" Les Naufragés de l'île Tromelin " de Irène Frain 14/20
Au soir du 31 juillet 1761, L'Utile, un navire français de commerce transportant une cargaison clandestine d'esclaves, crève sa coque sur les récifs de corail d'une minuscule île perdue dans l'océan indien. Sur ce petit bout de terre, incessamment battu par des déferlantes et harcelé par des ouragans, devront cohabiter les rescapés blancs et noirs. Mené par le premier lieutenant, un homme habile et brillant, Barthélémy Castellan de Vernet, les naufragés ne tarderont pas à construire un bateau de fortune pour regagner la côte de Madagascar. Cependant, l'embarcation est bien trop petite pour emmener tout le monde. Castellan jure solennellement aux esclaves, que l'on n'embarque pas, qu'il va revenir les chercher.
En 1775, soit quinze ans plus tard, il ne reste que huit survivants ! Pourquoi Castellan n'est jamais revenu ? Que s'est-il passé sur ce bout de terre pendant tout ce temps ? Et pourquoi les autorités françaises n'ont rien fait pour les sauver ?
En s'appuyant sur ce tragique fait réel, Irène Frain expose les tenants et les aboutissants d'un dramatique naufrage, qui, en son temps, eut un singulier écho en raison des scandales humains et financiers que l'affaire souleva. D'ailleurs, le mathématicien, philosophe et homme politique Condorcet, révolté par l'ignominie de cette tragédie, engagera les prémices d'un combat pour l'abolition de l'esclavage, finalement votée le 4 février 1794.
Afin d'en faire une vraie oeuvre littéraire, Irène Frain s'est longuement imprégnée d'archives, de récits et documents d'époque, ainsi que le résultat de recherches archéologiques menées par Max Guérout en 2006. Cela dénote un long et fastidieux travail de reconstitution, qui certes, alourdit certains passages, mais qui révèle tous les dessous d'une catastrophe évitable. Seulement voilà, la bassesse de la cupidité, la volonté du paraître liées à la négation de l'homme noir créent un creuset où tous les ingrédients sont là pour qu'un drame surgisse.
Assurément, l'altérité éloigne, cependant, sous le joug d'une nature extrême, quand les conditions de vie sont là pour niveler la différence entre hommes blancs et noirs, le plus beau cadeau au monde naît de la découverte de la fraternité humaine. En effet, quand le dénuement arase les dissemblances, il n'est plus question de couleur de peau, mais de solidarité dans un véritable esprit de corps.
Petit bémol concernant la plume, hormis des mots ou expressions qui n'existaient pas encore à l'époque, comme : catamaran ou un bleu, la tournure des phrases surprend par leur circoncision abrupte ou par leur tournure.
Malgré les défauts inhérents à la volonté de tout dire, tirant donc plus du documentaire que du roman, Les Naufragés de l'île Tromelin est un livre poignant et foncièrement inoubliable.
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