28 avr. 2020



HAÏKU   Partie CVIL

°°°°°°°°°

confinement -
jardin d'enfants
plus de bruits de balançoires


confinement -
je voyage partout
dans mon appartement


confinement -
seul paradis accessible
mon balcon fleuri


jamais seul
toujours heureux
sous le regard des livres


Venise sans gondole
folle farandole
des rats


27 avr. 2020


" Rama tome I et II "   de Arthur C. Clarke & Gentry Lee (tome II)   17/20


      2130 sur Terre, la communauté scientifique localise un objet spatial atypique parcourant le système solaire, telle une comète. Il s'agit d'un long cylindre d'une perfection géométrique, d'une longueur de 50 kilomètres et d'une largueur de 20. Ce tube gigantesque progresse à une vitesse de 100 000 kilomètres par seconde en direction du soleil. Surnommé Rama, cet artefact engendre une immense stupéfaction, puis suscite une vive curiosité. Dès que possible, une équipe de divers spécialistes s'envole à bord du vaisseau d'exploration Endeavour afin de tenter de mettre des réponses sur les innombrables questions soulevées par cet objet extraterrestre.
      Volontairement, j'arrête là mon résumé, car tant de surprises attentent le lecteur qu'il serait stupide de tout déflorer bêtement.

      Avec un talent digne des plus grands, Arthur Clarke aborde la confrontation entre l'humanité et une technologie née en dehors du système solaire. Avec cette oeuvre majeure, l'auteur provoque maintes interrogations : Qui sont les Raméens ? D'où viennent-ils ? Quelles sont leurs intentions ? Pourra-t-on se comprendre quand une telle différence de technologie nous sépare ? L'espèce humaine est-elle en danger ? Doit-on se préparer à combattre ?

      D'emblée, l'un des points forts du roman est l'attitude de chaque individu face à l'inconnu, face à l'inappréhendable. Chacun réagissant à l'aune de ses peurs, de ses croyances, de ses espérances ou de ses certitudes. Le miroir que nous tend l'artefact extraterrestre en dit beaucoup sur l'homme ; dans l'absolu, ce miroir révèle tout : toute la noirceur et toute la beauté intrinsèque du coeur de l'homme. Pourquoi sommes-nous donc si immature face à l'étranger, face à l'ignoré, face à l'altérité, ou à plus forte raison, face à l'ultime révélation ?

      L'autre force du roman est de ne pas tout révéler, certes certains mystères s'éclairciront, mais d'autres resteront résolument dans les profondeurs glaçantes de l'espace. Dès lors, à chaque lecteur d'extrapoler sa propre théorie à partir des éléments donnés. Pour les plus impatients, deux suites sont parues qui closent la tétralogie.

      Naturellement, Arthur C. Clarke met sur la table le sujet incontournable de la religion. Quand l'homme se retrouve devant un problème inédit, il y a toujours quelqu'un pour mettre du mystique dans l'incompréhensible. Comme si Dieu était la réponse à tout, une sorte de couteau suisse ou de produit miracle (c'est le cas de le dire !).

      A noter la délicate et cruciale psychologie de chaque protagoniste qui vient intelligemment universaliser le propos dans une communion sociétale.

      A la fois incroyable, mystérieux et hypnotique, Rama vous garantira un dépaysement complet, et vous interrogera sur vos propres sentiments face à l'indéterminé.


23 avr. 2020

" La mort du roi Tsongor "   de Laurent Gaudé   19/20



      Quand un vent sauvage emporte tout.

      A Massaba, grande ville d'une Afrique ancestrale, le vieux roi Tsongor, fondateur d'un puissant empire, s'apprête à vivre le plus beau jour de sa vie : les noces de sa fille Samilia avec le Prince des terres de sel. Malheureusement, venu le jour béni des fiançailles, un deuxième prétendant vient réclamer la main de la belle, conformément à une promesse inoubliable que lui avait fait Samilia encore enfant. De surcroît, chacun des deux jeunes hommes s'est entouré d'une redoutable armée, et menace de la jeter sur la ville de Massaba en cas de non-satisfaction de leur demande. Que va décider le roi Tsongor ?

      Navigant avec dextérité entre mythe et légende, Laurent Gaudé s'inspire du récit d’Homère sur la guerre de Troie, pour nous offrir une réécriture de la fatalité de la guerre. De tout temps, et encore aujourd'hui malheureusement, l'Homme, habité par un ego et un orgueil immodérés s'est plu à idéaliser la guerre, à la voir, non pas comme une suite d’atrocités innommables, mais comme un dessein nécessaire pour clarifier les choses, pour s'affirmer en tant que dominant, quel affreux sophisme ! Laurent Gaudé décrit avec précision le cycle ininterrompu de la violence et de la vendetta. Les liens claniques doublés du désir de venger les morts des batailles précédentes éloignent d'autant plus les raisons initiales du premier combat. Une spirale de fureur sans fin s'amorce, couvrant les plaines de sang, elle ne pourra s'achever que par le néant.

       Laurent Gaudé déploie tout un univers imaginaire en rassemblant de sérieuses références : Hélène de Troie, le parcours d'Alexandre le Grand, le traitement des Rois morts en Egypte, l'affrontement des armées dans l'Iliade, toutes ces références permettent à l’auteur de souligner les registres tragiques, épiques et universels de son histoire.

      Le dilemme intérieure de Samilia, relève encore plus le niveau de la tragédie, il prend ses racines dans une enfance oubliée pour resurgir au pire moment. Avec toute son innocence, Samilia ne peut se résoudre à décider, aucun choix ne peut-être le bon. Chacun ne peut entraîner que le malheur et la destruction. Par ce personnage de Samilia, Laurent Gaudé rend hommage aux plus grandes tragédiennes mythiques de l'histoire de l'antiquité, d'Antigone à Médée.

      En dehors de tout son pan guerrier, La mort du roi Tsongor est aussi une fable sur la difficulté de transmettre l'héritage paternel d'une vie. En effet, beaucoup des enfants de Tsongor, trop avides de pouvoir et d'honneur, verront leur fabuleux héritage se muer en apocalypse. Comme-ci, fidèle aux grandes tragédies de l'histoire, les enfants sont condamnés à payer les fautes de leurs parents. 

      Comme dans tous ses romans, la plume de Laurent Gaudé est fluide, les mots tombent juste et les phrases oscillent autour de l'univers poétique.

      La mort du roi Tsongor est une oeuvre qui interroge puissamment, une oeuvre implicitement universelle, une oeuvre assurément indispensable !



19 avr. 2020

Visite du jardin printanier.


Partie 3


Acte de naissance des bébés feuilles de châtaignier.



Puis des feuilles de noisetier.



Et enfin, des feuilles de chênes !



Bébés carottes en prison !



Y a une bêêête dans le jardin !



Oh... la revoilà !



Divines fleurs de bourrache.



Petites fleurs de choux raves !



Ail des ours.
Tout se mange, des fleurs aux racines.



Acte de naissance du premier artichaut !



Justement, sous l'artichaut,
cherchant un point chaud,
la menthe sortant du terreau !



Qui c'est qui m'a collé un poulet rôti ?
Bah... il y a quand même un rapport avec le jardin : Regardez, il y a des tiges de romarin !



Duo d'iris.
Des amoureux ?



Poussant dans le sous-bois,
la grande pervenche.



Toutes au garde-a-vous !
Les clochettes.



Lumière crépuscule,
au-dessus du jardin.



Qui c'est qui va bientôt déguster des belles fraises !
C'est pas vous !



Trop pressées de voir le jour,
les chaumes des rates,
euh... les pommes de terre bien sûr !



Triptyque printanier :
Ail des ours, clochettes
et muguet.



Explosion d'inflorescences !



Je ne m'en lasse pas,
et encore pauvre de vous,
vous n'avez pas son parfum.



Pommier au soir couchant.



Trônant au fond du jardin,
l’impassible Bouddha.


A plus !


16 avr. 2020

" Requiem pour une révolution "   de Robert Littell   18/20



      Quand une utopie légitime débouche sur une tragédie absolue !

      Ayant immigré adolescent à New York pour fuir les pogroms de sa Russie natale, Alexander Til, un jeune idéaliste, n'a qu'une envie depuis sa rencontre avec Trotsky : retourner à Petrograd pour participer au mouvement révolutionnaire bolchevique, avec l'espoir, chevillé au corps, de voir enfin, après le temps des tsars, son pays se métamorphoser en une société égalitaire.
      A son grand désespoir, il sera le témoin épouvanté des abominations perpétrées au nom d'une cause si juste.

      Tout au long du roman, le souffle de l'épopée historique fait plier ou se coucher chacun des protagonistes. Débutant en 1917, le récit courre jusqu'en mars 1953, date du décès de celui qui fut le responsable de la mort de plusieurs millions de soviétiques.

      L'intelligence du roman est de mettre en opposition deux jeunes hommes idéalistes, amis et si semblables au début, et qui, petit à petit vont s'éloigner irrémédiablement l'un de l'autre. Le premier étant Alexander Til : ayant lutté des années durant au coeur des syndicats américains, il s'embarque dans l'aventure révolutionnaire avec le dessein d'y bâtir une société plus humaine où chacun pourrait s'exprimer sans risquer sa vie. Devant le spectacle horrifiant qui naît de la révolution, même s'il essaie d'y croire jusqu'au bout, il ne peut accepter l’inacceptable et s'engage sur la voie risquée de la contre-révolution. Atticus Tuohy, lui, à moins de scrupules, il a soif de pouvoir, de surcroît ses instincts criminels peuvent enfin s'exprimer en toute liberté. Dés lors, il conçoit aisément qu'un homme comme Staline n'hésite pas à sacrifier des millions d'individus pour se faire respecter et obéir afin de transformer cette nation en grande puissance mondiale. Atticus reniera ainsi ses principes moraux et idéologiques, sacrifier sur l'autel d'un réalisme vénal et d'un désir hégémonique.

      Éternel combat entre l'utopie et le réalisme. Avoir des idées humanistes est magnifique, cependant, les mettre en application, compte tenue de l'insatiable vanité des hommes, relève du fantasme le plus inatteignable.

      Pas le temps de s'ennuyer, Robert Littell fait tourbillonner l'Histoire, conviant à sa danse macabre tous les grands noms de l'époque : Lénine,Trotsky, les Romanov, Staline, Béria, Khrouchtchev, etc. Certes, il prend deux ou trois liberté avec l'Histoire, mais c'est pour lui faire de beaux enfants. L'auteur utilise un procédé littéraire consistant, au début du roman, à réunir de nombreux protagonistes dans une habitation du vieux Petrograd, puis, au fil des mois et des années, ces personnages vont être amenés à se revoir pour le meilleur ou le pire, cette structure permet de tisser une toile idéale pour faire progresser l'intrigue dans un cadre bien défini.

      Requiem pour une révolution est un roman qui fait réfléchir sur ses convictions profondes. Peut-on et doit-on rester fidèle à ses principes, ou, dans la distorsion qu'amènent le réalisme du quotidien et ses propres envies, a-t-on des excuses à se laisser corrompre ?



13 avr. 2020




HAÏKU   Partie CXLIII

°°°°°°°°°

confinement - 
les fleurs sauvages
personne pour les voir


- covid 19
 la cour de l'école
sans aucun bruit


ciel de pluie
confinement
ciel tout bleu


confinement - 
la rue s'est vidée
le congélateur aussi


journée de soleil
sourire d'amis au téléphone
puis les morts du 20 heures


confinement -
je voyage partout
dans mon jardin


11 avr. 2020

" Dans la nuit Mozambique "   de Laurent Gaudé   16/20



      De tous temps dans le monde, il n'y a que la folie des hommes.

      C'est un recueil de quatre nouvelles que nous propose cette fois Laurent Gaudé. Certes, de qualité inégale : la deuxième m'a profondément ennuyé. Cependant, elles nous offre une idée du vertige que subissent des hommes qui, sur le chemin tortueux de leur vie, se retrouvent bousculés par ce qu'ils ne peuvent maîtriser : une force plus grande qu'eux qui ne leur laisse pas de répit. Ces vents contraires dépoussiéreront leurs âmes torturées pour les faire naviguer jusqu'au bout de leurs retranchements. Seule la mort, dans un ultime et diabolique ricanement, pourra leur concéder une paix libératrice.

      Grâce à une écriture au scalpel, Laurent Gaudé insuffle dans ses récits à la fois un désespoir insondable et une énergie inaltérable. Voltigeant autour des thèmes de l'amitié, de l'amour, de la nostalgie et de la violence dissimulés en chacun de nous, il met les mains dans le mystère de nos vies, grandement abîmées par les crocs d'un destin carnassier.

      Toutes les histoires, à l'exception d'une (celle qui me laisse froid) tournent autour du voyage et de ce continent envoûtant et mystérieux : l'Afrique, terre rédemptrice pour âmes perdues.

      Même si tous ses romans possèdent une face cruelle et cauchemardesque, Laurent Gaudé sait nous séduire par sa magie des mots, ceux qui nous font voyager, ceux qui nous font oublier.


10 avr. 2020



HAÏKU   Partie CXLII

°°°°°°°°°

printemps 2020 -
sur le banc au soleil
plus d'amoureux


dans les rues
partout dans la capitale
le bruit du silence


confinement -
seules les fleurs du poirier
sont de sortie


au carrefour
feu vert
aucune voiture


tout autour de nous
les pépiements d'oiseaux
- émerveillement



7 avr. 2020

Visite du jardin printanier.
Partie 2



Tout l'art floral du prunellier.



Deux poireaux et une flopée de topinambours... une soupe en perspective !



Lamier blanc au petit matin,
attention à la confusion avec l'ortie !



Quand le muscari joue à cache-cache !




Naissance des tout premiers radis.




Bruyère d'hiver sous le soleil printanier.




Brrrrrrr...! Gelée du matin sur le persil, la consoude et la menthe.



Éclosion des fleurs de poirier
sur fond de lacis bleu.



Les mêmes qui nous scrutent !




Splendeur de la plante la plus dynamique du jardin : la consoude !




Course vers le ciel du photinia !




Maman sapinette et ses deux gamins !




Au crépuscule, le blanc de l'Alysse, encore plus blanc !



Pas de temps à perdre pour les échalotes : on pousse et c'est tout !
Et silence dans les rangs !



Myosotis du soir, avant la nuit noire !



Un vieux pissenlit aux cheveux blancs !




A l'ombre du sureau, la vie est si douce.




Bouquet final de narcisses à l'aube.

A très vite !

" L'usine à lapins "   de Larry Brown   17/20



      Si les paysages glacés, les personnages cassés et losers hauts en couleur du film de Joël Cohen : Fargo, vous ont séduits, ce livre est pour vous.

      L'histoire se déroule dans les environs de Memphis, dans le Tennessee, lors d'un décembre hivernal, où, dans un chassé-croisé sans élégance, toute une flopée de protagonistes vont être confrontés à leur névrose et leur addiction, quand ce n'est pas à leur folie et leur perversion. Dans un ballet désespéré, chacun s'efforcera d'exister à travers la drogue, l'alcool, la clope... et naturellement le sexe. Tous sont issus d'un passé difficile, voire abject, tel Domino, abandonné bébé dans une poubelle, puis utilisé comme objet sexuel par la femme qui l'adopte. Toute cette faune de paumés tentera de s'extraire des méandres noirs de sa condition, mais hélas, ce sera pour plonger encore plus bas, comme le stipule la loi de Murphy : Tout ce qui susceptible d'aller mal, ira mal.

      Malgré le parcours malheureux et déprimant de ses personnages, Larry Brown, grâce à une plume dépouillée, parvient à nous les rendre attachants. Nonobstant le lourd poids de la solitude et des désirs inassouvis, il marie avec élégance le tragique et le violent à l'agréable douceur de tendres possibilités.

      Et quelle belle place laissée aux animaux de tout poil : des chiens, une baleine et son baleineau, un cerf, un chat, etc. Chacun est là pour faire ressortir un trait de caractère de l'un des personnages : l'amour, l'espoir, l’incompréhension, l'abnégation, l'envie. Grâce à cette ménagerie hétéroclite, une humanité se redessine en filigrane, le chaos peut encore attendre, tout n'est pas irrévocablement avarié.

      Le livre est découpé en 100 chapitres d'une longueur inégale, certains peuvent se limiter à 6 lignes, d'autres à 6 pages. L'ensemble forme une partition intelligemment mis en scène à l'équilibre aiguisé. De surcroît, il donne un magnifique et terrifiant exemple de l'effet papillon, celui qui à partir d'un simple et insignifiant petit incident engendre dans sa foulée une suite inimaginable de conséquences.

     A noter que ce roman possède une bande son des plus remarquables, de nombreux personnages s'entourent d'univers musicaux allant du country au blues et brossant les années 50, 60, 70. Ainsi, il convoque pêle-mêle Neil Young, Hanks Williams et Merle Travis. Une putain de vraie bande musicale vous dis-je !

      Malgré ces personnages aux rêves fourvoyés et aux âmes perdues, L'usine à lapins est un roman profondément humain, où des hommes et des femmes n'en finissent pas d'expier des fautes qu'ils n'ont pas vraiment commises. Inévitablement, chaque lecteur finira par s'identifier à cette humanité égarée. Une humanité pas très glorieuse, mais tellement universelle.