Ce récit débute avec l'adolescence du narrateur, dont le nom nous restera totalement inconnu, comme-ci cela importait peu, narrant ses vacances entre copains dans baie de Quiberon à taper dans des balles de tennis, à tirer des bords sur un dériveur, où encore à fumer des gauloises bleues sur la pointe du Conguel, face à Belle-Île.
C'est le temps aussi des premiers émois amoureux, d'ailleurs Gaëlle, belle trentenaire longiligne, attire tous leurs regards avec ses cheveux blonds coupés à la garçonne, ses jambes aussi longues et lisses que des mats de goélette, et ses yeux bridés, héritage d'un père breton et d'une mère vietnamienne.
Dix ans plus tard, toujours à Quiberon, les circonstances réuniront à nouveau le narrateur et Marion, la fille de Gaëlle. Tous deux ont la même passion pour la mer, l'océan. Lui est un militaire de la marine qui ne cesse de s'interroger sur sa vocation réelle, car il se consacre de plus en plus à la peinture, d'abord celle du corps de Marion, puis de cette incontournable mer bretonne. Elle, au profil d’Étrusque, termine sa licence de lettres classiques, mais passe tout son temps libre... à nager, nager, nager, quand elle ne pratique pas l'apnée. Prenant un plaisir particulier à avaler les kilomètres sans retenue. Marion ne se sent bien sur terre que dans la mer. Telle une sirène, elle ne conçoit sa vie que dans l'eau, celle d'où l'on vient, celle qui élimine toute gravité, celle qui autorise la vie, celle qui enveloppe, telle une mère nourricière.
Outre le soleil, les rochers, les tempêtes, les silences, l'amour de la mer les réunira, mais, tel le cycle immuable des marées, après s'être épandues, la période de retrait est inévitable.
D'autant que le narrateur pose peu à la maison, écartelé entre ses voyages maritimes et son attirance frénétique du pinceau. Quant à Marion, ouverte aux pulsions de la mer, de la nature et du soleil, semble fermée à tout sentimentalisme. Et puis son regard sombre paraît avouer du bout des cils une obscure blessure de l'âme, bien cachée dans les replis de sa mémoire.
Beau roman sur l'eau, la salée, la douce, la tempétueuse, la rassérénée, celle de surface miroitante, où celle intrigante des profondeurs. Pas de doute, ces pages sentent l'iode et la liberté, comme une communion méditative avec la nature liquide.
Roman aussi sur les passions individuelles qui isolent, d'où la non-communication qui en résulte : prix irréversible à payer pour garder un jardin secret. L'amour fusionnel doit-il l'être en tout ? Ou des espaces de respiration sont-ils le secret d'une longévité commune ?
Volonté du narrateur, le personnage de Marion nous inonde de sa beauté indolente, minérale, langoureuse et méditative, d'autant qu'Olivier Frébourg transforme sa nage en sensualité omniprésente. Dans l'eau, Marion dégagée de toute contingence dialogue avec celle-ci, en fait partie intégrante, son âme devient amphibie, son corps entre en communion avec l'eau, tout devient mécanique des fluides.
L'écriture se veut comme une vague, un courant, une houle, d'une fluidité élégante et rare. Elle va à l'essentiel, au vital, au coeur. Pas de place incongrue pour un superfétatoire qui alourdirait l'embarcation littéraire et l'entraînerait vite au fond. Non pas de louvoiement, juste du pur, du vrai, du direct, du liquide !
Peut-être peut-on regretter un final un peu trop rapide, qui précipite nos personnages dans un dernier round tronqué. Néanmoins, le marin et la nageuse s'aiment presque sans mot, alors tout bavardage serait intempestif.
Bizarrement, la lecture achevée, il me reste comme un goût de sel sur les lèvres !
Grand admirateur de Flaubert, Olivier Frébourg magnifie avec grâce ses portraits de femmes. Alors, je vous le demande sincèrement, comment ne pas tomber amoureux de sa grande nageuse ?
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