29 sept. 2018

23 sept. 2018


" La tresse "   de Laetitia Colombani   17/20



      Il ne faut surtout pas lire la quatrième de couverture qui est beaucoup trop bavarde ; quel plaisir peut-il y avoir à lire un livre dont on connaît déjà l'essentiel ?
      Disons seulement que trois femmes, Smita, Guilia et Sarah se battent pour échapper au sort qui leur est destiné par une société si inéquitable qu'elle en devient tyrannique. Chacune vit dans une région différente : l'Inde, la Sicile et le Canada ; le hasard de la vie, un hasard tout symbolique, les fera fusionner dans une communion résonnant d'une humanité extra-communautaire.

      Le récit, à l’image du titre du roman, entrelace les trois narrations qui ont peu de rapport entre elles, cependant au fil du roman, des fils se tissent, des liaisons apparaissent, pour s’achever dans une osmose, voire une eucharistie née de l'effet papillon. On peut logiquement penser à un film de Lelouch avec ces parcours sévèrement bousculés par la vie, avant d'entamer une phase de ressaisissement, puis de se conclure dans un final fraternel.

      Pour son premier roman, Laetitia Colombani étonne par sa rigueur et son dynamisme. Le texte est court, ramassé, allant à l'essentiel, pas d’esbroufe ostentatoire juste de la précision et de la justesse.

      La tresse s'affirme comme un hymne à la femme, à son courage face à un destin tragique, à sa détermination devant une discrimination inique (pléonasme) et à sa liberté d'agir vis-à-vis d'une société timorée et patriarcale.
       Simple et touchant, une réussite.

      Voilà, on peut parler d'un livre poignant sans pour autant tout déballer du pétillement de l'intrigue. A bon entendeur salut !


" Le sans Dieu "   de Virginie Caillé-Bastide   15/20

      Bretagne, hiver 1709. Une vague de froid extrême s'abat sur le royaume de France, déclenchant une famine épouvantable. Arzhur de Kerloguen, modeste hobereau, assiste impuissant au décès du dernier de ses sept enfants. Sa femme devenant folle, il abandonne sa terre natale, tout comme le peu de foi qu'il lui restait. Fuyant sa vie dévastée, et abhorrant tout ce qui se rapproche plus ou moins de la religion, il décide que désormais, il provoquera outrageusement Dieu dans des agissements d'une cruauté sans nom.
      Au large des Caraïbes, 1715. Un farouche capitaine, surnommé l'Ombre, fait régner la terreur dans les mers chaudes, qu'il écume sans relâche à bord de son navire pirate baptisé "Le Sans-Dieu". Lors de l'attaque d'un galion espagnol, il épargne la vie d'un prêtre jésuite. Un dialogue haut en couleurs s'instaure alors entre ces deux hommes, que tout sépare, sur la brûlante question de l'existence de Dieu.

      Virginie Caillé-Bastide nous emporte, dès les premières pages, dans un tourbillon effréné d'aventures épiques. Dans ce cocktail détonnant, où le rhum et la violence coulent à flot, elle ne mégote pas sur les thèmes abordés : vengeance, piraterie, amitiés, trahisons, île sécrète, trésors, esclavages, mer chaude et requins. Naturellement, me sont revenues en mémoire mes lectures de jeunesse, notamment celles des romans de Jules Verne et de Stevenson. Tel un plaisir au goût légèrement suranné.

      Privilégiant le rythme, la romancière élude un peu trop la dimension psychologique des personnages. Des descriptions plus ambitieuses, sans alourdir l'histoire, auraient donné une amplitude plus généreuse à l'ensemble. Il manque juste un peu de mâche, pour orner sans encombrer ce récit afin d'en faire une oeuvre digne des romans d'aventures de ma lointaine jeunesse.

      L'écriture, dans un souci d'épouser les tournures de l'ancien français, est parfois à la limite du ridicule et du saugrenu. Mais la plume est souvent alerte, virevoltante et pleine de truculence.

      Cependant, si je me suis penché sur ce livre atypique, de la rentrée littéraire 2017, c'est pour l'affrontement entre le religieux et l'athée. Les tempêtes qui agitent leur âme donnent d'excellentes scènes à coup d'arguments singuliers, même si, ces combats oraux mériteraient, là aussi, un développement plus approfondi, mais peut-être sortirions-nous alors du roman traditionnel pour entrer dans des considérations plus philosophiques.

       Au style flamboyant, Le Sans-Dieu est un roman d'aventures à l'ancienne, jonglant plaisamment entre flibusterie et duel spirituel. Mené tambour battant, il regorge de rebondissements et de combats, sans oublier la petite pointe d'amour, telle la pincée de sel, essentielle pour que la recette aie du goût. Même si l'histoire aurait mérité un étoffement, l'ensemble est honorable et la dernière page arrive beaucoup trop vite, c'est un signe ! A condition de passer sur un ou deux anachronismes et autres rafistolages peu crédibles, comme le fait que tout le monde parle la même langue (esclaves, français, espagnols), vous passerez un dépaysant moment de lecture, idéal pour l'été... mais sans plus !


      

17 sept. 2018



HAÏKU   Partie   C

°°°°°°°°°

fauchage de fin d'été
sous le geste auguste
la valse du foin


soleil au zénith
assis sur le pré fauché
ce parfum de foin coupé


début septembre
posé sur la brouette de foin
le rouge-gorge revenu


ce soleil de septembre
adouci par l'équinoxe
conclut l'été


fin croissant de lune
sur l'horizon crépusculaire
y accrocher un rêve





HAÏKU   Partie LXXXXIX

°°°°°°°°°

air frisquet sur la plage
galets plus durs
l'été tire sa révérence


assis sur les galets
le regard vers les falaises
perdues dans le ciel


air iodé
ponctué d'embruns
je ferme les yeux


courant à pas feutrés
les vagues facétieuses
échangent des chuchotis


fin août
grosse déprime de la nature
suite aux vacances de M. Hulot


9 sept. 2018

" La porte "   de Magda Szabo   14/20

      Ce roman, en grande partie autobiographique, relate 20 ans d'improbables relations entre l'écrivaine hongroise Magda Szabo et sa femme de ménage et concierge Emerence Szeredas. Pourtant, beaucoup de choses les opposent ; l'une est plutôt jeune, l'autre nettement plus âgée ; l'une a fait des mots son métier, l'autre abhorre tout ce qui touche aux livres ; l'une n'est strictement qu'une intellectuelle, l'autre est une stakhanoviste du travail manuel. Difficile de faire plus antinomique... néanmoins une amitié pour le moins singulière va se nouer entre ces deux femmes. Amitié qui oscille constamment entre attraction et répulsion.
      Le point le plus mystérieux dans l’attitude d'Emerence se noue autour de la porte de son domicile qu'elle laisse volontairement close à tous sans exception. Comme si toute intrusion de la part d'autrui risquait de rendre impur le "temple sacré" de la concierge. Cacherait-elle un secret inavouable ?

      L'essentiel de ce roman repose exclusivement sur l'impétueuse personnalité d'Emerence. Une femme au passé hors norme qu'elle ne livre qu'avec parcimonie à ceux qui ont la chance de faire partie de ses confidentes, de plus, chacune d'elles reçoit un fragment systématiquement différent. Reste au lecteur à recomposer le puzzle pour appréhender la vie d'Emerence dans son ensemble, ce qui peut vite devenir fastidieux !

      Ecrit avec une plume élégante et stylée, ce récit se veut profondément intimiste et viscéralement psychologique, sans oublier un soupçon non négligeable de spiritualité, tout ceci, naturellement, assujetti à la vision décalée, mais non percluse de bon-sens, d'Emerence.

       La porte est une ode à la liberté, aux silences et à la solitude, doublée d'une allégorie sur le Temps, ce que nous en faisons, son importance à certains moments, puis son insignifiance à d'autres, notamment la mort. Cette mort, telle la dernière porte, celle qui ouvre sur l'inconnu et qui se referme sur une vie devenue souvenirs lointains, puis inéluctablement, tas de poussière.
      La porte se veut aussi une réflexion sur nos propres ambiguïtés, celles qui font que nous avançons avec d'altruistes pensées et de nobles intentions, mais de là à mettre ces belles paroles en application, la marge est colossale.
      La porte est enfin et surtout un roman d'amour entre deux femmes aux attentes différentes, entre deux mondes au passé si éloigné. Magda Szabo signa là un hymne à la magnificence des relations humaines, un bel hymne à l'altérité.

      Outre quelques petites longueurs facilement appréhendables, mon seul bémol relève de l'agencement de l'ensemble, tout est raconté par brides, plus ou moins éparses, tel un foutu kaléidoscope. Si on aime se perdre dans les méandres d'une narration ductile au parfum évanescent, le plaisir sera là. Par contre, si on verse plus vers une architecture traditionnelle et carrée, on risque de perdre pied de temps en temps. Puis... irais-je jusqu'à dire qu'un effet de manche des plus douteux vient nuire à la crédibilité de l'histoire...    trop tard c'est dit ! 

      Intéressant récit autobiographique, je veux bien, mais abusivement romancé pour accentuer le machiavélisme de certaines situations qui n'en avaient nullement besoin. Maintenant, à vous de vous faire votre avis... et de me le transmettre !


3 sept. 2018





HAÏKU   Partie   LXXXXVIII


°°°°°°°°°

retour à Fécamp
sous le persiflage aigü
des mouettes rieuses


mer d'été
aux mille éclats
un joyau d'orfèvre


sieste écourtée
sous les cris obstinés
des maudits goélands


soleil et mer
quand l'été les marie
- éblouissements


une mer silencieuse
des goélands enfin muets
Fécamp déjà loin derrière