du quotidien, Sophie Divry se lance à coeur joie dans une écriture, récurrente, répétitive, dénuée d’intérêt, sans charme, sinon chiante, allant jusqu'à décrire un réfrigérateur ou une automobile, comme une aliénation inhérente au train-train de la vie de tous les jours. Cette façon d'écrire cet ennui, devient inévitablement lassant. En effet, toute la gageure de ce roman est d'écrire sur l'ennui, sur la banalité du quotidien sans l'être vis-à-vis de son lectorat. Un pari impossible ! D'ailleurs elle-même avoue devant ce projet très exigeant en être ressortie éreintée, avec la volonté de changer radicalement de registre pour le roman suivant. Malgré tout ce récit lui valut le prix Wepler.

L'une des réussites du livre, c'est la description de la routine découlant de chaque vie de couple au fil des années, dérivant vers une descente inexorable de cette Bovariste moderne dans les bras d'un autre homme, la double échelle descendante et montante du désir y est parfaitement décrite, comme une fatalité.

Bizarrerie troublante du récit, il est rédigé à la deuxième personne du singulier, peut-être pour ajouter un effet hypnotisant ? Comme-ci un observateur, ou plutôt un ange gardien la surveillait tout au long de sa vie, certes sans jamais agir, mais en ayant une oreille compréhensible à ses mécontentements.

Ce roman qui se situe quelque part entre Flaubert, Maupassant, ou la contemporaine Annie Ernaux, s'assimile au cri cinglant d'une femme perdue dans l'exigence d'un quotidien, quoique plutôt agréable, mais définitivement sans piment. 

Bref, Sophie Divry dissèque formidablement bien l'ennui contemporain, mais pour moi cette langueur se mua en lassitude quelque peu communicative, dommage ! Néanmoins, j'ai hâte de lire cette jeune auteure sur un sujet moins ronron !


22 sept. 2015


" L'étrange voyage de Monsieur Daldry "  de Marc Lévy  11/20


Nous sommes en 1950 à Londres. Alice habite seule dans un petit appartement, elle est créatrice de parfums, et mène une existence apparemment heureuse, entourée de ses amis. Sa rencontre avec une diseuse de bonne aventure va chambouler sa vie.

Son voisin de palier, M. Daldry, est un excentrique solitaire qui tente de vivre de sa peinture. Le hasard va le rapprocher d'Alice. Puis ensemble, ils partiront à Istanbul à la recherche d'un passé enfoui depuis des années...

Si vous aimez la lecture légère, fluide, qui laisse peu de trace.
Si les romans à l'eau de rose sont votre panacée.
Si un brin d'exotisme vous enchante.
Si un zeste de drame n'est pas pour vous déplaire.
Si le parfum et la peinture sont vos deux passions.
Si vous honnissez le moindre mot compliqué.
Si vous aimez être caressé dans le sens du poil.
Si pour vous le romantisme prude est une bénédiction.
Si réfléchir vous est laborieux.
Si la guerre, c'est pas bien et que les orties ça piquent !
Et si vous adorez les parenthèses enchantées...

N'hésitez pas, ce livre est pour vous !

Voilà, j'ai tout dit, enfin presque...

Car si vous recherchez une lecture avec un vrai fond historique, doublé d'une réflexion qui nourrit, qui élève, plus quelques mots originaux, avec des personnages emblématiques, et une écriture en relief. Il faudra chercher ailleurs !

Cependant, je peux aisément comprendre que certains lecteurs n'envisagent la lecture que comme un merveilleux voyage reposant, voire anesthésiant, qui ne terrorisent surtout pas leurs neurones, qui calme, rend serein, bref qui ne considèrent la lecture que comme un massage du corps et du cerveau. Bref, je concède volontiers qu'il en faut pour tout le monde. Cependant, allez savoir pourquoi, moi, il me faut de la matière, du relief, de la causticité, du rugueux, de la consistance, du brut, du sauvage !?!

Néanmoins, je reconnais que dans son domaine Marc Lévy sait y faire, sa description d'Istanbul qu'elle soit olfactive ou visuelle est là et bien là, que le texte s'augmente plaisamment de traits d'humour, d'ailleurs on sent qu'il s'en amuse espièglement, puis concernant les velléités amoureuses de la belle, là encore c'est avec malice qu'il ballade son lecteur en le faisant partir sur des fausses pistes.

Tant pis pour moi, incorrigible atrabilaire, si je réclame du sel, du poivre, du piment, de la folie, que sais-je, du baroque !!! 

Je voudrais dénoncer ici cette horde d'auteurs qui se servent d’innommables drames humains pour faire frisonner le lecteur, sans aller creuser plus profondément dans les antres de la noirceur humaine, se contentant de prendre juste ce qu'ils ont besoin pour pimenter leur récit, en laissant tout le reste, comme un reliquat trop embarrassant. On ne sait jamais, cela risquerait de choquer leur lectorat !  Ah les pauvres !

Bref un livre kleenex, idéal pour l'été de certains, mais trop léger pour marquer durablement l'hiver d'autres.


17 sept. 2015


" J'ai réussi à rester en vie " de Joyce Carol Oates  15/20


Raymond J.Smith, fondateur et éditeur de l'Ontario Rewiev, une revue littéraire estimée, est mort le 18 février à Princeton, New Jersey. Il avait 77 ans et demeurait à Princeton. Sa mort serait due aux complications d'une pneumonie, selon... etc.

C'est en ses termes que le New York Times informe son lectorat le 27 février 2008. Son épouse, depuis plus de 47 ans, n'était autre que la féconde romancière : Joyce Carol Oates, mondialement connue, dont tant de gens souhaiteraient qu'elle soit enfin nobellisée.

A partir de cette histoire vraie, la désormais veuve, Joyce Carol Oates nous raconte à la manière d'un pèlerinage, l'exténuante lutte qu'elle due menée jour après jour, pour sortir la tête de ce traumatisme psychologique, qui lui fit plus d'une fois souhaiter partir avec son mari, évoquant la pratique du sati en Inde, où la femme était conduit sur le bûcher funéraire de son époux. Cette descente aux enfers, doublée d'une sensibilité exacerbée où une multitude de sentiments, parfois contradictoires (culpabilité, l'incompréhension devant la mort, la fatuité de la vie) sont l'essence de ce livre pas comme les autres, ici on touche du doigt la puissance émotive d'une écrivaine à fleur de peau, écrasée par un destin arbitraire (pléonasme !), le puissant fatum. Par ce drame, elle nous révèle une facette méconnue de sa personnalité singulièrement attachante.

Devant le séisme que constitue la disparition d'un être infiniment aimé, le sujet de la reconstruction psychologique est frontalement posée : Y-a-t-il une vie envisageable après la mort de l'autre ? Est-il même concevable d'y songer ? Pourquoi résister à l'attirance folle du suicide ? Qui se permet de séparer les êtres qui s'aiment ? Comment peut-on espérer réellement faire son deuil ? Qui a décrété cette infâme et stupide possibilité ? Les morts importantes sont installés à vie dans nos pensées, elles sont comme des balises rouges immuables, et personne n'y changera rien, il faut vivre avec, un point c'est tout. Faire son deuil signifierait les oublier en tournant une page. Impossible puisque cette page est indélébile.

A cause de l'effroyable souffrance que représente le décès de son mari, un sournois paradoxe veut que pendant des mois, elle, la grande Joyce Carol Oates, connue pour sa prolixité folle, non seulement fut incapable d'écrire le plus petit début de roman, mais n'avait pas non plus la force d'achever le moindre mot de remerciement devant le flot de sollicitudes épistolaires qu'elle avait reçue.

Deux années plus tard, mais toujours bouleversée par l'horreur de sa vie posthume, Joyce Carol Oates finira par écrire ces pages, s'identifiant à une magnifique lettre d'amour, tout simplement, comme une prolongation de leur vie commune, au-delà de la mort, outre-tombe, défiant les forces des ténèbres, grâce à l'esprit de écrit, celui-là même qui fut le ciment de leur vie d'intellectuels. Elle y explore, peut-être à la manière d'une catharsis, toutes les nuances, les émotions, les subtilités, les anomalies sinon les incongruités que lui suggère son nouveau et insupportable statut de veuve. Tel que la maladresse de chacun, face aux gens qui connaissent la détresse, où encore le fait qu'elle considère ses amies mariés comme de futures veuves ! D'ailleurs derrière ses pensées noires et destructrices, s'immisce parfois, telle une bouffée d'oxygène, un sourire, comme quand elle imagine ce dialogue : Comment allez-vous ? Je suis au bord du suicide et vous ? 

Avec talent, ébranlée jusqu'aux racines de son être, Joyce Carol Oates, malgré quelques débordement dû à son éternelle faconde, nous livre une oeuvre pleine de lucidité sur le chagrin qui la submerge. L'ensemble est constellé d'épiphanies (prises de conscience soudaine et lumineuse sous forme de phrases piquantes et clairvoyantes), elle balise respectueusement son récit, tel un chemin que chacun d'entre nous devra prendre, un jour ou l'autre, car ne l'oublions pas : la vie est une maladie mortelle !

Toute la plume alerte et effrénée de Joyce Carol Oates est là, toujours ourlée d'une grande richesse, néanmoins, le volume astronomique du propos (530 pages) a faillit me lasser, comme un repas un peu trop copieux. Cette verve, cette générosité, ce flot de paroles, sur un sujet aussi noir, m'ont fait un temps redouter l'indigestion ! Hélas oui, cette biographie de veuvage n'évite pas les répétitions de situations, de courriels, des redites cassant inutilement le rythme de la lecture. C'est dommage, tant de magnifiques pages y sont écrites, notamment celle où lors d'une séance de dédicaces, une femme lui parle avec un amour fou d'une certaine Lisette de Denver ; où quand elle raconte sa première et épique installation en couple à Beaumont au Texas en 1961 ; puis leur vie à Détroit dans le Michigan en 1963, ville où les conflits raciaux explosent devant leurs regards ahuris incompréhension ; où encore quand elle parle de sa belle-famille, dont son mari Ray s'est détaché entre autre pour son absolutiste ferveur religieuse ; ah j'oubliais le jardin de leur maison à Princeton, l'antre de Ray, son domaine pur, qu'elle parcourra en pèlerine, puis tentera d'entretenir. Toutes ces pages enchante le lecteur que je suis, tant l'émotion traverse les mots, suinte des pages, inonde notre âme d'un flot d'amour. Et ça fait du bien. Elle réussira la traversée de son traumatisme grâce à l'amitié de son entourage si prévenant. La lecture terminée on est persuadé que l'union de ce couple modèle résistera aux affres du temps, même et surtout au-delà de la mort. 

C'est peut-être juste anecdotique ou insignifiant voire totalement inconvenant, mais moi, cela m'a marqué, dérangé certes non, mais marqué oui, je veux parler de cette utilisation répétitive sinon abusive du mot cauchemardesque (surtout dans la première partie), d'ailleurs ce n'est pas première fois que Joyce Carol Oates utilise ce procédé (dans Les mystères de Winterthurn, c'est le mot audace qu'elle répète à l'infini), mais la raison profonde de ces redites m'interroge. Cette manière d'utiliser trop fréquemment le même mot ne peut pas être un hasard, non, derrière s'affiche un désir, une volonté, une force, comme pour marteler, insister plus ou moins lourdement par ce moyen subliminale, à moins que cette répétition s'identifie à une sorte de réflexe pavlovien ? Je dis cela, je ne sais pas ! D'ailleurs si l'un de mes aimables lecteurs pouvait m'apporter son éclairage sur ce point, je lui en serais fort reconnaissant.

Outre, ce cri d'amour désespéré, c'est indéniablement un grand moment d'une littérature extrêmement sensible, comme un hymne absolu à l'être aimé.

11 sept. 2015

" Bilqiss "   de Saphia Azzeddine  19/20


Bilqiss est une femme qui vit sous le joug d'une dictature islamiste, dans un village et un pays qui ne sont pas cités. Malheureusement pour elle, elle est insoumise et intelligente. Son avenir ne pourra donc n'être qu'une chimère, puisque la loi de l'islam radical n'autorise que trop peu de choses aux femmes. Oui... juste le droit de se taire, peut-être de mourir aussi, et c'est à peu près tout. 

Bilqiss, après avoir vécu une jeunesse faite de coups, de brimades, d'humiliations, se voit contrainte à 13 ans de se marier avec un homme de 46 ans, plutôt brutal et dénué de tout sentiment. Puis un jour, devenue veuve, et n'ayant ni enfants ni parents, donc aucun statut, elle deviendra un problème pour l'ordre établi. D'autant qu'un matin, par amusement, elle dira l'appel à la prière à la place du muezzin trop ivre pour cela, en y incluant quelques digressions personnelles, mais toujours dignes d'Allah. Il n'en faudra pas tant pour être condamnée à une lapidation.

Et puis les chefs d'accusations sont d'une telle absurdité, que ce jugement en devient ubuesque ! Pensez-donc, on lui reproche aussi d'avoir chez elle du maquillage, des chaussures à talons, un portrait d'homme, des journaux, un recueil de poésie persane, du gingembre, un parfum, une pince à épiler, etc... Le comble étant peut-être atteint avec l'achat de courgettes ou d'aubergines, légumes naturellement de forme phallique, qu'il faut obligatoirement faire couper en morceaux par le marchand avant de les rapporter chez soi ! Si ce n'était si dramatique, cela en deviendrait presque risible !

N'ayant plus rien à perdre lors de son jugement, Bilqiss jouira de l'occasion pour provoquer avec une rare intelligence les juges, outrés de son attitude. en voici un exemple : Monsieur  le juge, puis-je vous rappeler la sourate 88, verset 21. Dieu a dit : Tu n'es qu'un messager. Tu n'as point d'autorité sur eux. C'est à Nous de les juger et de les rétribuer sans rien omettre de leurs actions." Alors, je vous le demande, vous prenez-vous pour Dieu ? Vous vous octroyez une tâche divine. Dieu vous a-t-il donné une procuration pour me juger ? Puis-je la voir ? 

Saphia Azzeddine nous décrit un portrait fort et inoubliable de femme courage qui refuse la soumission, celle qui tue son pays depuis sept siècles, alors que le peuple arabe de l'époque avait tant d'avance par rapport à l'occident, celle qui fait porter toutes les fautes sur les femmes, alors que si elles doivent se couvrir des pieds à la tête avec l'infâme burqa, c'est bien à cause du regard des hommes, ce sont eux les vrais dangers avec leurs désirs malsains, alors pourquoi ne sont-ils pas mis au ban de la société, brimés, emprisonnés ou pire lapidés en lieu et place des femmes ?

Ce roman est un récit à trois voix, d'abord celle de Bilqiss, droite et pertinente ; puis celle de son juge, un être qui rejette sur les femmes toutes ses frustrations, ses culpabilités, ses défaillances, sous couvert de l’omniprésence du religieux, dont il souffre également, cependant au fond de lui il sait qu'il s'apprête à commettre une monstrueuse injustice, d'autant qu'il est attiré, et subjugué par la liberté qu'exprime délibérément Bilqiss, il l'envie ; enfin voici la voix d'une journalisme américaine venue couvrir le procès et interviewer la prisonnière, mais ce ne sont qu'incompréhensions irréversibles entre deux civilisations. Là, Saphia Azzeddine nous sert des dialogues d'une vérité criarde, mettant royalement en perspective deux comportements, deux visions géopolitiques opposés, que seuls beaucoup d'années et de nombreuses personnes de bonne volonté pourraient peut-être résoudre un jour. La tâche est incommensurable, le gouffre abyssal.

L'auteur s’emploie avec talent à observer les relations hommes/femmes quand l'intégrisme s'en mêle, brouillant des cartes qui n'en avaient pas besoin. Malgré tout l'évolution du juge, son chamboulement intérieur, à savoir redevenir maître de ses propres pensées, est comme un petit pas vers une contestation, devant l'infâme horreur qu'il sera peut-être obligé de permettre.

En tout cas, ce personnage de Bilqiss est emblématique à plus d'un titre : on ne peut être qu'admiratif devant sa force, impressionné par son courage, ému par son humanité, enchanté par ces incivilités et bluffé par sa vérité, son besoin de vivre, de liberté, à jamais condamné, assassiné, enterré, par un odieux obscurantisme.

L'oeuvre nous délivre aussi un questionnement légitime sur l'ingérence dit "humanitaire", en effet pourquoi réellement veut-on aider les peuples en souffrance ? Pour eux ? Pour Nous ? Pour notre conscience d'occidentaux ? Cependant, les dégâts qui en découlent, comme le prouve l'actualité en Irak ou en Lybie, nous obligent à une judicieuse et drastique remise en question . Servons-nous réellement les causes que nous voudrions défendre ? La réponse ne serait-elle pas déjà dans la question ? Et cela me renvoie à un célèbre livre de Milan Kundera qui évoquait déjà, il y a 40 ans, l'idée absurde d’œuvrer dans l'humanitaire pour de mauvaises raisons.

Avec un final, où apparaît enfin un fin croissant de lumière, mais se n'est qu'un roman, Saphia Azzeddine nous délivre avec brio et intelligence un cri d'humanité contre tout fanatisme. Rappelant, par le truchement de son héroïne, qu'en aucune façon l'homme, quel qu'il soit, dans toute sa vanité, ne peut se dire le représentant sur terre d'un hypothétique dieu. Et ceci est naturellement valable pour toutes les religions.

Ce magnifique roman, qu'à mon goût les médias ont trop peu parlé lors de sa sortie, s'affirme magistralement comme une virulente protestation, un coup de poing d'indignation, un cri de rage sorti des tripes de l'auteure, devant l'horreur que vivent tous les jours les femmes, sous le dictat d'états islamiques.