Dans un Madrid, à la fois grande cité moderne et délabrement de certains quartiers, deux hommes et deux femmes vont être le jouet d'un destin désinvolte. D'abord Matias, un chauffeur de taxi veuf, inconsolable du décès de sa femme et cherchant absolument un coupable à ce drame. Puis Daniel, un médecin urgentiste désenchanté, dont la vie de couple n'a plus aucun piment et dont la seule chose qui le fasse vibrer sont les espaces virtuels de Second Life. Sans oublier Fatma, une superbe prostituée africaine, ayant vécu l'horreur ultime dans sa jeunesse, mais accrochée à la vie malgré tout grâce à son totem : un petit lézard tout vert, qu'elle considère comme la réincarnation de son frère mutilé sauvagement par une quelconque armée tribale. Et enfin, Cerveau, une vieille scientifique de 70 ans, un peu pédagogue mais beaucoup alcoolique
Autour de ce quatuor règne un univers d'inquiétude, car une série d'assassinats sur des personnes (très) âgées a lieu dans la capitale espagnole, le mystère est entier d'autant que les victimes sont retrouvées avec un étrange sourire dessiné sur les lèvres, comme si mourir était synonyme de plaisir retrouvé.
Ce texte ne peut laisser indifférent tant la puissance des sentiments est exacerbée, autant dans le sens du bien que dans celui du mal. En effet, en début de roman ces quatre protagonistes ne sont pas épargnés par le destin, chacun traîne ses propres cicatrices et traumatismes, dans une vie devenue sans sel donc sans goût. Puis, telle une brise légère soufflant sur la ville, se lève un vent d'espoir, de compassion et d'altruisme, qui dépose enfin quelques pincées d'affabilité et de bienveillance dans l'existence de ces meurtris de la vie. Une osmose inespérée s'élabore, entraînant dans son sillage d'autres adhésions qui renverseront les barrières extérieures, mais surtout intérieures, libérant des étincelles de bonheur. Seulement cette force perdurera-t-elle dans le temps ? Les nouveaux rêves ont-ils une chance d'être pérennes ? Naturellement, chaque individu possède sa propre réponse ancrée en lui.
Vous l'aurez compris, la force de ce roman réside dans son réconfort moral, avec cette affirmation : non tout n'est pas perdu, si les forces malignes sont considérables, la résistance s'organise, que ce soit dans un sourire ou dans une action plus pertinente, ce qui compte c'est d'aller vers les autres, de leur parler et de les écouter. Et naturellement, quasi sans effort, un bien-être sain naîtra dans nos cœurs. Egoïstement, faire du bien aux autres pour aller mieux soi-même !
Parmi les thèmes abordés, il y a celui des couples émoussés, vieillissants, ceux qui ne sont plus dans l'amour absolu, mais qui ne se quittent pas pour autant, cherchant à transformer l'amour passion en tendresse profonde. A l'instar de cela, Rosa Montero sait mettre en scène, sans complaisance mais avec une singulière affection, des hommes et des femmes furieusement humains dans leur complexité et leur bassesse. Chacun d'une manière différente va participer à l'amélioration de son monde, et de celui des autres dans un élan de grâce insoupçonné. Même si tout ceci ne sera qu'éphémère, ils auront au moins eu la fierté de faire exister un moment salvateur, qui pourront qui sait, faire des petits ? D'ailleurs ce roman n'est pas sans me rappeler l'extraordinaire film de Jean-Pierre Jeunet Le fabuleux destin d’Amélie Poulain.
Lecture revigorante, écrite dans une belle langue, où hasards et coïncidences vont s'harmoniser, parfois dans la douleur, parfois dans la libération et l'épanouissement pour aboutir à une exaltante fable pour adulte.
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