31 août 2015


" Nymphéas noirs " de Michel Bussi  15/20


Ce polar se déroule à Giverny, village rendu célèbre pour son jardin où Monet vécut la dernière partie de sa vie, réalisant sa grande série des nymphéas qui fera de lui un peintre mondialement connu.

Le corps d'un homme vient d'être retrouvé dans un bras de l'Epte, petit cours d'eau jouxtant les magnifiques jardins de l'artiste. Menée par un improbable duo de policiers, l'enquête commence sur fond de passion dévastatrice, de rumeurs, de toiles perdues ou volées, et du meurtre quasi-identique d'un enfant de 11 ans, dans ce même ru, mais.. c'était dans les années 30 ! Le mystère s'épaissit, d'autant que les fausses pistes font florès. 

Trois femmes planeront au coeur de l'intrigue : Fanette Morelle, une fillette de 11 ans redoutablement douée pour la peinture ; Stéphanie Dupain, une institutrice de 36 ans, follement séduisante ; et une vieille femme de 80 ans, aux yeux de hibou qui surveille tout ce petit monde du haut de sa maison tour, ce n'est pas pour rien que dans son village elle est surnommée : la sorcière !

Autour de ce trio féminin, Michel Bussi va nous concocter un plat bien étrange, à la fois tragique et poétique, qui par l'originalité du scénario (qui se révèle être un vrai jeu de miroirs), restera longtemps après sa lecture, dans nos mémoires.

L'un des points forts du roman, est sans conteste cette plongée historique dans l'univers de Monet, d'abord grâce à une biographie partielle savamment mélangée au récit, puis par ces enchanteresses descriptions des lieux : toutes les couleurs y sont, les odeurs et la magie végétale du bassin des nymphéas, avec en plus l'ineffable mystère de la création artistique, celle qui captive le quidam et fascine le connaisseur. 

Avec une plume légère et taquine, qui pourrait s'apparenter à un pinceau, l'auteur avance par petites touches que ce soit dans le récit, mais également dans l'enveloppe périphérique : cet écrin de sensations picturales qui colore notre imaginaire, dès le tout début, puisque ce rouge qui se dilue en rose de plus en plus pâle sous le vert des herbes folles, dans ce bras de l'Epte, n'est autre que le sang s’épanchant d'une blessure mortelle !

Un bon point aussi pour les critiques acerbes, mais souvent frappées au coin du bon sens, que Michel Bussi émet par le truchement de la vieille dame tout au long du récit, cela en est souvent jouissif de vérité.

Cependant ce Michel Bussi est un sacré roublard, un farceur, un coquin, voire un fieffé escroc ! J'en veux pour preuve le piège diabolique dans lequel il fait choir le lecteur, en effet, sa mise en place de l'intrigue est d'une telle malice, d'une telle filouterie, qu'honnêtement un lecteur lambda ne peut deviner le fin mot de l'histoire. Vous me direz que je ne suis pas bien malin, et vous aurez sûrement raison, mais la question n'est pas là, puisque l'auteur oriente son roman de façon nettement fallacieuse et vicelarde, au point d'écrire des situations qui n'ont jamais pu se produire. Naturellement je ne peux pas en dire plus, au risque de trop en dévoiler, ce qui pour un polar serait inexcusable. Mais j'en ai peut-être déjà trop dit ! Tant pis !

Autre point tendancieux, les invraisemblances inhérentes aux polars, qui certes, stimulent le récit qui perd alors en justesse, comme faire soulever sans effort une pierre de 20 kilos par un ... Mais chut ! Je n'ai rien dit !

Néanmoins, c'est un brillant polar qui se lit sans déplaisir grâce à cette ambiance impressionniste, intelligemment mise en exergue, et par son scénario retors, que vous n'êtes pas prêt d'oublier. Ah ! Si vous aimez vous faire manipuler, vous faire rouler dans la farine, vous faire duper dans toute la longueur, pas de doute : c'est le roman idéal.

26 août 2015


" Retour à Salem " d'Hélène Grimaud   15/20


Entre deux séances de répétition, et afin de purger son corps de toute la tension physique accumulée, Hélène Grimaud, pianiste émérite, sort déambuler dans le quartier du port d'Hambourg. C'est dans une pénombre pluvieuse, venteuse et glaciale qu'elle échoue devant un magasin d'antiquaire, elle entre s'y abriter... et y fait la découverte d'un manuscrit... qui la chamboulera.

Signé par un certain Karl Würth, qui n'est autre que le pseudonyme de Brahms, et compléter par des eaux-vives de Marx Klinger, ce vieux recueil la trouble par sa singularité, par sa puissance et sa noirceur, d'autant qu'elle travaille précisément sur le deuxième concerto de Brahms en ce moment. Déconcertant jeu de miroir.

Depuis ses débuts pianistiques Hélène Grimaud est en communion absolue avec Brahms, leurs points communs ne cessent de s'additionner ; leur sensibilité d'artiste, leur besoin de s'isoler, leur amour immodéré pour la nature : celle des grands espaces boisés nordiques, remplis de légendes mythiques, où l'homme moderne est encore absent, et où s'exhalent leurs âmes buissonnières. Elle déclare d'ailleurs : Brahms m'est plus intime que n'importe quel autre compositeur et il est celui sans qui je ne pourrais vivre.

Elle vivra cette découverte inouïe comme un signe, une possibilité, une porte entrouverte pour mieux saisir l'essence de la création du compositeur allemand. Cependant, vite découlent des questions : Pourquoi Brahms avait-il écrit ces feuillets ? Avait-il vécu ce récit lors de ces innombrables ballades en forêt ? Ou était-il juste sorti de son inspiration, pour suivre la mode de l'époque, riche en histoires fantasmagoriques ?

Cependant après maintes recherches, surgit le fait véridique que pendant l'été 1876, à l'âge de 43 ans, Brahms se rendit à Sassnitz sur l'île de Rügen (île de la Baltique située à l'extrême nord de l'Allemagne). Source d'inspiration, il s'y s'abandonna, s'enrichissant de ces forêts ténébreuses du grand Nord aux hêtres gigantesques ; contrées cernées de marais et de landes, que la tradition et les légendes disaient être la Porte de l'Enfer, gardée par des dragons échappés de la géhenne. Tout un programme ! C'est d'ailleurs dans la solitude sauvage de cette île qu'il s’attellera à la composition de sa première symphonie, alors de là à penser qu'il y élabora aussi cet inespéré conte fantastique... 

Hélène Grimaud nous emporte dans une succession, qui dis-je, un tourbillon de recherches, qui, telle une pelote que l'on déroule, sera le prétexte, toujours justifié, pour nous parler de cette période historique (Salem oblige) où l'on brûlait à tour de bras des sorcières, sous des allégations les plus fallacieuses ; d'évoquer la chasse aux dragons dont la dernière eut lieu en Suède en 1880 (naturellement les chasseurs rentrèrent bredouilles) ; de revenir sur les terribles origines de la grippe aviaire ; de mentionner la déesse Hertha, divinité protectrice de la terre ; d'aborder l'un des peuples (disparu maintenant) le plus pacifique et humaniste au monde : les Arawaks ; de mentionner une fois de plus (comme dans ses deux livres précédents) les puissants liens d'amitiés réciproques qu'unissaient Brahms à Robert Shumann et à Clara Shumann ; d'en profiter une fois de plus pour nous dire tout le bien qu'elle pense des loups ; et enfin de dénoncer ce qui la pétrifie le plus au monde : les désastres écologiques inhérents aux mercantiles activités humaines. Difficile de ne pas être en accord avec ses dires, même s'ils se fracassent sur le mur d'un consumérisme effréné et d'un hermétisme basique et égocentrique.

Hélène Grimaud nous offre-t-elle ici un récit autobiographique ? Ou une narration volontairement fantastique ? Les deux mon capitaine ! Mais peu importe puisque son faux-fuyant n'est là que pour parler de ses priorités, qui devraient être celles de tout être humain, préoccupé avant tout à proposer à tous les enfants du monde, simplement, un lendemain viable.

Ce livre atypique baigne dans un romantisme allemand fougueux, parfois très douloureux, mais toujours à la recherche d'un absolu unificateur et d'une harmonie véritable des forces profondes de la nature, celles qui ne mentent pas, celles dont l'homme bâillonne ses velléités à force de vivre dans un monde toujours plus artificiel. Ce cordon ombilical coupé, s'avère être une gageure lourde de conséquences. D'ailleurs nous en payons le prix depuis quelques décennies. C'est pourquoi ce récit fait d'alternances entre réflexions personnelles et conte initiatique nous invite sereinement à tendre l'oreille, mais surtout le coeur à l'écoute de Mère Nature. De celle qui pourrait se passer de l'homme. N'oublions pas que le contraire est impossible.

Il est vrai qu'Hélène Grimaud est connue comme le loup blanc dans le monde des mélomanes, mais outre ses qualités pianistiques, je dois reconnaître qu'elle est aussi une plume... sensible, précise et évocatrice. Que d'admirables talents pour une seule personne !



14 août 2015


" Alamut "   de Vladimir Bartol 19/20


Ce roman est un coup de poing littéraire, une gifle de machiavélisme, comment avais-je fait pour passer à côté jusqu'ici ? D'autant qu'une phrase mise en exergue annonce le ton : Rien n'est vrai, tout est permis !  

Cette profusion de richesses noires éclaire notre conscience d'homme, intoxiqué et embourbé par tant de choses insipides. Une luminosité terrifiante en ressort, qui touche à la manipulation de masse. Glaçant de pertinence et d'actualité ! Essentiel ! Que tout étudiant, pendant son cursus scolaire, devrait avoir lu.

Paru en 1938, sa clairvoyance, son avant-gardisme sont comme une prémonition des années terribles qui allaient suivre... jusqu'à nos jours, où son utilité n'a jamais été aussi actuelle ! Une oeuvre créée il y a 80 ans, et qui nous raconte hier, aujourd'hui, et très certainement demain ! Incroyable !

Tout part de faits historiques : Alamut est une forteresse construite au cours du IX ème siècle, dans le Nord-Ouest de l'Iran non loin de la chaîne de montagne d'Elbourz et du mont Damavand. Taillée directement dans la roche même, on la dit inexpugnable. Malgré tout au XI ème siècle, le grand maître Hassan Ibn Sabbâth s'en est emparé pour servir de base à la secte chiite ismaélienne des Nizârites. Ces musulmans sont avant tout des fondamentalistes religieux qui mènent une guerre contre l'autorité Turc et la branche sunnite de l'islam, qui conteste leur existence. Les ismaéliens se disent les seuls vrais héritiers du prophète Allah, et à se titre, abhorrent tout autre dérivé de l'islam. A l'époque, et pendant environ 200 ans, tous les monarques de la région et d'ailleurs, tremblaient de peur devant les ismaéliens, dont les plus virulents se transformaient en tueurs fanatiques sous les influences conjuguées d'un endoctrinement partial et d'une addiction au haschisch, faisant ainsi régner une terreur mystique !

Là-dessus, Vladimir Bartol construit une trame à la fois exotique, machiavélique et démuirgique, qui nous emporte dans cet orient de légende peuplé de jeunes filles tout juste pubères et relativement naïves, de jeunes hommes intelligents et cultivés, quoique notoirement influençables, et de grands maîtres appelés dais, responsables de leur éducation, et au-dessus de tout ce peuple, règne l'ambitieux et mégalomane Hassan, celui qui s'empara par ruse de la forteresse d'Alamut et qui s'apprête à lancer une offensive faite de manipulations abjectes pour ébranler tout le monde musulman, et pouvoir ainsi devenir leur Maître incontesté, représentant du prophète Mahomet sur terre. Rien que ça !

On devine le cynisme et l'immoralité de Hassan, qui n'hésite pas a faire construire dans sa cité rocheuse, de somptueux jardins d'éden peuplés de sensuelles esclaves, sensées être des houris, plus belles les unes que les autres, pour y conduire ses jeunes redoutables guerriers drogués afin de leur faire toucher du doigt le vrai goût du paradis qui leur est promis, comptant bien ainsi les motiver encore plus, lors de futurs combats décisifs.

Certes, on a affaire à un récit d'aventures, mais c'est, et heureusement, bien plus que cela, puisque Vladimir Bartol dérive magnifiquement et pédagogiquement sur une fable politique et philosophique, en examinant à la loupe les dessous des cartes de l'élaboration d'une dictature, puis de son établissement, en nous narrant au passage tous les coups tordus, les manigances, les persuasions, les discours sophistiques et les subtils mécanismes psychologiques destinés à endormir ses fidèles, pour mieux s'en servir. Tout se résumant en une phrase : La force de toute organisation repose sur l'aveuglement de ses partisans.

Ce roman terrifiant, peut, par son côté didactique s’apparenter à une sorte de manuel en dix leçons destiné à tout futur dictateur, prêt à tout pour devenir maître d'une région, d'un pays, ou voyons les choses en grand : Maître du monde !

Je rappelle qu'il fut écrit pendant les années 1930, sorti en 1938, et que les événements qui suivirent, font de son auteur, un véritable Cassandre. Outre le deuxième conflit mondial, aujourd'hui avec tous ces attentats suicides, ces musulmans intégristes, et la naissance de Daech, font qu'à plus d'un titre, malheureusement, ce roman est toujours d'une actualité mordante !

Une phrase du roman nous rappelle avec justesse et amertume, ce que furent les accords de Munich de l'automne 1938 : ...l'énorme majorité des gens tient à la vérité ? Que nenni ! Les gens veulent la paix et des fables pour nourrir leur imagination. Mais la justice ? Ils s'en moquent, si tu satisfais à leurs intérêts particuliers... ...si les hommes sont ainsi, me suis-je dit, alors utilise leurs faiblesses pour atteindre le but élevé qui est le tien... ...J'ai frappé à la porte de la bêtise et de la crédulité des gens ; de leur concupiscence, de leurs désirs égoïstes. Les portes se sont ouvertes en grand.

Et puis, il y a un élément qui m'a particulièrement interpellé, c'est quand le soi-disant prophète Hassan, qui est sensé être en quelque sorte le bras droit d'Allah, puisqu'il détient, d'après ses dires, les clés du paradis, avoue calmement à un tiers, être dans le meilleur des cas, un agnostique, pour ne pas dire un athée ! Ainsi toutes les religions du monde, responsables de tant de guerres, ne seraient-elles pas toutes construites sur du vent ? Uniquement mises en place pour canaliser l'Homme, au grand profit d'autres hommes bien contents de la crédulité d'une grande partie de l'humanité. Ceci mérite en tout cas une sérieuse réflexion.

Cet indispensable roman m'a rapidement évoqué ceux de Jean-Christophe Rufin, par sa précision historique, par ses personnages variés autant psychologiquement, rationnellement que moralement, par sa narration qui emporte le lecteur dans un exotisme dépaysant, et par un style d'écriture, relativement simple, mais qui mine de rien, élève, instruit et fait cogiter.

Un livre à lire, que dis-je, un désormais classique à dévorer toute affaire cessante !!! 

8 août 2015


" L'insoutenable légèreté de l'être " 16/20   Milan Kundera


A la fin des années 1960, dans une Tchécoslovaquie à l'aube du printemps de Prague, l'auteur nous propose de suivre un couple épris de liberté : lui se nomme Tomas, chirurgien et séducteur invétéré, elle Tereza, serveuse et d'une jalousie farouche. Autour d'eux plane l'ombre de l'une des maîtresses de Tomas, la grande Sabina, artiste peintre, vouant sa vie de façon indéfectible à la liberté.

Mais vite le pays est envahi par les troupes de l'URSS, dès lors, chacun tentera de survivre avec ses convictions, quitte à s’exiler de plus en plus loin, pour conserver ses valeurs et ce besoin immarcescible de liberté.

D'emblée rappelons-nous que Milan Kundera est né à Brno, capitale de la Moravie, cette magnifique région de l'ancienne Tchécoslovaquie. A 20 ans il est exclu du parti communiste et interdit de publication dans son pays à partir de 1968. En 1975, il part s'installer en France. Il devra attendre 1981 pour obtenir la nationalité Française sur sa terre d'accueil, tout au long de sa vie, il accumulera de nombreux prix littéraires, notamment grâce à celui-ci, devenu son plus célèbre roman.

Il s'agit sans aucun doute d'une flamboyante histoire d'amour, et inévitablement... de mort. Tel Éros et Thanatos. Tout ceci tourne autour de la profondeur du mystère de l'amour et de la liberté, mais aussi une étude profonde de ce qu'est la vie humaine, embourbée dans le traquenard, la duperie, qu'est devenu le monde. Mais avec une certaine lucidité, ne peut-on pas dire qu'il n'en a pas toujours été ainsi ? Un cynique piège pour l'homme ?

Avec audace Milan Kundera mêle à la fois des scènes de la vie amoureuse, où d'insondables malentendus surgissent entre hommes et femmes, à des réflexions plus ou moins profondes, parfois même cocasses, sur ce que signifie les choix, toujours définitifs, que nous faisons régulièrement dans l'existence. Car de toute évidence, ces choix nous condamnent à demeurer dans l'incertitude de leur opportunité, en effet, comment savoir s'ils sont judicieux puisqu'il est impossible de revenir en arrière, prendre une décision contraire, puis les comparer. L'unidirectionnalité de la vie dresse cette barrière, et il nous faut vivre avec, comme des condamnés au doute perpétuel.

Cette unicité fait que nous portons en nous, non seulement nos actes et les retentissements de nos actes, mais aussi des pensées, des sentiments, des désirs, des cauchemars, des craintes, qui sans le vouloir naissent de cet état de fait et reviennent, comme de lancinantes oscillations nous perturber. Avec le temps, les unes se sont dissipées, les autres nous poursuivent, parfois sans fin, comme une damnation. 

Le roman soulève une autre question fondamentale : Quand on vit sous un régime autoritaire, comme sous la botte russe après l'invasion de la Tchécoslovaquie en 1968, vaut-il mieux : résister et honnir le régime en criant sa liberté chérie, hâtant ainsi sa propre fin ? Ou bien se taire, avancer dans les clous tête baissée, et s'offrir ainsi une plus lente agonie ?

D'ailleurs, comme un retour au sujet précédent, comment connaître la bonne réponse, puisque la vie humaine n'a lieu qu'une seule fois, et que nous n'auront jamais l'occasion de vérifier quelle est la bonne décision ! Du reste, encore faut-il qu'il y en aie une ! Ce qui est bien loin d'être une certitude absolue.

Et puis, que faisons-nous des hasards qui nous enveloppent, des opportunités qui jaillissent de nulle part, mais qui néanmoins s'offrent à nous ? Savons-nous nous en servir pour progresser, pour nous élever, pour nous augmenter ? Ou gâchons-nous bêtement ces possibilités par un apathisme navrant ?

Ce roman comporte aussi des pages magnifiques, notamment sur la condition animale d'où Descartes n'en ressort pas blanc-blanc, lui qui niait l'âme et la conscience des animaux, allant jusqu'à les comparer à des machines insensibles à la souffrance, tandis que Nietzsche, devant cette même souffrance supportée par un cheval, ira par désespoir,  jusqu'à pleurer dans son encolure, comme pour excuser l'éternelle et l'inexpugnable violence humaine. 

Milan Kundera nous gratifie tout au long du roman de commentaires sur ses propres personnages, comme s'il s'en détachait pour les étudier de loin, sous un autre angle. Ou las de tirer les fils, il les laissait vivre, seuls aux prises avec leur histoire. Comme voulant être étonné par eux ; originale méthode cognitive.

Bref, c'est une étude sans complaisance d'une société qui se cherche une place, une vérité, un positionnement en relation avec son être profond sans faux-semblant. Un roman qui fait partie de ceux dont la relecture est possible, souhaitable, voire fortement conseillée, tant il résonne universellement sur nos vies.