" Plonger " De Christophe Ono-dit-Biot 13/20
Une femme est retrouvée nue et morte sur la plage d'un pays arabe. Elle s'appelait Paz, était une photographe réputée et incroyablement douée. Elle était solaire, magnétique, irradiant de vie, mais aussi profondément et inexplicablement inquiète et angoissée. Trop à l'étroit dans son couple et dans les frontières de l'Europe, elle n'avait qu'un désir inexpugnable : se jeter dans les bras du monde entier, pour voir au-delà de l'horizon.
D'emblée on connait la fin, puisque le roman s'ouvre sur la mort de celle qui fera chavirer le coeur du narrateur : César. Celui-ci, abattu par la disparition de sa compagne, n'aura de cesse de rechercher la vérité sur la mort de Paz, pour lui, mais aussi pour son fils Hector.
Nos écrivain(e)s cherchent toujours un moyen pour renouveler les romans d'amour, sortir des clichés manichéens. En voici un, en partie insolite et baroque, qui à défaut d'être révolutionnaire, a au moins la vertu d'être dépaysant.
Fil rouge de l'histoire : Paz, cette belle asturienne, brune et bronzée, à la beauté sauvage. Elle gagne sa vie en photographiant des plages, mais sa carrière ne décolle pas vraiment. César journaliste d'art, l'aperçoit un soir chez un épicier arabe, subjugué par cette rencontre hasardeuse, il fera tout pour la revoir, d'où son article dithyrambique sur la dernière expo de Paz. L'artiste déçue par la vision du critique sur son oeuvre (aux antipodes de son ressenti), acceptera une première rencontre. Dès lors, toute la personnalité décalée et asociale de l'espagnole, cristallisera l'amour de César, qui ne rêvera que de la dompter.
Cette obstination (naïve ?) de César, l'amènera dans un premier temps à vivre avec elle, puis à avoir un enfant, mais malgré tout l'amour éperdu qu'il lui porte, une fêlure apparaîtra, un décalage inexorable se produira, la nature reprendra ses droits, des vagues de rages immergeront la belle sauvageonne, car sa vie présente l'étouffe, l'angoisse, l'insupporte. Bientôt elle partira loin, abandonnant compagnon et enfant, comme répondant à l'appel d'une force indicible, son destin est ailleurs... malheureusement.
César, ayant déjà parcouru le monde en long et en large pour son métier, et conscient de tous les dangers mortels qu'il recèle, tentera l'impossible pour la retenir, mais les obsessions libertaires et irrépressibles de Paz stériliseront toutes les volontés qu'aura César de la retenir.
Autopsie au scalpel de la vie d'un couple moderne, chacune des parties cherchera un bonheur qui a du sens, slalomant et se déchirant entre art et amour, espoir et désillusion, concession et liberté.
Portrait sans concession du monde actuel martyrisé par la violence de nos sociétés et l'impartialité de la nature.
Une ode à la vie sans frein, aux sacrifices nécessaire pour être soi.
Hymne à la liberté donc, mais aussi fable écologiste, remettant à l'honneur un animal si décrié à tort : le requin.
Cependant, j'aurais aimé que Christophe Ono-dit-Biot nous livre les secrets cachés de Paz, nichés dans son enfance, son adolescence. Car tous les tourments et les fêlures qui apparaissent au cours du récit ont forcement une source, une origine enfouies. Malheureusement le récit se clôt sans avoir amorcé les raisons profondes de ce mal être mystérieux, rendant le récit boiteux, non achevé. Dommage.
Idem pour les raisons qui font qu'elle abandonne la photo pour se consacrer à la peinture. Même son tatouage original, pièce maîtresse de reconnaissance dans le roman, dont l'auteur nous fait sentir toute l'importance aux yeux de Paz, n'aura pas une vraie explication, ni sur son origine, ni sur son sens profond. Re-dommage !
Puis, l'amour inconsidéré de Paz pour les requins me semble franchement excessif, frôlant la ligne de l'invraisemblance. Mais là aussi, aucune explication dans le roman.
Enfin, la narration soutenue et fébrile, du début de roman, devient plus étirée quand l'auteur aborde une longue séquence vénitienne interminable, heureusement, un second souffle né dans la partie finale en forme de requiem requin.
Bref, pour reprendre le titre du roman, il s'agit d'une plongée dans la vie tumultueuse du monde de l'art, d'une plongée dans les eaux chaudes des mers de sud, d'une plongée dans le vent décoiffant de la liberté sans frontière, qui, comme un écho sourd, lointain et persistant, résonnera longtemps aux oreilles du lecteur que je suis.
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