6 mai 2017



" Beaux rivages "   de Nina Bouraoui   13/20


      Comme le disait la chanson : Les histoires d'amour finissent mal... en général. Avec une écriture éminemment à fleur de peau, Nina Bouraoui nous conte la survivance d'une femme de 43 ans confrontée au brusque arrêt de sa relation avec Adrien, après huit ans d'amour.

      Histoire à la fois banale et universelle, où tout lecteur ou lectrice pourra s'identifier, peu importe sa classe sociale, et compatir au fait que chaque victime de rupture amoureuse devient, pendant plus ou moins longtemps, un être si faible, si impuissant, si misérable.

      Dans le cas de la narratrice, juste connue sous la lettre A, tout avait parfaitement commencé : elle habite Paris, son amant en Suisse à Zurich. La situation idéale quand on ne souhaite que partager les moments privilégiés de la vie à deux, sans s'encombrer des plombants temps morts du quotidien. Tous les deux étaient parfaitement heureux de n'être ensemble que pour le plaisir, même si les voyages nécessaires à se rejoindre devenaient fastidieux au fil du temps. Et puis, ils étaient idéalement en harmonie, tant sexuellement que sur le plan relationnel, aucun grain de sable à l'horizon. Elle se voyait bien finir ses jours avec Adrien. Les années se succédaient sans heurt, ou si peu. C'était l'homme idéal, la panacée quoi !
      Et l'impossible lui tombe dessus : l'abandon immédiat, sans prévenir. La noyade pour elle. Désarroi abyssal. La fin de son monde. La symétrie irrémédiablement rompue. Le cauchemar.
      La responsable, l'AUTRE qui n'est même pas plus jeune qu'elle, mais pour Adrien elle a le goût de la nouveauté et elle habite Zurich. L'AUTRE possède un blog plus ou moins érotique, qui lui sert entre autre de journal intime. Notre narratrice le suit avidement, dans un masochisme éreintant psychologiquement.
      Débute alors une lente descente aux enfers, avec insomnie, manque d'appétit et plongée médicamenteuse. Elle en maigrira fortement. Aucune bouée en vue, d'autant qu'Adrien conserve toujours les clés de chez elle, et continue de lui parler au téléphone. Une psychologue altruiste lui apportera un premier réconfort, avant que la vie, dans ce qu'elle a de sublime et de désespérant, lui insuffle petit à petit l'idée de la possibilité d'un demain. Mais le chemin sera long et laborieux.

      Nina Bouraoui excelle dans l'exploration, sinon la dissécation, des sentiments amoureux, ceux qui vous portent jusqu'à l’acmé du bonheur, comme ceux qui vous rendent malheureux comme les pierres. En véritable radiographe de la séparation, elle met tout sur table, aucune pudeur n'est permise, tout sonne vrai, du pur éclat de la douleur, de celle qui vrille le corps pour longtemps.

      Pléthores d'interrogations surgissent au fil des pages : L'amour existe-t-il vraiment ? Le bonheur n'est-il juste qu'une impression, une sensation fugace ? Ou ne faut-il simplement rien attendre de l'amour, ce sentiment si insaisissable, si abstrait ? La vie n'est-elle au final qu'une série de ruptures, infinies, douloureuses et universelles ? L'amour peut-il encore se vivre dans l'insouciance ?

      Seul bémol de l'histoire, le personnage d'Adrien manque de consistance, d'épaisseur. Il est trop loin, trop distant et avec si peu d'implication. Il ne s'explique jamais vraiment, ou ses explications trop succinctes laissent tant de vide, tant d'incompréhensions, que je ne peux ni développer de l'empathie ni lui trouver des excuses. Faut-il mettre uniquement cette rupture sur le compte de la nouveauté ? D'autant que l'amour qui le liait à A semblait imputrescible, solide comme du béton armé, l'osmose absolue, inégalable dans le temps d'une vie. Adrien est donc un salaud, un salaud magnifique, mais un salaud quand même. Le roi des goujats. Rien objectivement ne le défend, ni ne le dédouane, et cela me gêne. Vous me direz que je suis bien naïf, qu'il fallait qu'il agisse ainsi pour expliquer l'état de déliquescence d'A. Mais quand même ! Il est comme une cause perdue, indéfendable. Noir de chez noir.

      Comme le dit si bien Nina Bouraoui, ce livre est : Pour ceux qui ont perdu la foi en perdant leur bonheur. Pour ceux qui pensent qu'ils ne sauront plus vivre sans l'autre et qu'ils ne sauront plus aimer. Je n'aurais pas dit mieux.
      

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