26 janv. 2016


" Cote 400 " de Sophie Divry   15/20



Ce petit roman de moins de cent pages s'identifie à un soliloque sur les lourds états d'âme d'une bibliothécaire quadragénaire d'une ville moyenne, cantonnée au rayon géographie. Elle vit seule, terriblement seule, avec les livres pour compagnie, pour espoir.

Par l'intermédiaire d'un lecteur qui s'est vu enfermé malgré lui toute une nuit dans l'univers des livres, elle se livre sans la moindre pudeur à un monologue incisif et pertinent, voire parfois cynique, sur ce qu'est devenue sa vie, ou ce qu'elle n'a jamais été, suite à un échec au CAPES. Tout y passe, les lecteurs ingrats, ses névroses, ses revendications légitimes, et le jeune homme à la nuque magnifique qui prépare une thèse, Martin.

Comme beaucoup de métiers peu valorisant, Sophie Divry expose ici les souffrances de ces personnes que l'on ne voit plus. Ces invisibles de la vie courante qui demandent juste une simple reconnaissance de leur travail. Que l'on salue leur place dans la société. Qu'elles se sentent tout bonnement exister. Au lieu de ce sentiment délétère de relégation pure et simple.

Sous la plume de Sophie Divry, de grands auteurs en prennent pour leur grade, c'est règlement de compte à OK corral ! Honni Balzac, Sartre, et les rentrées littéraires !

Cependant le rôle des bibliothèques dans la voix de la narratrice prend vite un tournant social, en tant que lieu d'échanges, de rencontres, de débats, avec des jeunes étudiants, des retraités, des travailleurs pauvres, sans oublier les SDF, les chômeurs, les laissés pour compte, les transparents, les inutiles.

Et puis sous la plume alerte de Sophie Divry transpire cet amour effréné de la lecture qui élève, celle qui rend moins seul, celle qui parle de l'impossible condition humaine, celle qui nous emporte loin de nos vies ternes, celle qui ouvre des perspectives folles, celle qui soigne le mental, celle qui transcende le temps et l'espace pour nous emmener au pays des chimères, bref, celle qui tutoie les cieux !

Bien sûr il y a à prendre et à laisser dans l'opinion péremptoire de cette bibliothécaire, mais ce qui compte avant tout peut-être, c'est l'élan, la véhémence, l’enthousiasme de sa péroraison, tel un cri vomi au monde des aveugles. 

Par le truchement de ce livre j'ai appris la classification Dewey, que j'ignorais totalement, moi qui pensais naïvement que chaque bibliothèque avait son propre rangement ! Quel stupide je fais !

La prochaine fois que vous mettrez les pieds dans une bibliothèque surchauffée, il est fort possible que vous regarderez son personnel avec un regard nouveau et plus humain peut-être.

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