" Les âmes féroces " de Marie Vingtras 16/20
Bienvenue à Mercie, cette ville de 4000 âmes, perdue dans un recoin des Etats-Unis. La vie y est paisible, presque endormie ; aucun drame ne vient ternir sa réputation de sérénité. Pourtant, un jour de printemps, sa légendaire quiétude va être mis à mal : le corps sans vie d'une jeune fille de 17 ans y est découvert, les jambes immergées dans la rivière coulant aux abords de Mercy. Le shérif de la localité, une femme aux allures hommasse, commence ses investigations, sous le regard critique de l'un de ses adjoints et du maire...
Marie Vingtras tisse son récit sur un an. Au rythme des saisons, quatre protagonistes (deux hommes et deux femmes) très proches de la victime, détricotent les mailles du passé, prenant conscience des évènements, parfois insignifiant, qui ont permis à l'horreur de surgir là où rien n'aurait dû venir semer le trouble. Utilisant la forme du labyrinthe littéraire, l'autrice réussit l'exploit, par l'intermédiaire d'une construction habile et d'une plume agile, de ne pas nous perdre entre ces destinées meurtries par ses propres désirs et les inévitables pressions sociales.
Grâce à sa fascination pour la culture et la littérature anglo-saxonne, Marie Vingtras ne pouvait placer son histoire autrement qu'aux Etats-Unis, dans une petite ville isolé de tout. Dans ce huis-clos en extérieur, son récit y prend plus de force, plus de frustrations y naissent, plus d'ostracisme s'y déploie (Toute ressemblance avec l'Amérique de Trump n'est pas fortuite). Qu'ils le veuillent ou non, les personnages sont prisonniers de leurs mensonges, de leurs rancoeurs, de leur non-dits ; leurs instincts de survie fera le reste.
Naturellement, l'enquête policière passe au second plan devant le portrait psychologique sans fard d'une ville et de ses habitants, dont les narrations ternissent peu à peu la douceur de vie spécieuse d'une communauté apparemment sereine. Ainsi, Marie Vingtras nous offre une représentation de la nature humaine dans sa rudesse parfois violente, poignante et insoumise. On a constamment de bonnes excuses pour faire ce que l'on fait, mais chacun voit le monde à l'aune de son passé, de son déterminisme social. La vérité est toujours infiniment multiple. De ce fait, l'autrice nous tend un miroir en recherche d'humanité, car ses âmes féroces, ne l'oublions pas, ce sont également les nôtres.
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