Une énième fois, ne lisez pas le quatrième de couverture, il s'agit d'un véritablement tue-l'amour de la lecture ! En quelques lignes, il vous fusille tous les aléas d'une magnifique romance. Une honte de l'éditeur !
Au coeur des années 60, dans une banlieue résidentielle appelée "Village" située à une vingtaine de kilomètres au sud de Londres, Paul Roberts, un jeune homme de 19 ans, issu de la classe moyenne, vient de terminer sa première année universitaire. Cet été-là, Paul s'ennuie un peu, pratiquant le tennis dans un club local il participe à un tournoi amateur en double mixte, les partenaires étant tirés au hasard. C'est ainsi qu'il rencontre et joue avec Mrs Susan Macleod, une femme de 48 ans, mariée à un monsieur préférant le golf, et mère de deux filles plus âgées que Paul. Susan est belle, charmante et chaleureuse. Il n'en faut pas plus à notre jeune homme pour qu'une pure, vraie et totale histoire d'amour naisse rapidement et réciproquement. Seulement, au fil des années, une ombre sournoise émerge : Paul va découvrir la fêlure de Susan, sa face cachée...
Vous n'en saurez pas plus, juste ce qu'il faut pour allécher sans dévoiler.
D'emblée l'écriture interpelle par sa qualité, sa justesse et son ampleur. Il n'y a qu'à lire l'incipit pour s'en persuader, telle une admirable invitation à poursuivre, à entrer dans la danse d'un amour atypique puisque transgressif, avec ses joies et ses tourments. Car, afin de vivre pleinement leur amour dans une société traditionnelle, aux conventions sociales bien établies, Paul et Susan, avec leur 29 ans d'écart d'âge, devront se cacher pour s'aimer.
Julian Barnes nous narre une histoire d'amour courageuse, avec cette volonté de chevillée aux corps de voir les tabous briser de cette prude Angleterre ; de toute façon il plane sur ces deux tourtereaux comme une impression d'inévitabilité : ils n'ont pas le choix, Paul comme Susan ne peuvent vivre l'un sans l'autre. Même quand la société dresse des murs d'orthodoxie sentimentale ou comportementale, l'Amour les éclipse. Quand l'amour est plus puissant que la volonté ou la loi, on ne peut que s'incliner, rendre les armes au destin, et accepter l'inéluctable et l'inséparable.
Le récit est présenté comme celui d'un homme vieillissant, analysant ce que fut sa vie, tellement éclairée, influencée et bouleversée par sa seule véritable histoire d'amour. Au crépuscule de sa vie, cherchant à mettre de l'ordre dans ses souvenirs, il s'interroge encore : cette rencontre à l'allure apparemment si discordante, était-elle une chance ou une épreuve pour lui ? Lui qui était novice, en a-t-il tiré un grand bénéfice ou cela a-t-il plombé sa vie ?
Un roman profond, qui dissèque avec minutie le sentiment amoureux et ses conséquences, peut-être un chouilla de trop d'ailleurs, car j'ai eu la nette impression qu'il peinait à s'achever, comme une belle oeuvre qu'un auteur ne veut plus quitter au point de reporter le point final à plus tard, un peu trop tard pour moi.
Néanmoins, en matière de réflexion et avec un raffinement tout British, Julain Barnes vient nous interroger sur l'amour : est-ce une bénédiction ou une calamité, une faveur ou une malédiction, un bonheur ou une pénitence ? Y aurait-il pour nous tous une histoire d'amour fondatrice ? Quand la puissance de l'amour vrai frappe à nos portes avons-nous vraiment le choix ? Peut-on contrôler la force de l'amour ? Faut-il mieux avoir aimé et tout perdu avec les souffrances inhérentes, plutôt que de vivre en paix... mais sans amour ?
A la fois somptueux et dramatique, beau et terrible... comme l'amour !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire