" Grace O'Malley " de Ann Moore 12/20
En Irlande, dans le comté de Cork, autour des années 1840, Grace O'Malley, une belle jeune fille rousse de 15 ans, au caractère et au courage affirmés, se voit contrainte d'épouser Bram Donnelly, le fils d'un seigneur anglais, les raisons financières prônant largement sur les sentiments. Mariée, elle découvre alors la face cachée de Bram, un homme violent et alcoolique, ayant déjà deux fois été veuf, et qui n'a qu'un seul désir, engendrer un héritier mâle.
Été 1845, le mildiou s'abat sur les cultures de pommes de terre, nourriture de base des paysans irlandais. Dès lors, la famine s'étend sur le pays. Paradoxalement, les ports restent ouverts sous la pression des négociants anglais, et l'Irlande continue d'exporter de la nourriture. Naturellement, la population se révolte, l'Angleterre déploie alors des forces militaires, combattant sévèrement tout trouble de l'ordre et toute contestation de son autorité.
Rendons "Grâce", si je puis dire, à Ann Moore de notre offrir une version romancer de la terrible famine qui sévit en Irlande pendant la moitié du XIXème siècle, car les écrits sur cette période ne sont pas pléthores (D'ailleurs même celui-ci n'est plus réédité ! J'ai dû me le procurer dans une bibliothèque, et encore, ce ne fut pas simple !).
Malheureusement, le style très scolaire de l'écriture, des personnages trop caricaturaux (il y a les méchants et les gentils, jamais de remise en question ni de rédemption, tout est blanc ou noir), et une narration qui laisse peu de place à la surprise, ne font rien pour élever ce roman au dessus de la moyenne. Ironie de l'histoire si je puis dire, beaucoup des protagonistes importants, entourant Grâce, finissent par mourir corps et âme, mais bizarrerie du récit, aucun ne meurt par manque de nourriture en pleine période de famine ! Hallucinant !
J'attendais de l'étonnement, des coups d'éclats, de la provocation et des fulgurances intempestives, mais non, il n'en fut rien. On reste constamment dans un roman classique, basique, avec son histoire d'amour contrariée, dont l'on devine facilement la fin. Bref un roman tout à fait grand public, donc sage, docile et facile à lire. La meilleure façon d'avoir un lectorat plus ample.
Heureusement il y a les descriptions de cette terrible famine, pour captiver un temps soi peu le lecteur, avec son lot de questions bien légitimes qui m'ont, là, fortement intéressées : Pourquoi a-t-on laissé les irlandais mourir de faim, alors que des bateaux entiers de grains irlandais quittaient le port de Dublin pour l'Angleterre ? Comment des propriétaires britanniques qui n'ont jamais mis les pieds sur l'île peuvent-il exiger des loyers exorbitant d'un peuple qui vit là depuis des milliers d'années ? Pourquoi le peuple irlandais n'a t-il pas le droit de posséder ses propres terres ? Et même de promulguer ses propres lois pour améliorer ses conditions de vie ? Pourquoi les forêts irlandaises ont-elles été pillés pour construire les villes anglaises sans le moindre reboisement ? De quel droit, l’Angleterre s'est-elle autorisée à spolier totalement l'Irlande, sans songer une seule seconde à ses habitants ? Et cela depuis la fin du XII ème siècle, période pendant laquelle l'Angleterre a commencée à s'approprier tout l'ouest du territoire irlandais. L'entièreté du pays suivra en 1494, d'ailleurs Henri VIII prendra le titre de roi d'Irlande en 1541. Débutera alors une confiscation systématique de toutes les terres. Heureusement, certaines personnalités anglaises ont dénoncer cette façon de faire pour le moins dictatorial. Cet historique, peu connu de l'homme moyen, explique cette rancoeur immémoriale des irlandais vis à vis des anglais, au point absurde de voir l'Irlande rester neutre dans les deux grands conflits mondiaux. Elle interdira même au Royaume-Uni l'usage militaire de ses ports et de ses aéroports pendant la seconde guerre mondiale. Et je ne parle pas de l'IRA.
Ma décision de choisir cette lecture vient justement de son encrage dans cet épouvantable drame irlandais. Ce gros roman fait partie d'une trilogie, la deuxième partie évoquant l'émigration irlandaise débarquant aux Etats-Unis. J'en reparlerai donc dans ces pages.
A noter que la vraie Grace O'Malley fut une femme pirate irlandaise qui vécut de 1530 à 1603.
Admirable sur le plan historique, bien qu'un rien succincte, mais quelque peu calamiteuse pour l’enrobage trop classique de sa narration sans grande imagination. Cette fresque mieux maîtrisée aurait pu être d'une très grande facture. Imaginons l'histoire prodigieuse qu'un Victor Hugo aurait pu faire en tirer ! D'autant que ce tragique épisode irlandais est contemporain de la vie du M. Hugo.