24 févr. 2019



HAÏKU   Partie CXIV

°°°°°°°°°

pluies de février
pluies enthousiasmantes
car pluies de soleil


chaleur de février
les gens heureux
la planète moins


après-midi au jardin
seul, vraiment seul
avec le chant des oiseaux


bikini en février
bonheur des foules
pauvre terre


telle une valse
février en deux temps
gelée et chaleur


Un week-end pâtissier de folie !


Bateau pirate en nougatine sur pièce montée.


Poids du bateau : 4 kgs


Sur la mer des caraïbes.


Avec la barre sur château arrière.


Et mât de beaupré volontaire.


Une fée clochette radieuse !


Belle et gracieuse.


Pièce montée en dôme avec lièvre en chocolat blanc.


Décor à la Pollock sur vacherin.

A bientôt !





22 févr. 2019


" Karpathia "   de Mathias Ménégoz   18/20


      Vienne 1833. Afin de défendre l'honneur de la jeune baronne autrichienne Charlotte-Amélie von Amprecht - dite Cara - qu'il est sur le point d'épouser, le comte Alexander Korvanyi - capitaine de l'armée austro-hongroise - ne manquant pas de panache, n'hésite pas une seconde à se battre en duel. L'honneur de la belle est ainsi sauf, mais il y laisse une douloureuse blessure à la cuisse. Décidant de quitter l'armée, le comte Korvanyi fuit alors le chic viennois, avec sa jeune épouse, pour s’installer sur les terres transylvaniennes de ses ancêtres magyars, en plein coeur des Carpathes, sur un vaste et montagneux domaine de famille : La Korvanya. Cinquante ans plus tôt, une effroyable jacquerie, menée par des hordes de serfs valaques, avait coûtée la vie à toute la noblesse hongroise habitant le château. Depuis, le calme est revenu, cependant, l'arrivée du nouveau maître des lieux, par son autorité, son arrogance et sa fierté, risque de briser l'équilibre précaire de la région. D'autant qu'un système féodal est toujours en vigueur entre les différentes populations locales : une communauté bigarrée qui se côtoie quotidiennement sans pour autant s'apprécier : les magyars, les valaques, les tziganes, sans oublier des contrebandiers et différents éléments révolutionnaires venus en partie de l'Empire russe avec l'idée, pour certains, de créer un état roumain indépendant. En vérité : cette Transylvanie a tout d'une dangereuse poudrière !
      Le jour où un enfant tzigane disparaît, les tensions se durcissent entre les communautés et les haines ancestrales ne demandent qu'à resurgir.

      Mathias Ménégoz nous livre, avec ce premier roman, un fantastique travail de reconstitution et de documentation. Loin d'empêtrer le récit dans une lourde boue historique, cela crédibilise l'histoire en lui octroyant un surplus de vraisemblance. Entrant ainsi dans une autre dimension, celle d'un Alexandre Dumas... excusez du peu ! De plus, les protagonistes, qu'ils soient serfs ou nobles, ne sont jamais réduits à leur statut de classe. En effet, chacun réagit en fonction de facteurs multiples : groupe, patrie, rang, croyance, sans oublier les intérêts et les ambitions. Dès lors, pas de cliché, chacun devient une particule quasi-libre, qui, telle une boule de billard, peut bousculer une harmonie apparente ou souhaitable, et créer une sérieuse entropie.

      Avec ce roman, les thèmes ne manquent pas, d'abord celui du chien dans un jeu de quille, où, le noble magyar comte Korvanyi, imbu de sa personne, aggrave une situation délicate par maladresse, par rigueur germanique et par intégrisme seigneurial. Suit, le drame classique en montagne du loup ou de l'ours qui dévore brebis et mouton et viole de jeunes paysannes, à moins que derrière tout cela ne se cache la main de l'homme. Puis vient le thème incontournable de l'obscurantisme basique ou de la bêtise superstitieuse du serf valaque qui voit l'action d'un vampire dans chaque fait inexplicable autrement. Enfin, l'effet miroir agit de plein fouet entre, 1783, et la révolte des serfs opprimés par la noblesse magyars, et 1789, la révolution française. Toujours et éternellement des peuples écartelés, des souffrances multiples, des médisances discriminatoires, des exploitations de l'homme par l'homme, comme un reflet ténébreux, un écho infini d'un refrain tragique

d'une histoire sanglante qui bégaye sans fin jusqu'à aujourd'hui.
Illustration par la parole du comte Korvanyi : Ne sentez-vous pas que ce n'est pas seulement tout ce que nous possédons qui est en jeu mais aussi et surtout tout ce que nous représentons, tout ce que nous sommes, de par le legs sacré de nos ancêtres !

      La grande intelligence du roman vient du fait que le lecteur, devant la complexité de la situation et les odieux massacres qu'elle occasionne, ne peut raisonnablement choisir un camp. En effet, d'une part ces grands seigneurs infatués de leur noblesse n'hésitent pas à pendre le moindre malheureux coupable d'incompétence ou de gestes rebelles, et d'autre part, ces serfs condamnés à vivre sous le joug de quelconque maître, ne conçoivent le moindre salut sans l'extermination de tout ce que représente la noblesse. Tout est en excès, tout n'est que folie. Tel va le monde, sans mesure, sans l'once d'une bienveillance, sans sagesse, en un mot : sans intelligence !

      Inhérent à cela, Mathias Ménégoz met le doigt sur l'inextricabilité de certaines situations où l'imbroglio n'a d'égale que l’enchevêtrement des identités, des énergies, des volontés en présence. Quand en plus, viennent se greffer des considérations religieuses, culturelles ou de justice sociale, sans bonne volonté de chaque partie, le pire des scénarios devient inéluctable.

      En dehors de cette brillante faculté de décortiquer les tenants et aboutissants d'un monde bouillonnant de certitudes et de légitimité à la révolte, Mathias Menegoz sublime l'ensemble par une belle plume, d'une agréable richesse narrative et d'une plaisante érudition. Pour un premier roman, l'obstacle est admirablement franchi.

      Fruit d'une quinzaine d'années de recherche, Karpathia se révèle être une notable et redoutable fresque historique où les haines immémoriales de différents peuples sont ravivées par des faits divers, réduisant si facilement l'homme à l'état de bête sauvage.


18 févr. 2019

" La possibilité d'une île "   de Michel Houellebecq   14/20


      Difficile d'entrer dans ce roman tant les premières pages, par leur nature éclatées, me plonge dans une grande perplexité. Puis, peu à peu, les brumes se dissipent laissant apparaître tout un univers houellebecquien où se retrouve les caractéristiques de l'auteur : impossibilité d'un amour durable, pessimisme radical, refus de vieillir, le tout emberlificoté dans un cynisme assumé.

      Ce roman, aux allures de conte philosophico-religieux, raconte la vie de David 1, un humoristique professionnel, qui, afin de connaître rapidement le succès, exploite la provocation dans des sketchs aux sujets brûlants : le conflit palestino-israélien, la mafia, la pornographie, etc. Ce cynique volontaire gagne son pari en s'enrichissant rondement. Par contre, en amour, Isabelle puis Esther finissent, malgré une bonne dose de volonté, par le quitter définitivement. Côtoyant depuis quelque temps la secte des Elohims, David 1 devenu mélancolique, apathique et désabusé, se laisse séduire par la bienveillance du groupe qui lui promet rien de moins qu'un retour à la jeunesse pour l'éternité. Oh, n'ayez crainte de la moindre spoliation, le roman est tellement riche, qu'il est beaucoup plus que cela.

      Cette satire sociale et sexuelle de notre monde peut désorienter par son propos sans limite, ou si peu. Outre la partie immergée et reconnaissable des romans de Michel Houellebecq : vie sociétale et charnelle de ses protagonistes, il y a toute une réflexion sur la déchéance et la sénescence du corps, l'homme est-il prêt à tout pour repousser l'inéluctable jusqu'à concevoir un hasardeux clonage ? Pourquoi ne peut-on se satisfaire du temps qui nous a été imparti ? Avec ce roman, Michel Houellebecq offre une solution, cependant, est-elle une acceptable résolution du problème ? Et puis, qui parmi nous mérite la vie éternelle ? D'autant que c'est long, surtout vers la fin, comme le disait en son temps Coluche !
      Ce roman d'anticipation dénote une grande force visionnaire poussée à la limite de l’exercice... c'est-à-dire jusqu'à la création d'un homme nouveau se positionnant au-delà de l'homo sapiens. Néanmoins, toute l'énergie déployée par l'auteur pour élaborer un futur admissible, ne part-il pas d'un sentiment universel face à la dégénérescence de nos corps, tout simplement : la peur de ne plus être ce que l'on a été, ou l'impossibilité de paraître ce que l'on a toujours essayé d'être ?

      Pour être honnête, je me suis un peu perdu dans ces presque 500 pages autour de considérations scientifiques, philosophiques, ou bien encore houellebecquiennes, un rien brouillardeuses. Certes, sans pour autant perdre l'essentiel de vue, mais avec quelques passages de grande solitude, tel un marin égaré en mer songeant et priant pour l'illusoire... la possibilité d'une île.

      Avec une plume authentique, crue et provocatrice, Michel Houellebecq dissèque l'âme humaine, exposant nos pensées les plus viles et les plus sombres, révélant beaucoup de choses sur le caractère immuable de la nature humaine.


Réalisations originales du moment :






Réalisé entièrement en chocolat.













Stylisation d'une femme avec jupe.




Circuit en pâte à sucre.




A très vite !

15 févr. 2019



HAIKU   Partie CXIII

°°°°°°°°°

après la pluie
toutes ces flaques d'eau
nous montrent le ciel


malgré les rafales de vent
toujours cette couche de neige
sur ma vieille tête


sous la gomme du temps
nos souvenirs deviennent
l'ombre de leur ombre


la chambre de ma fille
désormais vide
juste pleine de souvenirs


Saint-Valentin 2019
sous les pansements
le sourire de ma femme



4 févr. 2019

" La terre qui penche "  de Carole Martinez   18/20

       
      Qui est Blanche ? cette enfant de douze ans, également surnommée la môme Chardon pour son esprit rebelle, ou encore Minute à cause de sa taille fluette ? Ne quittant jamais sa petite chemise, flottant à mi-cuisses comme une piètre protection face à l'adversité, elle souffre terriblement d'un père froid, excessif depuis le décès de sa femme. A écouter son fantôme, Blanche serait morte au mois de mai 1361, la veille de la sainte Judith...
      La petite fille qu'elle a été et la vieille âme qu'elle est devenue nous racontent deux ans de son histoire, celle de Blanche, à partir du jour, où, vêtue des plus beaux habits qui soient, elle part sous la conduite de son père dans la forêt sans savoir ce qui va lui arriver. Son géniteur a-t-il le dessein sordide de l'offrir au diable afin d'éviter à la peste de revenir emporter l'autre moitié des habitants de la région ?

      Ayant déjà écrit un roman historique intitulé Du domaine des murmures, d'une excellente facture, Carole Martinez récidive avec ce non moins magistral nouvel opus.

      D'emblée, l'émerveillement vient de l'écriture, de cette plume enchantée ; tout en poésie, en magie, en innocence et en cruauté. Elle nous dessine un Moyen-Âge délectablement onirique, où légendes et mythes se marient pour nous offrir un magnifique récit aux allures de conte. Je n'ose imaginer la débauche de travail pour arriver à un résultat si abouti, si accompli, touchant littéralement et littérairement au chef-d'oeuvre artistique !

      La qualité de la forme jouant de concert avec la profondeur du propos, comment ne pas se laisser séduire par cette fillette au tempérament hors du commun, bravant les interdits avec insouciance et fraîcheur et animée d'un fervent désir d'apprendre à lire, ce qui lui est défendu, car, comme tout le monde le sait, ce filou de diable entre dans l'âme des filles qui savent lire !!! Blanche, qui rêve de liberté, de grands espaces et d'avaler le monde, doit broder ou filer toute la sainte journée, cela l'empêchera ainsi de trop réfléchir, car le diable, toujours lui, s'insinue dès que femme est désœuvrée !!! Pour son plus grand malheur, elle parle la nuit, révélant ainsi ses pensées les moins avouables, les plus rebelles... ah encore ce foutu diable !!! En dénonçant cette société médiévale où l'obscurantisme est partout, Carole Martinez nous rappelle que ses aberrations n'ont malheureusement pas disparu avec le temps, elles crèvent l'actualité avec une fréquence insupportable. A quand les Lumières, non point aux cieux, mais dans la tête de tous les hommes et femmes ? Vœu pieux... ah encore cette religion qui englue tout ! D'ailleurs, mine de rien, l'auteure glisse de façon presque subliminale un petit paragraphe sur tous les systèmes de croyance voués à plus ou moins long terme à vieillir puis, inévitablement, coincés dans la barrière du temps, à se muer en mythe.

      Avec une douceur toute poétique, Carole Martinez nous dépeint cette belle région portant le délicat nom de Franche-Comté, ce... pays si penché qu'il fallait sans cesse l'étayer pour empêcher qu'il ne s'écroulât. Une terre si inclinée, qu'après un orage, les vignerons devaient la remonter sur leur dos. Ce pays de coteaux est traversé entre autre par la Loue, une rivière aux eaux vertes et lumineuses, mais aux humeurs changeantes : capable de la plus grande bienveillance comme du plus terrible courroux. Outre feuilles, branches et autres rondins de bois, la Loue charrie au fil de son cours une sublime et redoutable légende ancestrale : celle de la Vouivre, une créature serpentine portant sur la tête un diadème orné d'un gros rubis et passant son temps à séduire, puis à dévorer les hommes. En son temps, Marcel Aymé s’était servi de cette légende pour l'un de ses romans. Tout l'art de Carole Martinez est de s'emparer de tous ces éléments naturels et surnaturels, de leur extirper leur substantifique moelle pour les incorporer dans la recette gourmande et sensuelle de son récit, apportant une fantasmagorie bienvenue, servant son histoire par symbolique interposé.

      Et que dire du magnifique et touchant personnage de Guillemette, la vieille cuisinière ; une valeureuse mère qui eut quatorze enfants, que des filles, toutes mortes soit de la peste, de noyade, de fièvre, victime d'un loup qui n'était autre qu'un homme, ou de chute. Quatorze fois elle est morte en les voyant mourir. Ces fillettes, si pleine de vie, pourtant il n'en est resté aucune, la toute dernière étant morte de chagrin, elle qui aimait tant jouer avec ses soeurs et vivre dans leur pas, elle a suivi leurs fantômes. Cette même cuisinière qui réussissait le tour de force d'emmagasiner tous les parfums d'une saison dans des pots fermés hermétiquement. L'ouverture de l'un de ces pots équivalait à une explosion de parfums féeriques, l'un des plus merveilleux et inoubliable passage du livre.

      Ce conte pour adultes, alliant parcourt initiatique ; condition de la femme ; beauté d'une région ; obscurantisme inouï ; peste apocalyptique et légendes ancestrales, est sublimé par la prose d'une écrivaine pas assez connue et reconnue à mon goût : la talentueuse et remarquable Carole Martinez. Retenez bien ce nom, il est synonyme de grande virtuosité.