" Adieu Kolyma " de Antoine Sénanque 14/20
La révolte hongroise de 1956 est écrasée par les chars russes. En 1957, Budapest panse ses plaies et enterre ses nombreux morts en maudissant l'innommable dictature russe. Dans cette ville meurtrie vit Sylla Bach, une ancienne survivante du goulag de la Kolyma, en Sibérie. Elle y a passé neuf années de détention et fut le bras armé des frères Vadas. Par la force, la corruption et le meurtre ils sont devenus chefs de gangs transylvaniens. Depuis, ils règnent en maître absolus sur l'extraction de l'or dans des mines situées dans cette région inhospitalière en Sibérie. Maintenant, Sylla travaille paisiblement le cuir aux côté de Varlam, un vieux bolchevick idéaliste. Cependant, la nuit, elle rôde, toujours en alerte. Elle sait que rien n'est définitif, que son passé peut remonter à la surface et venir menacer la seule personne qu'elle aime au monde : Kassia.
La fonction de ce roman est de nous rappeler les atrocités que vécurent les prisonniers des goulags du temps de Staline. Un rappel toujours utile pour mieux appréhender le monde actuel. Ainsi, l'auteur nous décrit, sans rien édulcorer, d'une part, la violence d'un régime politique inhumain et d'autre part, il nous parle de ces mafias des pays de l'Est qui s'autorisent toutes sortes d'abjections, comme dans une incessante danse avec le diable. La toile de fond est si prégnante par son abomination froide, qu'à mon regard, elle laisse l'intrigue (pas si facile à suivre) deux pas en arrière, estompant les protagonistes derrière une nébulosité marmoréenne. Néanmoins, Antoine Sénanque donne corps à tous ses protagonistes, aucun n'est laissé pour compte, chacun à sa propre logique, certes complexe, avec en totem, chevillé au corps, cette nécessité absolue de tout tenter pour survivre à la dureté de l'environnement, qu'il soit politique, capitaliste ou physique. Aucun remord ne prévaut, toutes les trahisons sont justifiées, même si elles visent son propre frère.
En personnage sans visage se dessine une sinistre Sibérie où un froid glacial domine toute chose, obligeant les prisonniers à travailler jusqu'à des températures flirtant avec les -50°. La faim, le froid et les mauvais traitements auront raison de 300 000 hommes et femmes rien qu'à la Kolyma. Une horreur sans nom voulut par le régime politique de l'U.R.S.S.
Les descriptions de scènes innommables sont tellement saisissantes, qu'elles restent imprimées dans nos mémoires de lecteurs. Naturellement, en filigrane apparaît Les récits de la Kolyma de Varlam Chalamov, dont l'auteur s'est ardemment nourri. D'où un personnage se nommant ainsi.
Ce roman est un monstrueux drame shakespearien s'articulant au cœur d'une terre glaciale, hantée par la tragédie (éternelle) de l'Histoire de l'URSS.
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