Elles sont toutes là ces graines ; à peine déposées dans le sillon de la vie ; à peine germées ; à peine sorties du monde de l'enfance ; à peine le temps d'apprendre un métier ; à peine le temps d'avoir les mains calleuses ; à peine la joie d'apprécier les distractions du dimanche avec ses premiers amours ; même pas le temps de se douter du traquenard qui les attend. Ces beaux plants humains ne se doutent pas du soc de la charrue qui avance vers eux sous les feux de l'été ; ils ne se doutent pas qu'ils vont être découpés, démembrés, broyés, retournés à la terre, par la volonté folle de petits-fils d'une famille royale qui tiennent les rênes de la faucheuse.
Voilà résumée l'effroyable introduction que nous propose Eric Vuillard dans cet essai sur la première guerre mondiale. Comme à son habitude, il décentre le propos, il décale l'objectif, n'hésitant pas à s'emparer de personnages historiques ; empereurs ou terroristes pour redessiner la courbe du tragique, de la haine et de l'absurde. Il redéfinit ce qui fut le premier massacre industriel de l'humanité. Malgré un Occident pétri d'art, de littérature et de science, la bêtise et l'arbitraire triomphent sur le dos d'une jeunesse tout juste sortie du moule, d'une jeunesse sacrifiée sur l'autel de l'inintelligence la plus criante.
Ainsi, dans un style travaillé, l'auteur cherche à comprendre les raisons de ce suicide collectif, son ambition est louable, mais fait l'impasse sur tellement d'autres éléments que j'ai eu l'impression d'une ébauche de travail, parfois il prend de grands détours pour revenir à son sujet initial, cette dispersion aurait été envisageable sur un essai beaucoup plus long, mais l'ensemble faisant moins de 180 pages, le travail semble inachevé. Dommage.
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