Kidnappé à l'âge de six ans, Dante Torre a grandi enfermé dans un silo à grains. Son emprisonnement aura duré 11 ans, car un jour il parvient à s'échapper et à recouvrer enfin une liberté inespérée. Pendant toutes ces années, son seul contact avec le monde extérieur fut un énigmatique geôlier qui souhaitait que Dante Torre l'appelle " Le Père ". Seulement les traumatismes psychologiques subis par ce jeune homme de 17 ans sont écrasants, au point qu'il ne peut plus vivre désormais qu'à l'extérieur, où du moins dans un logement possédant de grandes vitres.
Vingt cinq ans plus tard, dans les environs de Rome, un homme en short, alarmé et désespéré essaie de stopper les véhicules d'une départementale. Son fils Stefano, âgé de 8 ans, ainsi que sa femme ont disparu lors d'un inoffensif pique-nique. Peu de temps après, le corps décapité de sa femme sera retrouvé dans une clairière.
En congés forcés après avoir subi un choc plus un trauma, la commissaire Colomba Caselli se voit confier non-officiellement l'enquête par son supérieur qu'elle apprécie : M. Rovere. Il lui conseillera de se faire assister par un spécialiste en disparitions d'enfants, un certain Dante Torre !
Ce polar est sans contexte addictif, difficile de ne pas céder à la tentation de le lire d'une traite, malgré ses 724 pages. D'autant que l'absence de temps mort et la succession ininterrompue de révélations font tout pour conduire le lecteur lambda dans une irrépressible frénésie de lecture. Quant à l'écriture d'une fluidité précise et dynamique, elle accentue encore l'élan du lecteur. Addict vous dis-je derechef !
Sans conteste, le côté bigrement attachant de ce thriller est le couple baroque que forme la commissaire Caselli, sportive musclée aux yeux verts et plutôt casanière, et Dante Torre, grand homme tout chétif, fuyant tout lieu fermé, détruit autant physiquement que psychologiquement. Ces deux éclopés de la vie, ces deux
êtres esquintés et meurtris par des épreuves hors-norme, chercheront une sorte de résilience dans le sport et son amour de Rome, pour elle, dans la documentation et la réflexion, pour lui. Naturellement, au départ ce couple atypique aux caractères si opposés semble trop improbable pour réellement fusionner, mais leur passé commun de fracassés de l'existence va finir par les réunir dans une osmose quasi parfaite. Dès lors leur duo va se muer en une efficace arme de prospection. Redoutable, mais elle doit l'être face à un ennemi effroyable qui semble posséder le don d'omniscience !
Justement, autre personne centrale : Le Père ! Celui dont l'ombre glaçante s'avère suivre pas à pas notre binôme, tel un rôdeur obstiné qui hante, avec notre plus grande délectation, les pages sombres de ce roman.
Sous l'intrigue aux multiples facettes, apparaît en filigrane le monde interlope de la recherche pharmaceutique, des relents de guerre froide et de ses terrifiants excès, notamment lors d'expériences sondant les confins de l'âme humaine. Nos deux enquêteurs seront confrontés à leur propre peur, et à la notre par la même occasion.
Je me dois de surligner la force narrative qui nous fait déployer une empathie naturelle à l'égard du duo, doublée d'une réflexion sur la façon de faire face à l'adversité d'un vécu hautement douloureux, cherchant une résilience dans une catharsis libératrice. Là, on est au-delà d'un simple polar, une dimension supplémentaire se dégage pour rester gravée dans notre mémoire, et pour longtemps.
J'émets juste un léger bémol concernant les explications finales, car autant la trame de l'enquête est d'une efficacité sauvage, autant les vraies raisons de l'origine du mal et sa mise en place restent dans un semi-brouillard, volontairement confuses ? Peut-être à l'instar de toutes les grosses affaires mêlant secrets d'état et lobbys puissants, et qui gardent toujours une part non négligeable de mystère. Comme-ci toute vérité nue est difficilement approchable.
On ne s’empêcher de faire un rapprochement légitime entre le prénom du héro, Dante, et Dante Alighieri, poète, écrivain, homme politique florentin du XIII et XIV ème siècle, auteur de la Divine Comédie, considéré comme le père de la langue italienne. Le lien entre les deux Dante, est évidemment leur visite de l'enfer, du purgatoire, pour enfin entrevoir le paradis grâce à une muse nommée Béatrice Portinari, chez l'homme du moyen-âge, et grâce à Colomba Caselli, chez Sandrone Dazieri. Sans oublier le titre Tu tueras le père, d'origine biblique mais adroitement retourné, qui rajoute une dose de désacralisation, louchant sur la part d'animalité qui reste gravée dans nos gènes. Rien n'est gratuit, tout est judicieusement pesé.
Pour conclure : Tu tueras le père est un polar haletant de grande facture et magnifiquement orchestré. Il saura vous scotcher jusqu'au point final bien trop vite arrivé, d'autant qu'une révélation ahurissante vient conclure la dernière phrase. A recommander fortement sans la moindre restriction ! Et quand je songe que ce n'est que la première partie d'une trilogie, j'en ai déjà des pétillements sous les doigts.
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