12 oct. 2015


" Les enfants du jacaranda " de Sahar Delijani   12/20


Les enfants du titre sont ceux d'un pays déchiré de l'intérieur, l'Iran, dont la révolution populaire de 1979 chassa son tyran, le Shah. Malheureusement, le peuple iranien se vit confisqué sa soif légitime de liberté par les extrémistes religieux. Dès lors, c'est un régime totalitariste qui se met en place, avec tous les excès que cela comporte.

La moindre formulation critique du régime islamiste pouvait vite vous faire arrêter, interroger, torturer et emprisonner sinon pire. Environ 4 000 à 5 000 jeunes hommes et femmes furent exécutés en juillet et août 1988, période où la guerre Iran-Iraq tirait à sa fin. Ces hommes et femmes qualifiés d'antirévolutionnaires se voyaient contraints de confier leurs enfants à des proches, gardant l'espoir ténu, qu'un jour peut-être, une hypothétique libération les réunirait à nouveau. De même, beaucoup de femmes enceintes accouchèrent en prison, gardèrent un temps très court leur bébé, avant de s'en voir dépossédées, les tortures étaient autant physiques que psychologiques. Une horreur.

Tirer de sa propre vie, c'est l'histoire de ces enfants arrachés à leurs parents que Sahar Delijani nous relate avec beaucoup d'humanité. C'est d'ailleurs avec une grande délicatesse qu'elle nous raconte jusqu'où l'absurde folie des hommes, une fois de plus portée par la religion, peut générer de souffrance sur un peuple qui n'aspire qu'à vivre libre. 

Cependant, malgré sa condamnation de la tyrannie, et son vibrant hommage à ceux qui n'ont pas supporté de vivre sous le joug d'une dictature islamiste, je me suis ennuyé ! Pourtant, c'est tout à fait le genre de livre que j'aurais aimé aimer. Mais après sa lecture, qui me fut parfois laborieuse, ma déception est grande. D'abord parce que de fréquents allers-retours brisent la chronologie de l'histoire : cette absence de véritable ligne directrice m'a fait perdre le fil, je ne savais plus qui était qui d'autant que le récit glisse sur trois générations. Ensuite parce que les forces de la barbarie et de l'obscurantisme ne sont perçues que comme des ombres spectrales, ou par le clip-clap irritant de leurs sandales en plastique sur le sol, ou encore par juste une voix haineuse. En somme peu ou pas d'incarnation réelle, d'ailleurs le nom de l'ayatollah Khomeini n'est jamais écrit, comme aucun des tortionnaires d'ailleurs. Apparemment pour l'auteure, peu importe la représentation concrète du mal absolu, seul compte la lutte universelle de l'obscurantisme. Certes, c'est un point de vue qui se défend, mais personnellement j'ai besoin de savoir de qui on parle concrètement, de mettre des visages sur des ombres, de savoir où l'auteure m'emmène. Enfin, pour les personnes peu au fait de la révolution iranienne, ils doivent nager devant l'abyssale absentéisme de faits historiques narrés, c'est vraiment dommage.

Néanmoins, certains passages dont celui sur de l'enfantement d'Azar en prison, et celui sur l'emprisonnement d'Amir sont d'une troublante justesse. Ensuite, c'est sous la beauté inoubliable de cet arbre nommé : jacaranda que les enfants déboussolés se réunissent, cet arbre est d'un enchantement mémorable pour nos yeux peu habitués à contempler des couleurs aussi originales et lumineuses. Et puis, il y a cette écriture légère et aérienne, parfois magique, qui enivre le lecteur surtout quand elle est imagée.

Bref, c'est un récit historique, magnifique et poignant sur les conséquences familiales de la résistance du peuple iranien face à la noirceur sépulcrale de l'islamisme, mais qui claudique par une manière embrouillée de narration, diluant trop un propos pourtant si puissant.

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