4 mars 2020

 L'honneur perdu de Katharina Blum "   de Heinrich Böll   18/20



      Dans l'Allemagne des années 1970, comment une jeune femme droite, serviable et courageuse, peut-elle se retrouver incarcérée pour une durée de 8 ans ? Où comment une personne ayant toute ses facultés mentales et morales peut-elle du jour au lendemain devenir une criminelle ?

      Là est la question brillamment soulevée par Heinrich Böll, prix Nobel de littérature en 1972.

      Katharina Blum est une honnête travailleuse qui se voit malheureusement impliquée dans un simple fait divers. Aussitôt, elle devient la cible d'un journal à scandales. Dès lors sa vie privée devient publique, sa réputation est outrageusement salie, sa vie paisible se transforme en enfer, touchant même, telle la chute des dominos, tout son entourage.

      Heinrich Böll, dans sa vie privée, avait lui aussi souffert de cette même presse, une presse de calomnie, une presse à sensation, une presse qui ne vérifie aucune information. Ne souhaitant nullement rentrer dans le jeu sordide de ces journaux en les invectivant, Böll attaque à son tour ses médisances et autres allégations mensongères avec ses propres armes : la littérature, d'où l'origine de ce roman imaginaire, mais si pertinent.

      Par ailleurs, Boll, en témoin de son temps, nous décrit une société toujours confrontée à ses vieux démons, qui, à y regarder de plus près, possède les relents rances d'un fascisme que l'on aurait voulu définitivement enterré. De surcroît, apparaît en filigrane tout au long du roman toute la crainte et la défiance de la RFA face aux exhalaisons de la pestilence rouge venue de l'autre côté du mur : la RDA. Rappelons que l'histoire se déroule pendant les années 1970, celles des années de plomb.

      Néanmoins, la narration de style chirurgical à coup de procès verbaux, de résultats d'investigations et d'articles du fameux journal, est heureusement enrobée par la voix du narrateur qui fluidifie l'ensemble dans un court mais judicieux texte. De toute façon, et en dépit d'une certaine sécheresse de l'écriture, le personnage de Katharina Blum et ce qu'elle subit est si poignant et si attendrissant que l'empathie fonctionne d'emblée ; et ce n'est pas l'aspect clinique de l'ensemble qui viendra à bout de la volonté du lecteur.

      Outre cette mise au point avec la presse de caniveau, Böll aborde maints thèmes : celui de l'interprétation d'un fait ou d'une phrase ; le thème du harcèlement sexuel constamment présent dans toute société dite civilisée ; et le thème de la probité exemplaire, de la droiture de vie qui devient à force soupçonneuse par tant de suspicieux.

      Devant une presse à scandales qui déverse sa boue, Heinrich Böll répond avec intelligence mais sans manichéisme, juste avec la morale qui sied à tout bon peuple souhaitant vivre avant tout en bon entendement avec autrui. Un livre original, un livre aux messages forts, un livre à lire !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire