Jon Kalman Stefansson nous souffle à l'oreille qu'il faut se méfier des mots, de leur dangerosité cachée, de leur attraction fatale, car ils peuvent tuer. Au détour d'une inattention, d'une absence momentanée, ils peuvent éblouir, et inexorablement, condamner n'importe quel quidam à mort. Sans préavis.
D'emblée c'est la plume originale de l'écrivain qui saisit. Chaque paragraphe est ciselé, réfléchi, puissant. L'épuration du style se veut comme un révélateur, une possibilité nouvelle, une proposition innovante. Dans son genre, un vrai petit bijou d'intimité et d'universalité.
Jon Kalman Stefansson a un univers bien à lui, il se l'est taillé par la force des mots, dans le paysage sauvage et rocailleux de son Islande natale. Il y a du pur, du brut, du rugueux dans sa littérature, aucune dilution ne trahit sa pensée profonde, sa vérité ultime, sa personnalité entière.
L'écrivain est total, tel un bloc rocheux, et nous propose au travers de sa vision, son essence même.
Émouvante évocation de personnages simples, vivant de peu, dont le quotidien est constitué de travail acharné sous un climat âpre, sachant rester humbles devant la force incommensurable de la nature, car elle a toujours raison, elle est à sa place, omniprésente. Tandis que l'homme, cet avorton constitué plus de ténèbres que de lumière, s'agite, puis vite s'affadit, avant de pâlir jusqu'à ressembler à une étoile éteinte, ou un bloc de roche lugubre dans un univers froid et hostile, comme ces terres islandaises. Pourtant grâce à la magie de l'écriture, ces hommes aux petites vies figurent maintenant tels des petits géants, dans le panthéon de l'existence.
Et puis, traité avec un zeste d'humour et de poésie, Jon Kalman Stefansson nous dévoile pourquoi la lune a été installée dans le ciel. Dans la même veine apparaît le moruais, à savoir le langage des morues... ou de certains capitaines bourrus. Où encore, la raison sentimentale de la salinité de l'eau de mer. Ces fantaisies distillent des plages bienfaitrices dans un monde cinglant de rudesse.
Peut-être peut-on regretter une histoire un peu succincte, cependant là n'est pas l'essentiel, il est dans le mot, le verbe, la phrase, comme un prétexte anodin pour sublimer le miracle de l'écriture.
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