31 juil. 2020



" Peste et choléra "   de Michel Deville   17/20




      Dans un style sans fioriture mais à la plume affûtée, Michel Deville déroule sous nos yeux ébahis, la vie d'Alexandre Yersin, l'homme qui isola en 1894 le bacille de la peste, puis élabora le vaccin. Né en 1863, il fait partie des jeunes chercheurs constituant la première équipe de Pasteur. Après avoir consacré plusieurs années à la recherche et découvert, avec Emile Roux, la toxine diphtérique, Yersin se voit pousser des ailes. Cet homme à la bougeotte, rien ne l'ennuie plus que de passer sa vie avec des éprouvettes ; il a 27 ans et le monde l'appelle ; il a l'âme d'un explorateur. Ainsi, il s'embarque à Marseille sur l'Oxus, en tant que médecin de bord, direction l'Extrême-Orient. Il construira une communauté scientifique en Indochine à NhaTrang. Cet homme, curieux de tout, se passionnera pour l'aviation, la botanique (cultivant sérieusement hévéa : l'arbre à caoutchouc), l'architecture, l'agronomie, la météorologie, etc. Ce touche- à-tout de génie saura transformer en biens pour l'humanité tous ses multiples centres d’intérêts.

      De surcroît, ce médecin, marin et scientifique insatiable, est un esprit libre et foncièrement anticonformiste. Insensible aux honneurs, il est rétif à toute contrainte sociale et fuit tout ce qui touche à la politique. Ce curieux de tout n'aspire qu'à une seule chose : vivre en anachorète, loin de la fureur du monde.

      Avec un tel parcours, Michel Deville s'amuse à entrecroiser les chemins en tous sens pour nous donner une idée de la richesse et de l'ampleur de la vie de ce génie original que l'Histoire jusqu'à aujourd'hui a décidé de laisser aux oubliettes. Et ce n'est pas Yersin qui s'en plaindrait, l'essentiel pour lui comme pour l'auteur est de vivre pleinement sa vie, lui, en aura vécu mille.

      Avec intelligence, Michel Deville garde en toile de fond la première moitié du XXème siècle avec ses lourdes tragédies humaines, pour venir y coller les différentes vignettes d'un homme d’exception, nous chevauchons ainsi dans l'espace et dans le temps, au gré des humeurs et des désirs de Yersin.

      Peste et choléra est la description d'une époque révolue où tant de choses étaient encore à découvrir. Roman protéiforme : dépaysant comme un Louis Stevenson, scientifique comme un Jules Verne, érudit comme un Mattias Enard et humaniste comme un Victor Hugo.


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