" Quand sort la recluse " de Fred Vargas 17/20
Quand une araignée très peureuse et quasi inoffensive se met à tuer trois hommes âgés, l'instinct du commissaire Adamsberg sonne l'alarme ; il y a anguille sous roche, à défaut d'araignée. La demoiselle arachnide mise en accusation se nomme la recluse, ou si vous préférez son nom latin Loxosceles rufescens, c'est une espèce vivant dans le Sud-Est de la France, et qui, comme son nom l'indique passe son temps cachée.
Après une mise en bouche aux allures " sherlockholmesque ", Fred Vargas démarre une intrigue qui n'en finit pas de se dérouler, accumulant avec un effroyable délice une nuée de fausses pistes. Une fois de plus, ne compter pas sur moi pour vous en dévoiler plus ; sans surprise, moins de désir de lire un Vargas. Malgré tout, j’appuierais sur une interrogation légitime du livre : une vengeance peut-elle ne pas être totalement condamnable ?
Une grande partie du sel de ce roman ou rompol - polar dont la narration est empreinte d'humour, de liberté et de poésie - vient du savoir-faire de l'auteure, habile à mettre à nue certains mots, à les déshabiller, à les dépouiller de toutes leurs facettes, à les extirper de leurs antres, parfois ancestraux, afin d'en extraire tout le suc littéraire qu'ils peuvent suinter et augmenter ainsi la qualité du texte. Exemple : étoc, blaps, martin-pêcheur... et bien sûr recluse. Ces mots-refrain resurgissent plus loin, au désir de l'auteure, avec un sens bien différent et donc une optique troublante, comme écrire un roman avec peu de mots, mais dont tous auraient une pléiade de sens résonnant, oscillant, vibrant au fil de l'araignée... euh ! du récit.
Nonobstant cette folle danse des mots, le plaisir est grand de retrouver le commissaire, dont la manière de pensée témoigne d'une singularité qui fait tout son charme, loin de tout cartésianisme. En effet, la logique ondoyante d'Adamsberg doit tout au ballet de boules gazeuses baguenaudant dans son cerveau. De plus, il possède l'art de faire accoucher les esprits en poussant au plus loin l’effort d'une réflexion engloutie, oubliée, mais toujours là, attendant l'heure de la sortie ; pour le dire très simplement, il pratique la maïeutique !!!
Chaque roman de Fred Vargas swingue entre incantation ésotérique et recherche de sens, son style reconnaissable peut décontenancer, cependant, dans notre monde à la froide verticalité, il peut être doux de s'allonger, et de se laisser bercer au fil du courant des mots, pour un vrai voyage fait de mystères et de légendes.
Certes, il peut-être aisé d'avoir la juste intuition du coupable, comme je l'ai eu, mais l'essentiel est-il là ? Un Vargas est tellement autre chose, comme une appétissante pâtisserie qui révèle une saveur capiteuse à chaque bouchée.
Bon cru de la cuvée Vargas, plein de fantaisies, de connaissances zoologiques, de psychologie, de fantômes réveillés, de sémantique, qui à l'instar des bulles gazeuses d'Adamsberg, pétillent tel un champagne. A déguster sans la moindre modération !