30 juin 2016



HAIKU  Partie VIII

°°°°°°°°°

la lune
cette pendule donnant
l'heure de la nuit

au coeur de la nuit
sa robe blanche étendue
la voix lactée

juste séparés
par l'épaisseur d'une aile de papillon
bonheur et malheur

la mer décide
le vent décide
 inclinons-nous !

 le vent se lève
le pollen vole
 la nature essaime


27 juin 2016




 "Avicenne ou La route d'Ispahan"    de Gilbert Sinoué  18/20

Voici une passionnante biographie romancée de l'homme qui fut appelé à son époque par tous ses nombreux disciples : Le Prince des Savants, le plus grand des Médecins, le Maître par excellence !

Avicenne, ou Abou Ali Ibn Sina, ou Cheikh el-Raïs puisque c'est de lui qu'il s'agit, est né en 980 à Afshéna, tout près de Boukhara, dans une Perse antique agitée par des dynasties arabes qui guerroyaient allègrement entre elles. Mort en 1037 à Hamadan, après une vie consacrée principalement à la médecine, il fut d'ailleurs le médecin le plus renommé de son temps, et cela dès... 18 ans ! C'est à lui notamment que l'on doit la trachéotomie.

Cet homme se passionna tout au long de sa vie pour le savoir, au point de devenir aussi un brillant philosophe, et un grand connaisseur en astronomie, en chimie et en psychologie. Il fut également un écrivain prolifique, laissant après sa mort plusieurs ouvrages qui firent date dans l'histoire de la médecine.

La vie d'Avicenne est racontée par la voix d' Abou Obeïd el-Jozjani, son disciple, qui le suivit pendant 25 ans dans toutes ses aventures, pour le meilleur et pour le pire.

C'est avec grandiloquence que Gilbert Sinoué nous emporte, tel un tapis volant aux confins de cet Orient si mystérieux, sur les traces de ce savant hors norme. On ne s'ennuie pas une page devant l'avalanche de pérégrinations romanesques qu'il vécut. Il est surprenant d'apprendre en ce début de XIème siècle, qu'Abou Ali Ibn Sina fut tour à tour nomade, exilé, vizir, prisonnier, évadé, et vizir une seconde fois ! Quelle vie !

Cependant, outre ses qualités intellectuelles, Avicenne menait ce qu'on appelle une vie dissolue, se livrant aux excès du vin, et aussi... à ceux de l'opium, sans oublier les femmes, pour lesquelles il eut un très large penchant. Bref, cela fait un peu tache pour l'un des plus grands savants de l'Islam. D'ailleurs ses attitudes subversives lui furent souvent reprochées par ses contradicteurs, souvent perclus de jalousie. Mais que voulez-vous, même les plus grands ont leurs travers !

De Boukhara à Ravy (ancienne Téhéran), de Gurgan à Hamadan, en passant par les rives de l'Amou-Darya au bord de la mer des Khazars (ancienne mer Caspienne), de la tempête de sable du désert de Kavir à la froidure cinglante des prisons de Fardajan, Gilbert Sinoué nous transporte dans les pays des mille et une nuits, où rivalités politiques, trahisons, batailles, maladies et amours forment une trame à la fois exaltante, émouvante et ensorcelante.

Il ressort en filigrane, qu’Avicenne était désemparé par l'iniquité humaine, et meurtri par l'injustice et l'avidité des princes. Il avait aussi bien conscience des risques d’obscurantisme et d'intolérance qu'amèneraient inexorablement les temps à venir, trop de conflits, de jalousies, et de lois religieuses couvaient. D'ailleurs certains de ses livres furent brûlés, mais ceux qui ont réussi à parvenir jusqu'à nous, dénotent que les diverses appellations dont fut gratifié Avicenne, n'étaient pour le moins nullement usurpées.

Certaines critiques disent que l'on est plus près d'une hagiographie que d'une biographie, je peux le comprendre, mais porter à la connaissance du plus grand nombre, la vie de cet homme extraordinaire, vaut bien quelques envolées épiques un rien outrancières qu'on pardonne allègrement, tant le fond est puissant, l'homme phénoménal et son esprit prodigieux.

Mine de rien, ce roman nous parle de ces peuples arabes du temps passé, qui surent prendre le relais des grecs et des romains, pour porter le savoir à une dimension jamais atteinte par l'humanité. Il est peut-être utile de préciser qu'à la même époque dans ce qui est appelé aujourd'hui l'Europe, les sciences n'en étaient qu'à leurs premiers balbutiements, alors qu'au Moyen-Orient elles étaient non seulement étudiées, mais pratiquées, à grande échelle. On ne peut dénombrer le nombre d'écoles ouvertes pour l'enseignement, tant elles furent pléthores. Il est bon à savoir aussi que le premier hôpital au monde fut ouvert en l'an 800 à... Bagdad ! Eh oui ! Pour les curieux, en persan on ne disait pas hôpital, mais bimaristan, de istan le lieu et bimar malade. De rien !

Malheureusement, cette période d'intense activité intellectuelle dans le monde arabe sera peu à peu mise à mal par le poids écrasant des religieux, qui, suivant leur propre lecture du Coran, souhaiteront calmer les ardeurs des chercheurs et limiter les contacts de l'empire arabe avec les civilisations extérieures. Les recherches des savants arabes souffriront de cette chape de plomb, avant de succomber dans le néant pour des siècles. A la fin du moyen-âge, l’Europe fera renaître ces disciplines techniques et scientifiques pour supplanter définitivement les recherches issues des pays arabes.

Enfin pour terminer, Gilbert Sinoué précise, tiré du Coran page 364, que l'Islam interdit à un musulman de verser le sang d'un autre musulman. Sans commentaire.

Bref un roman pour apprendre et pour voyager, l'idéal quoi !!!



23 juin 2016



HAIKU   Partie VII

°°°°°°°°°

les papillons
des billets doux
que les fleurs s'envoient

la terre serait moins belle
sans l'arrogance de ses appâts
la pivoine

dans la même pièce
un homme, un moustique
le combat commence

pleine nuit
interrogation du hibou
comment atteindre la lune ?

au garde-à-vous
une armée parfumée
les clochettes

20 juin 2016





HAIKU   Partie VI

°°°°°°°°°

un vieux puits
un caillou tombe
le bruit noir de l'eau

les ans abîment
le corps se tord
la terre monte

dans un miroir
à observer sa coquille
un escargot s'hypnotise

inondation au printemps
par la beauté folle
de la pivoine

épanouie
elle crache au monde son éclat
la pivoine


13 juin 2016



HAIKU  Partie V

°°°°°°°°°

écrire délivre
lire instruit
penser assagit

la bière
en boire des litres
en pisser des rivières !

nuages distendus
couleurs entremêlées
peinture abstraite

olivier du soleil
nectar du sud
l'âme méditerranéenne

la vie est partout
la mort est partout
une étincelle les sépare


11 juin 2016


" Je ne suis pas celle que je suis "  de Chahdortt Djavann  15/20


Titre pour le moins mystérieux, à l'instar du roman d'ailleurs, qui nous propose de suivre le parcours entrelacé de deux femmes, l'une à Paris, l'autre en Iran. Cependant, ne s'agirait-il pas de la même femme ? Rien ne le prouve, mais rien ne prouve le contraire non plus !

Ah... il faut accepter de se laisser prendre par la main par Chahdortt Djavann pour aller à la rencontre d'une femme de 27 ans, non nommée, d'origine iranienne, habitant depuis peu de temps à Paris, et qui décide de suivre une longue psychanalyse, un tantinet longuette, tant les éléments de sa vie, toujours sordides, mettent du temps à s'ordonner.

Au fil des pages cette jeune femme révélera plusieurs personnalités très différentes et antagonistes, supposant de très graves problèmes psychiques générés par un passé trop lourd vécu dans la république des mollahs, où la femme n'a droit à aucune considération, juste des devoirs incessants de soumission, donc de souffrance face aux hommes, face à l'état, face à la religion. Elle choisit d'apprendre le français pour sa psychanalyse, les mots perses étant pour elle synonymes de trop de souffrance, de nouvelles mortifications.

L'autre personnage féminin, Donya, iranienne aussi, est une jeune étudiante très intelligente, avide de liberté, mais révoltée d'être obligée de se plier au joug des autorités religieuses. Elle n'aspire qu'à vivre comme toutes les jeunes filles de pays démocratiques : pouvoir sortir seule et sans voile, aimer au grand jour, profiter de la mode et dire ce qu'elle pense, choses toutes inenvisageables dans une théocratie extrémiste. Dès lors, son comportement devient imprévisible et picaresque, traversant mille épreuves, de Téhéran au golfe Persique, de Dubaï aux rives du Bosphore. Bravant les dangers comme une effrontée, mais cherchant avant tout le chemin qui lui fera prendre conscience qu'elle est en vie, et non pas cloîtrée sous son tchador, condamnée à ne pas exister aux yeux du monde.

Les thèmes de ce roman âcre et lourd psychologiquement sont multiples : le rapport au père, à la mère, aux hommes, à l'état iranien, mais aussi à la prison, à la torture, au viol, à la prostitution, et à la solitude. Avec, comme seule porte de sortie : l'exil, pas toujours si libérateur que l'on pourrait innocemment le croire.

Chahdortt Djavann, dans sa post-face, refuse de nous divulguer la part autobiographique, revendiquant le droit de laisser planer le mystère. Certes, mais les situations sont tellement fortes de réalisme, sa rébellion hurlant à tant de pages, sa haine viscérale des mollahs est si criante, qu'indéniablement elle a forcément vécu maintes des situations racontées. De plus, sa plume incisive délivre une recherche si instinctive de liberté, qu'il est difficile d'y voir autre chose qu'un traumatisme personnel.

En 1979, pendant les deux années qui suivirent l'arrivée de l’ayatollah Khomeini au pouvoir, les arrestations se sont multipliées. En effet les mollahs n'admettaient aucune contestation politique ou religieuse. Pour se faire ils édifièrent un système de délation, de collaboration, dont les jeunes et les femmes payèrent un lourd tribu. Rien que pendant les deux premières années de pouvoir, c'est plusieurs centaines de milliers de victimes qui succombèrent aux tortures et à la peine de mort. Juste distribuer des tracts dans la rue suffisait à vous conduire devant le bourreau ! Sauf, si issu d'une de familles aisées, vous pouviez payer de lourdes amendes pour racheter vos soi-disant péchés. 

Par exemple : si vous tuiez un homme et que vous étiez riche : 18 000 dollars d'amende, pour la mort d'une femme : 9 000 dollars, cherchez l'erreur !

Un roman qui dénonce aussi toute la corruption du pouvoir en place, s'enrichissant de trafics divers. Chahdortt Djavann  montre du doigt la résignation d'une population non favorisée qui accepte sans le moindre signe de résistance sa peine.

Toute la révolte de l'héroïne de ce roman peut se résumer par cette terrible phrase : Que peut-on faire dans un pays où ceux qui vous ont violée peuvent vous condamner à mort parce que violée ?

Bref, des pages intenses, déchirantes, fougueuses, désespérées, comme un cri hurlé avec ses tripes aux oreilles de l'humanité. Cependant, les séances chez le psy se veulent (volontairement ? ) brouillonnes, elles manquent d'unité, de liaison pour me faire adhérer vraiment. Et puis cette fin qui n'en est pas ! Peut-être une suite est-elle envisagée ?

Ce qui jaillit de ce livre, c'est une personne écorchée vive par l'intégrisme musulman des mollahs et ses barbaries religieuses. Elle conserve, telle une carapace, une détestation sans limite de la vision totalitaire d'un islam politique et prosélyte. Mais surtout, c'est une personne abîmée qui souffre encore et pour toujours. Comme un leitmotiv immuable,  Chahdortt Djavann consacre toute sa vie à ce combat sincère et authentique.


6 juin 2016



" Ce pays qui te ressemble "  de Tobie Nathan  15/20


En 1925 dans le ghetto juif du Caire, naît, presque par miracle, Zohar l'insoumis. Sa jeune mère, Esther, est une femme considérée comme possédée depuis une chute à l'âge de 5 ans qui la laissa plusieurs jours sans connaissance. Elle ne parviendra à tomber enceinte que grâce à la magie d'une femme usant de sortilèges. Son père aveugle, Motty, mène une vie de sagesse, entièrement tournée vers les textes sacrés. Ce couple atypique se conjuguera dans un amour sincère et entier.

Ayant trop peu de lait pour allaiter son enfant, Esther fera appel à une mère nourricière pour sauver son fils Zohar. Il aura une  soeur de lait nommée Masreya, en grandissant l'amour les étreindra dans une passion incandescente. Tout comme l'Egypte où ils vivent : pays en effervescence, dont les bouillonnements exacerberont une xénophobie latente.

L'atout de ce roman est de nous plonger dans l'histoire volcanique de cette Egypte sous colonisation anglaise, des années 30,40,50. Les juifs et les musulmans se côtoient pacifiquement même s'ils prient des dieux différents. Ces communautés cherchent-elles à se connaître ? Certes non, mais la vie commune l'emporte sur le reste. Puis, sous l'autorité et le mépris de plus en plus insupportables des colons anglais, des tensions nationalistes vont bousculer les consciences du peuple égyptien. D'autant que la seconde guerre mondiale alourdira encore plus le climat, au point de voir le peuple arabe souhaiter la victoire des armées nazies, afin de les délivrer du joug anglais. Et ce n'est pas le jeune roi Farouk, fallacieusement charmant devant son peuple, mais despote et pétri de névroses qui pourra assainir le climat délétère de l'époque. L'arrivée au pouvoir de Nasser en 1952, se conclura par l'expulsion des juifs, en tout cas de ceux qui n'auront pas été lynchés auparavant par la foule.

Ce roman foisonne de directions narratives et de péripéties, allant de la vie difficile dans le ghetto juif, aux coulisses du pouvoir égyptien, en passant par les vieilles superstitions des différentes communautés, jusqu'à la naissance du célèbre mouvement qui perdure malheureusement aujourd'hui : Les Frères Musulmans. 

Le roman brasse sans concession le parcours de trois jeunes copains qui finiront par s'éloigner les uns des autres, devant les balafres que l'histoire infligera à leur pays. Chacun devra faire ses propres choix, face aux mutations immuables que subira l'Egypte.

Un livre de souvenirs, d'une époque que beaucoup de personnes ont oubliée, ou ne connaissent pas, mais qui fait réfléchir une fois de plus, et non une fois de trop, sur la folie des hommes, sur leur divergente croyance, et malheureusement sur leur intolérable intolérance.

Un livre d'amour aussi, celui le plus pur, le plus total, mais aussi le plus inaliénable et le plus sauvage.

Il en ressort une lumière, une chaleur, un bouillonnement de vie émanant de cette Egypte millénaire, avec une admirable mise en perspective des événements du pays, mais aussi du monde, dispensant au lecteur un cours d'histoire s'entremêlant adroitement à la destinée de ces personnages. 

Seul bémol, ce surnaturel qui perdure sur pas mal de chapitres, comme une volonté de la part de l'auteur d'hésiter entre obscurantisme et progressisme. 

En tout un cas, un hymne flamboyant à une Egypte, éternelle, magique, exotique et traditionnelle.


1 juin 2016



HAIKU   Partie IV

°°°°°°°°°

foulant les chemins du monde
modeste chercheur
le pèlerin

pas de cerveau !
pas de réflexion !
pas d'avenir !

falaise blanche
témoin présent
d'un passé trépassé

sur un rocher de varech
fixant les hautes falaises
un crabe

souffrir est dur
mourir est facile
rester est pire