25 juin 2015


" Gatsby " de Francis Scott Fitzgerald   18/20


Été 1922, en pleine prohibition, Gatsby, un jeune multimilliardaire aux origines et aux ressources douteuses, organise des soirées somptueuses dans sa villa de Long Island. Tandis que le gratin new-yorkais s'enivre de ses cocktails de contrebande, s'entretient des derniers potins à la mode, profite d'un orchestre digne des plus grandes salles de concert, danse frénétiquement sur ses pelouses admirablement entretenues, Gatsby lui, debout sur le rivage de sa propriété, seul dans ses réflexions, n'a d'yeux que pour cette petite lumière verte qui scintille dans la nuit de l'autre côté de la baie. Mille personnes sont là, qui s'amusent comme des fous et des folles, et lui est esseulé, le regard droit, obnubilé par ce phare, comme un point de repère, une bouée, une espérance, une vitale raison de vivre.

D'où vient réellement Gatsby ? Pourquoi s'est-il installé là ? Pour quoi, pour qui cette fortune indécente ?

Le narrateur Nick Carraway, impliqué malgré lui dans cette quête romantique, va peu à peu percer le mystère. En même temps il prendra conscience de la cruauté ordinaire de ceux, chanceux, qui sont nés riches, de l'arrière-goût âpre des lendemains de fête, et de la volatilité des amours de jeunesse.

Nous sommes en août 1924 quand Francis Scott Fitzgerald âgé de 28 ans achève l'écriture de Gatsby, une histoire fortement alimentée par son expérience personnelle, car lui aussi a connu l'argent qui coule à flot, les fêtes somptueuses et la consommation outrancière de l’alcool de contrebande. Sans oublier une inadaptation viscérale de toutes ces personnes, venues de l'ouest comme lui, qui n'arrivent pas à exister sans tricher sur cette côte Est, si attirante, si particulière, si spécifique, si "inexpugnable".

Gatsby est un personnage entier, qui porte en lui une aptitude extraordinaire à l'espoir, amplifiée d'une vocation romantique si rare, si pure, si idolâtrée, que posée sur le sol chaotique de la vraie vie, elle n'est plus crédible, et se métamorphose en désolation, en perdition, en naufrage, puis inévitablement, en disparition totale. (Oui je sais, j'ai l'art de faire des phrases alambiquées, parfois une deuxième lecture peut s'avérer nécessaire, désolé, je ne suis pas maître de tout !)

Francis Scott Fitzgerald nous fournit une clé majeure de compréhension de Gatsby en avouant comme livre de référence le célèbre Satiricon de Pétrone, car Gatsby est une oeuvre satirique, la critique sociale y est féroce, et dieu merci, n'épargne personne, ni les richissimes snobs, habitants les quartiers huppés, ni les prolétaires du Queens, tentant petitement de survivre dans cette ville d'hystériques privilégiés. Les deux extrémités de l'échelle sociale sont loin d'être étanches puisque malgré le contraste flagrant des décors, l'hypocrisie est la même, ainsi que l'abus d'alcool, le vide des conversations, le racisme bête, les tromperies multiples et les apparences fallacieuses. Francis Scott Fitzgerald ratisse large, personne n'en sort indemne. Puis, à côté du lot, mais pas au-dessus, se place Gatsby qui incarne à lui tout seul une sorte de porosité des classes, puisque son passé est soumis à caution, et que sa richesse est manifeste. Formidable peinture d'une Amérique insolente, arriviste et décadente.

Satire certes, mais également un roman noir, un vaudeville, un roman d'amour, un roman d'apprentissage et une chronique de cette époque charnière, où plus rien ne sera comme hier.

L'action du roman qui se déroule en 1922, décrit en vérité un monde en mutation, plus rien ne sera comme avant, la société bouge, avance, avec la multiplication des automobiles, et celle non-moins importante de la réclame publicitaire (comme on disait à l'époque) qui investit toutes les surfaces libres. D'où un changement de décor fondamental sur les habitudes de vie. Le livre insiste sur l'automobile, tout y fait allusion, tel un fil rouge qui mine de rien nous conduirait le long de la route du roman ! La preuve ? Outre que la voiture s'immisce dans le nom de certains personnages (Carraway, Jordan, Baker), les accidents bénins ou graves voire mortels font florès, presque un par chapitre, le drame final est issu du fauchage de Myrthe par un bolide, son mari Wilson, est lui-même garagiste, etc...

Que je n'oublie pas la scène de l'enterrement, si poignante d’écœurement. Elle pose bien le problème de la reconnaissance, ou plutôt du manque total de reconnaissance, après la disparition de quelqu'un. Car tous ont profité des largesses, des fêtes, de la générosité d'un homme qui n'était surement pas d'une probité totale, comme tant d'autres hommes, mais quand celui-ci disparaît dans des conditions admirables de retenue, seules trois personnes sont présentes, les autres par pleutrerie, par indifférence, par ingratitude, ou par peur de salir leur réputation, préfèrent odieusement ignorer cette disparition.

Nonobstant tout cela, je ne résiste pas par espièglerie à évoquer un contraste paradoxal et troublant : une confusion de l'identité sexuelle des personnages. En effet, les femmes sont virilisées : Jordan Baker est décrite très mince avec une poitrine menue, à l'indépendance sociale et batifoleuse d'un homme ; Myrthe, la femme du garagiste, décide de tout, que ce soit de ses amours ou de ses finances ; Daisy s'habille d'une veste ornée de deux rangées de boutons de cuivre, comme un vrai militaire. En face de ces femmes, Tom s'affiche avec une tenue d'équitation, pour le moins efféminée, et Gatsby se vêt de rose. Ajouté à cela un comportement souvent cynique chez les femmes, alors qu'il faut reconnaître une sorte de romantisme prononcé chez les hommes. Quel amoncellement d'ambiguïté ou de modernisme affiché !

A sa sortie en août 1925, et malgré une critique dithyrambique, ce livre fut un échec commercial, vendu seulement autour de 21 000 exemplaires, alors que ces deux romans précédents battirent des records. Cependant, le temps passant, ce roman adapté deux fois au cinéma, se vend aujourd'hui à 300 000 exemplaires par an en Amérique !

Bref Gatsby, c'est l'histoire d'un homme qui ne s'enrichit pas pour une satisfaction personnelle, certes non, mais exclusivement pour reconquérir son amour perdu, dont il doit se montrer digne. Cependant les plus belles espérances ne sont que de simples espérances !

Un chef-d'oeuvre de la littérature américaine, une oeuvre rare, puissante, à la fois belle et simple, tirée au cordeau sur la perte des illusions. Un roman universel !



17 juin 2015


" Ma cousine Rachel " de Daphné du Maurier   18/20


En Angleterre, pendant l'entre deux guerres, Philip, enfant orphelin, fut élevé par son cousin Ambroise, un riche propriétaire terrien, dans un magnifique domaine des Cornouailles surplombant la mer. Un jour Ambroise décide de faire un voyage en Italie, visiter l'une de ses cousines, dont le premier mari est décédé après un duel d'honneur. Cependant le séjour à Florence s'éternise, non sans raison, puisqu'il finit par épouser cette même cousine prénommée Rachel. 

Sans la connaître, Philip déteste aussitôt cette maudite Rachel, qui le prive de son cousin pour lequel il nourrit beaucoup d'affection. Puis un jour, Ambroise lui apprend par courrier qu'il est souffrant, que mille maux l'assaillent, qu'il n'a plus de force, et surtout, qu'il soupçonne sa femme de vouloir l'empoisonner. Philip ne met pas sa parole en doute, et vole d'emblée au secours de son cousin vers le pays du soleil...

Quand on évoque Daphné du Maurier, aussitôt, comme un réflexe pavlovien, on cite Rebecca ou Les oiseaux, certes il s'agit là de grands roman et nouvelle, néanmoins, s'il y a une oeuvre qui mérite d'être hissée au même rang d'honneur, c'est bien Ma cousine Rachel. Malheureusement, elle reste toujours un cran derrière, comme si elle était issue d'un deuxième choix, bien péjoratif. 

Erreur ! Sombre erreur ! Inique erreur ! Ce roman révèle implicitement tout le talent de la célèbre romancière anglaise pour élaborer un suspens psychologique d'une rare intensité. Un bijou de maîtrise où rien n'est en trop, et c'est si rare de nos jours que je me permets de le souligner ici.

Un bon point pour cette écriture fluide et gracile d'où émane un parfum légèrement surannée, s'identifiant à une époque, une génération, si lointaine aujourd'hui. Et puis cette magnifique description de cette Italie des années 1920/30, cuite sous les rayons brûlant d'un soleil assassin. Je n'ai pu m'empêcher de la relier au Voyage en Italie de Stendhal. Le contraste abyssal avec les Cornouilles crée un relief saisissant de verticalité. 

Pour ceux qui connaisse Daphné du Maurier, on retrouve les lieux, les préoccupations, qui obnubile l'écrivaine : d'abord ses mythiques Cornouailles, région qui a toujours eu les faveurs de son coeur, avec cette grande bâtisse dressée à peu de distance d'une côte rocheuse qui laisse entendre les respirations de la mer, puis ces personnages autant naïfs que maladroits, cherchant à comprendre ce qui leurs arrivent, et qui, candides, agissent finalement en aggravant les choses.

En effet ce jeune Philip, ce jeune bêta de Philip devrais-je dire, après avoir décidé qu'il ne s’embarrasserait nullement de la partie féminine du monde, préférant se consacrer à ses terres et à son domaine, renie ce préambule et finit par rechercher un bonheur impossible auprès d'une étrangère issue d'un pays lointain pour l'époque, alors qu'à quelques lieues de chez lui, existe une belle jeune femme éperdue d'amour sincère pour lui, et que dans sa candeur ouaté, il ignore stupidement.

Naturellement le personnage de Rachel, haut en couleur, est magnifique et diabolique de machiavélisme, elle manipule tout son petit monde comme une reine, elle inonde tout le roman de son aura malsaine. Mais qui est-elle vraiment ? Ange ou succube ? Tous les personnages, même les deuxièmes couteaux sont admirablement bien mis en scène, ils contribuent à augmenter le mystère, à densifier propos. 

De toute évidence, Daphné du Maurier s'amuse de nous avec une ambiguïté distillée de main de maître : elle nous fait douter de tout, de Rachel, d'Ambroise, où est vraiment la vérité dans tout ce micmac de sentiments contraires ?

Bref, c'est une mécanique implacable, équivoque, d'une habileté démoniaque, qui peut rendre schizophrène le lecteur ; écrite par une femme au sommet de son art.  Et même en refermant le roman, certains douteront encore de ce qu'ils ont lu !



11 juin 2015


" La petite communiste qui ne souriait jamais " de Lola Lafon   13/20



Ce fut une révélation mondiale, aux jeux olympiques de Montréal en 1976, Nadia Comaneci par son audace, stupéfie d'abord les juges, puis le monde entier, ahuris de voir une athlète obtenir la note suprême de 10/10, à trois agrès différents. Pendant 4 ans, jusqu'aux jeux de Moscou en 1980, elle marquera de son empreinte indélébile la gymnastique féminine.

Les ordinateurs d'alors sont devenus fous, au point d'afficher la note de 1.00, au lieu de 10.0, une note impossible à obtenir à l'affichage, puisque pas encore paramétrée. Si Nadia Comaneci avait été jugée selon le barème des autres favoris au titre, avec sa grâce doublée d'une puissance incroyable pour une jeune fille de moins de 15 ans, elle aurait dû avoir une note supérieure au 10, ce qui était techniquement impossible pour les ordinateurs, et totalement inconcevable pour les juges.

A partir de faits historiques, d'article de journaux, Lola Lafon va reconstituer différentes périodes de la vie de Nadia Comaneci, celle qui révolutionna la gymnastique en la dépoussiérant d'un classicisme bien archaïque. Cependant il faut bien avoir en tête que pour atteindre ce très haut niveau, il faut endurer maintes souffrances pendant des années. Un travail de forcené, hautement rigoureux, inévitablement douloureux, que l'on pourrait qualifier d'obsessionnel.

Le roman se présente comme des tableaux successifs étudiants le parcours de cette remarquable athlète, en essayant avec plus ou moins de bonheur d'élucider les interstices laissés vacants dans la vie de la championne. Mais ce remplissage de blanc ne peut faire l'économie de la dimension politique du pays, qui au final, articule, englobe, puis emporte tout au passage, comme le vent de l'histoire, soufflant dans ces pages comme une quête de la liberté, de celle que l'on ne peut pas raisonnablement trouver, car trop éloignée des bassesses humaines. 

Bref, la Roumanie d'alors est régentée d'une main de fer par son dictateur Ceausescu, un dirigeant qui prit quelque liberté d'avec sa grande soeur : L'URSS, créant des tensions, dont les rencontres sportives, étaient comme des combats vitaux pour eux. D'où la mise en avant de Nadia Comaneci, représentant l'héroïne type communiste.

Puis en décembre 1989, quelques semaines après la chute du mur de Berlin, le peuple roumain, aidé de personnages interlopes, s'est révolté ; assassinant trop rapidement son dirigeant et son épouse, pratique pour éviter toute discussion compromettante. Cependant il y a des lendemains de fête douloureux, amères ; interrogés dans la rue, les roumains s'expriment : " Avant nous avions tous un travail et un appartement, personne n'était au chômage, aujourd'hui, il y a de tout dans les magasins, et on n'a pas les moyens d'acheter quoi que ce soit, alors que le système est meilleur. Sous Ceausescu mes parents allaient à la mer, à la montagne, au restaurant, au concert, au cirque, au cinéma ! Tout le monde gagnait plus ou moins la même chose, les prix n'augmentaient presque pas ! Certes, ils avaient constamment peur, c'est vrai, peur qu'on ne les entende dire des choses interdites, aujourd'hui, on peut tout dire, seulement personne ne nous entend... Avant on n'avait pas l'autorisation de quitter la Roumanie, mais aujourd'hui, personne n'a les moyens de quitter le pays. Ah la censure politique est terminée, mais elle a été remplacée par la censure économique.

Devant une affichette annonçant un rassemblement en hommage à la révolution de 1989, les voix s'élèvent : " En 1989, les révoltés ont-ils donné leur vie pour que nous ayons plus de Coca-Cola et de MacDonald's ? Ont-ils donné leur vie pour que nous devenions esclaves du FMI ? Sont-ils morts pour que que nous nous enfuyons toujours plus loin de cette Roumanie qui ne peut nous offrir une vie décente ? Morts pour que des milliers de personnes âgées dorment dehors et meurent de froid ? Sont-ils morts pour que l'église orthodoxe soit cette affaire prospère qui ne paye aucun impôt à l'état ? "

Le communisme a détruit le pays, malgré tout le nouveau-pseudo-régime libéral continu de le vider de sa substance intrinsèque. Au point que le gouvernement roumain actuel déroule le tapis devant de voraces sociétés canadiennes qui chassent les habitants de leur village pour faire exploser des montagnes, afin de se procurer ce si précieux et destructeur gaz de schistes, Saint Graal de tous ces vautours de l'énergie.

J'arrête ici ma critique anticapitaliste, mais à mes yeux, c'est la partie la plus intéressante du roman, même si, à mon grand regret, Lola Lafon ne fouille pas assez la montée en puissance du mécontentement du peuple roumain, alors que l'on s'étale en long et en large sur des plages " comaneciennes ", qui ne me laisse qu'à moitié convaincu, hormis naturellement le début de roman, magnifique d'élasticité aérienne, quand Nadia Comaneci fait parler son corps devant une planète ébahie et éblouie, avec en sortie finale d'exercice : " Son dos arqué dessine une virgule jusqu'à ses doigts qui chatouillent le ciel, elle salue ".

Je terminerais en laissant la parole à Nadia Comaneci, qui dira fin 89 : " Je rêvais de liberté, j'arrive aux Etats-Unis et je me dis : c'est ça la liberté ? Je suis dans un pays libre et je ne suis pas libre ? Mais où, alors, pourrais-je être libre ? ".



9 juin 2015



" Dans la peau d'une djihadiste " d'Anna Erelle 


Un livre témoignage qui glace d'effroi !

Anna Erelle (nom d'empreint) est une jeune journaliste passionnée par son métier. Elle enquête sur les réseaux sociaux de l'Etat Islamique, visionnant des centaines de vidéos sur le net, et un jour, sans l'avoir vraiment cherchée, un djihadiste français faisant la guerre en Syrie, rentre en contact avec elle, il l'invite à venir discuter par l'intermédiaire de Skype. Ravie de cette source d'information improbable, elle hésite un temps, puis s'invente un profil Facebook : Mélanie, une jeune française de 20 ans, en plein doute sur la France, et qui se cache de sa famille pour pratiquer sa religion, et surtout, ce procure un hijab pour être crédible.

L’escroquerie fonctionne. Le djihadiste s'appelle Abou Bilel al-Firansi, vite les promesses pleuvent : il invite Mélanie à venir le rejoindre en Syrie, ils se marieront, elle sera sa princesse, il lui achètera un palais, la vie sera belle ! Stupeur d'Anna Erelle ! Que répondre ? Habile dans le dialogue, d'autant que Bilel ne se préoccupe que de lui, Anna saura le faire parler... Mais la schizophrénie guette.

Même si la mise en abîme prend quelques pages, ce témoignage permet de rentrer sans filtre, dans la perfidie des techniques de recrutement, avec des ficelles qui peuvent sembler grosses à un public adulte, mais diablement efficaces, devant la détresse d'une partie de la jeunesse française qui se sent bafouée, négligée, voire niée par l'état français. Cette oreille sournoise qui leur est tendue, plus un dialogue sophistique bien rôdé de propagande pure, peut devant leur vulnérabilité, les inciter à quitter notre pays pour un autre, qui semblerait être capable de leur redonner une dignité, un but, une verticalité. Naturellement tout y est fallacieux, on nage en pleine aberration, mais cela existe, se passe aujourd'hui chez nous, et le problème est loin d'être réglé.

Lors de ses entretiens avec Bilel, Anna Erelle apprendra qu'il est loin d'être n'importe quel terroriste, puisqu'il est le bras droit français d'Abou Bakr al-Baghdadi : calife de l'organisation Etat Islamique, recherché internationalement. Et qu'il se vante d'avoir assassiné pas moins de 50 000 mécréants ! Une horreur pure !

Difficile dès lors de rester de marbre devant ces énormités balancées entre deux mots d'amour. La journaliste en devient presque schizophrène avec son jeu ambigu de double personnalité. 

Comme un polar on est pris par l'angoisse macabre du récit, la lecture s’accélère au fur et à mesure que la fin se profile, d'autant que rien ne se passera comme prévu, ce qui explique le nom d'empreint très utile pour signé ce livre.

Cette enquête finira par affecter psychologiquement Anna Erelle, sa vie en sera bouleversée, puisque aujourd'hui elle est menacée de mort.

Un témoignage cinglant sur une réalité écœurante de folie meurtrière qui s'affirme jour après jour de plus en plus présente dans notre quotidien. Quand et comment l'ensemble des pays démocratiques se réveilleront-ils pour cautériser cette plaie purulente ?

Volontairement je n'ai pas noté ce livre, qui témoigne d'un drame trop actuel, cela aurait été déplacé.


5 juin 2015


" Viscères " de Mo Hayder   15/20



Je lis peu ou prou de polar. Par choix, car l'originalité devient rare devant la pléthore de titres proposés. Mais là, avec cette critique plutôt dithyrambique de Lire, je refais un essai. D'autant que cette photo de couverture m'intrigue et m'angoisse : Un ver de terre enroulé autour d'un hameçon ! Et tout ça en gros plan ! Ecoeurant, donc indispensable ! Et je ne parle pas du titre, qui à lui seul est tout un programme de réjouissances macabres !

Il y a quinze ans, deux amoureux ont été retrouvés sauvagement assassinés, puis éviscérés dans un bois jouxtant la maison de campagne les Tourelles de la famille Anchor-Ferrers. Le principal suspect, qui a avoué les crimes, est depuis sous les verrous. Mais aujourd'hui, de retour dans leur propriété, alors qu'Olivier le père qui vient d'être opéré du coeur, profite de ce refuge pour récupérer tranquillement, que Matilda, la mère, s'affaire dans son jardin en friche, et que leur fille Lucia s'isole avec sa chère chienne baptisée Ourse, une découverte macabre va les faire tous odieusement replonger dans une terreur qu'ils ont déjà vécu quinze ans plus tôt. La même journée, surgissant de nul part, deux flics bizarres viendront enquêter sur la disparition de leur propre femme de ménage, puis... les ténèbres noirciront leur futur immédiat.

En parallèle, le commissaire adjoint Jack Cafferty, toujours hanté par la disparition de son jeune frère, est en pleine période de vulnérabilité. Cependant, par un biais des plus improbable, il va se retrouver avec un petit chien perdu, qui lui réservera bien des surprises.

A la vue du titre, de la photo de première page, et de nos deux amoureux éviscérés, on peut s'attendre à une histoire des plus glauques, et on aura assurément tort. Oui, hormis ces incartades sanglantes, qui ne sont là que pour attirer le chaland, et disons-le pour tromper le lecteur d'emblée, l'essentiel du roman n'est pas un thriller dégoulinant d'hémoglobine, oh que non ! Mais un polar plutôt finement ciselé, qui tient la route grâce à la corde du suspens, dont Mo Hayder est une reine. En grande peintre de l'angoisse elle sait distiller avec parcimonie les faux-semblants, les ruses, les oppressions, les mensonges et l’inconcevable animalité humaine. 

Pas de perte de temps, dès la première scène, l’inquiétude criante est là ! Moteur puissant qui précipite le lecteur dans une lecture effréné, tant l'envie d'en savoir plus, tenaille celui-ci.

Mo Hayder sait faire ; la structure de son roman est excellente, les rebondissements sont brillants, les personnages incarnés, surtout celui du flic, poursuivit psychologiquement par ce frère disparu, sans doute assassiné par un pédophile, mais est-ce la vérité ?

Une mention particulière pour le chapitre final, qui grâce à une ultime révélation inattendue, stupéfie le lecteur en le laissant douter de ses certitudes. Une performance.

J'ai juste à regretter quelques invraisemblances non rédhibitoires, mais surtout qu'il faille tourner 441 pages, pour enfin connaître la vérité ! Une édulcoration certaine aurait permis, en synthétisant le propos, d'intensifié encore plus le récit.

Bref, le roman idéal pour ceux qui aiment se laisser manipuler, mais aussi pour ceux qui prenne plaisir à regarder derrière le rideau de la vérité officielle, afin d'en extrapoler une autre vérité, plus proche de la réalité. Moi-même, je l'ai soupçonnée à un moment, mais je ne suis pas là pour me vanter, cependant, tous les éléments nécessaires à l'élucidation du mystère sont écrits noirs sur blanc dans le roman, mais encore faut-il savoir les repérer et les mettre bout-à-bout ! 

Ah ! C'est glaçant et diabolique vous-dis-je !