18 nov. 2024


" Le ministère du futur " de Kim Stanley Robinson   13/20

      Les Nations Unis établissent une nouvelle agence à Zurich en 2025 ; son objectif : prendre soin des générations à venir et protéger toutes sortes de vie sur Terre, sans oublier leur biotope. Un seul nom pour cette agence dédiée à l'avenir : le Ministère du Futur. Mary Murphy, une irlandaise, est désignée pour en prendre les rênes. Mary est une femme à la fois forte et diplomate. Cependant, comment faire plier ou obéir les maîtres du monde que sont les financiers, les PDG des multinationales, les producteurs d'énergie fossile, les puissants lobbys industriels, etc ? Une question vient vite la taroder : sera-t-il nécessaire d'employer des moyens à la limite de la radicalité ?
      Afin d'éviter l'effondrement de nos sociétés, l'humanité saura-t-elle emprunter le chemin de la sagesse, celle d'une coopération intelligente ?

      Attention, ma critique risque de divulgâcher un peu trop l'intrigue, néanmoins, je ne vois pas comment faire autrement.

      S'il est un roman au sujet brûlant, sans vouloir faire de jeu de mot, à l'heure où les catastrophes climatiques se multiplient, celui-ci en fait partie. Kim Stanley Robinson s'empare du risque de voir disparaître l'humanité pour écrire avec une rigueur scientifique et une imagination débordante les défis écologiques auxquels nous sommes déjà confrontés. Ce roman aux allures faussement dystopiques vire peu à peu dans un méli-mélo de solutions quelque peu contreversées, voire utopiques.

      Dès l'incipit, le ton est donné : de nos jours, l'Inde subit une canicule inédite faisant 20 millions de morts. Un seul survivant : Franck May, il en gardera une haine farouche envers toutes les personnes qui vivent comme-ci tout allait bien. Dès l'instant où il parvient à rentrer en contact avec Mary Murphy, de façon maladroite, celle-ci n'aura de cesse de bousculer le statut-quo mondial. L'auteur développpe alors des principes essentiels, plus techniques, pour nous faire comprendre les réticences et les grippages de la machine-économico-mondiale. Il dénoue les rouages, un peu complexe, fait proliférer les explications, qui, soyons honnête, trouveraient idéalement leurs places dans un essai.

      A la façon d'un roman choral, plusieurs voix se croisent, racontant des tranches de vie bousculées par le réchauffement climatique. Certaines viennent de nul part, pour repartir aussitôt. J'aurais souhaité quelles aient plus d'ampleur et de ramifications ; elles ne sont que de bref passage, trop court pour faire naître de l'empathie.

      L'auteur semble timide pour évoquer l'écoterrorisme, apparamment seule voix envisageable pour faire plier le capitalisme. Peut-on faire changer le monde sans se salir les mains ? Assurément non. Comment faire autrement ? L'idée est bouclée et bâclée en quelques phrases disséminées ici ou là. Ce sujet demandait de vraies chapitres, de forts questionnements, de mettre en balance toute la vie sur terre face à un capitalisme anthropophage et ostracisant.

      L'une des parties les plus intéressantes du roman sont les solutions proposées : la monnaie carbone, la création de vastes zones consacrées au réensauvagement animal, les pompages sous les glaciers pour freiner leurs disparitions, les mises en oeuvre de lacs dans le désert, à force de pompages de l'eau de l'océan, la mise en place de toute une flotte de bâteaux de transport propulsée par l'énergie solaire et par la voile, etc. D'ailleurs la scéne, heureusement assez longue pour une fois, du voyage en aérostat, m'a enchantée, me rapellant mes jeunes années Jules Verne.
      
      L'un des problèmes crucial de crédibilité du roman, vient d'une baisse drastique de la démographie mondiale. En effet, en l'espace de 30 ans, l'humanité passe de 8 milliards d'habitants à 2 milliards, où sont passés les 6 milliards manquants ? Aux oubliettes du temps ? Mis à part quelques millions de morts dus au dérèglement climatique, pas de trace de décès en masse, rien, nada ! Une telle chute de la population sans une once d'explication relève de la faute grave vis à vis de ses lecteurs, voire du mépris. Ainsi, ici ou là, le récit est constellé de beaucoup de blancs (notamment sur le passé douloureux d'Art, dont on ne saura rien), laissant sûrement le soin à son lectorat de les combler avec sa propre imagination. Cela peut plaire à certains, moi, cela me contratrie. J'ai besoin d'un minumum de rationalité, est-ce trop demander ?
      
      Quant à la plume de l'auteur, elle ne fait pas d'exploit,  frisant souvent le service minimum, j'aurais apprécié une écriture plus riche, plus ample. Amateur de littérature, passez votre chemin.

      En résumé, mis à part mes nombreux bémols, ce texte nous balade, après pléthore de divagations, du plus ténébreux pessimisme à l'espoir le plus inespéré.

      Personnellement, j'estime que Kim Stanley Robinson est un écrivain d'un optimisme surprenant. Peut-être faut-il garder, envers et contre tout une porte de sortie. Néanmoins, pourquoi vois-je à ce point le monde en noir ? Serais-je trop réaliste ?

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