25 avr. 2016



" La dernière nuit du Raïs " de Yasmina Khadra  18/20



Nous sommes en août 2011 aux portes de la ville de Syrte. Filmée par un téléphone portable, le monde entier assiste à la mise à mort de Mouammar Kadhafi, les vêtements en loque, le visage et le corps meurtris sous les coups assassins des rebelles libyens qui viennent de le découvrir, caché dans une canalisation comme un vulgaire rat. Lui qui fut hier encore, reçu en grande pompe par certains dirigeants de la planète (Sarko en tête).

En ces derniers instants, offert en pâture à son propre peuple avide de vengeance, quelles pensées, quels souvenirs, quelles certitudes inamovibles ou                                             quels regrets tardifs, traversent l'esprit de celui qui fut l'impitoyable colonel libyen ?

C'est à ces abondantes questions, que tente avec brio de répondre Yasmina Khadra dans son dernier roman, admirablement porté par une mise en abîme saisissante de réalité et une écriture d'une rare perfection. Et sur un sujet aussi délicat, le résultat n'était pas gagné d'avance, c'est à cela que l'on reconnaît la patte d'un grand écrivain. Respect monsieur Khadra !

En effet, la narration est si dramatique et poignante que ce n'est plus un roman mais un reportage. Loin de son palais présidentiel, Mouammar Khadafi s'est retranché dans une école en ruine de Syrte, avec en fond sonore le bruit assourdissant des bombes de la coalition, pour compagnon un exemplaire du Coran, et comme derniers fidèles une poignée d'hommes, affamés et ivres de fatigue. Chacun d'entre eux s'entretiendra avec le Raïs, qu'il soit simple soldat ou colonel, car Khadafi, perplexe devant la ferme contestation de sa politique, cherchera à comprendre les raisons profondes du déchirement irrémédiable de son pays. Des vérités seront dites, qui feront enrager le dictateur, prétexte pour Khadra à nous faire revivre les moments essentiels de sa vie, cependant jamais, jamais le dictateur ne remettra en doute la moindre de ses actions, trouvant toujours une justification à ses agissements, à ses décisions qui celèrent de façon définitive la vie de tant de libyens. 

La mégalomanie, l'arrogance, sinon la folie de Kadhafi transpirent à chaque page. Dans sa folie délirante, il se voit comme un descendant de Dieu ! Rien que ça ! Dès lors tout ce qu'il fait devient acte sacré, tout ce qu'il dit devient parole sainte... il n'y a plus de limite à son ambition, à sa mégalomanie, à son délire paranoïaque. 

Pour savoir comment fonctionne un narcissique sanguinaire, ce livre est idéal, cependant sa difficulté de lecture réside dans le fait que l'on ne peut ressentir d'empathie pour aucun des personnages, tous baignant dans l'aura maléfique du diable en personne.


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