30 nov. 2016


HAÏKU   Partie XXVI

°°°°°°°°°°°°°°°°

le vent se lève
sur son brin d'herbe
le rodéo de la fourmi

ciel de mars
pluie de grêle
sur terre tambour

pourchassée par un merle
une coccinelle se refugie...
sur un hérisson

sieste sous mon châtaignier
qui me surveille ?
l’œil noir du coquelicot

rouge et noir
cocarde
du coquelicot


26 nov. 2016



" Les météores "  de Michel Tournier   13/20


Dans les années 30 en Bretagne deux jumeaux, Jean et Paul, forment un couple fraternel si unis qu'on les appelaient Jean-Paul. Grandissant dans une symbiose parfaite, ils développent des règles, des rites, un langage secret et une dérangeante communion séminale. Une parfaite intégrité gémellaire s'installe et perdure, mais petit à petit, l'un d'eux, Jean, avide d'aventures est irrémédiablement attiré par l'extérieur. Il ira même jusqu'à se fiancer, aussitôt Paul se sent outragé, trahi dans sa chair, il manœuvre alors habilement pour briser les fiançailles. Jean, révolté, dégoutté, quitte alors la propriété familiale. Seul il entreprendra un voyage autour du monde, comme pour une nouvelle naissance cognitive. Paul finira par lui emboîter le pas, prenant goût à ce voyage initiatique. Il cherchera à comprendre son jumeau, mais surtout à le ramener à la maison, et renouer ainsi avec les plaisirs du passé, s'il n'est pas déjà trop tard. 

Autour du couple central, les protagonistes abondent. Notamment l'oncle Alexandre, héritier malgré lui d'une grande entreprise qui collecte et traite les ordures ménagères. Et comme il s'habille toujours avec une élégance tapageuse, on l'appelle le dandy-des-gadoues. Homosexuel notoire, (thème récurrent de l'auteur) il partira à la quête de son double narcissique, de l'amour idoine, le plus harmonieux possible, à l'instar de celui que semble représenter Jean et Paul.

A travers une aventure courant de Venise à Berlin, et zigzagant entre Djerba en Tunisie, Reykjavík en Islande, Nara au Japon, Vancouver et Montréal au Canada, ce récit aborde le vaste thème du couple, en appliquant sur chacun d'eux une grille de déchiffrement, autant originale que pertinente. Aux yeux de l'auteur, le couple de jumeaux, semble être à la fois le couple idéal et une monstruosité sans nom puisque chacun lutte pour s'identifier indépendamment de son jumeau. Dès lors, le lecteur se voit projeté dans un questionnement sans réponse toute faite : L'homme est-il fait pour vivre à deux ? Soit avec une femme ou un homme ? Cette union se fait-elle inévitablement au détriment de l'une des deux parties ? L'harmonie parfaite est-elle réellement envisageable ? Ou cette osmose divine n'est-elle qu'une utopie, qui risque de nous faire courir longtemps ? Le temps d'une vie et pour quel résultat ?

L'important dans ce roman de Michel Tournier, publié en 1975, est-ce vraiment l'histoire hachée et pleine de trous ? D'ailleurs le récit ne comporte pas vraiment de fin, on ignore ce que vont devenir les jumeaux, certes on devine entre les lignes leur avenir, mais rien n'est concret, tout est en devenir, comme la vie qui coule. L'important, n'est-ce pas plutôt cette écriture pointilleuse, poétique, imagée, celle d'un grand érudit, dont certains paragraphes sont véritablement remarquables et sublimes d'inventivité ?

Comme à son habitude, Michel Tournier s'emploie à revisiter les mythes et les légendes, afin de les spiritualiser aux travers de tous ses personnages à coup d'allégories, d'idéalisations, d'affabulations et de fantaisies. Il n'y a plus qu'à se laisser porter par la force de la plume, sur les chemins des possibilités, des outrances parfois et des symbolismes révélés souvent. Car pour lui tout a un sens, tout fait sens, tout se répond, rien n'existe pour rien, tout est lié inextricablement en s'encastrant jour après jour, telles les pièces d'un jeu de dominos. Encore faut-il avoir le talent de l'exprimer et de savoir démêler la vérité ou du moins de tenter une explication. Tout le monde ne sera pas convaincu, moi le premier, mais sa réussite c'est d'oser, d'oser l'omniscience. D'oser prendre nos vies pour les exposer sous le microscope de ses ambitions démesurées de lettré. Et le parcours n'est pas triste, littérairement c'est une réussite, il y a même de l'humour parfois scabreux, mais bon il essaie, il propose, toujours et encore. Naturellement, tout n'est pas parfait, des longueurs pesantes grèvent le propos, mais quand des fulgurances narratives se mettent en place, même sur plusieurs pages, c'est magnifique de digressions, de sensations littéraires, de logiques, et d'acuité émotionnelle. Mais en vérité, il cherche inlassablement le sens du monde, citant souvent la bible comme livre ultime, comme référence intouchable à ses délires explicatifs, derrière ses décryptages atypiques, il cherche Dieu tout simplement, comme nous tous d'ailleurs, pour ne pas devenir fou.

23 nov. 2016


" Mourir sur Seine "   Michel Bussi   14/20


Juillet 2008 à Rouen, l'heure de l'Armada a sonné. Une fois de plus, une multitude de voiliers venus de tous horizons viennent s'aligner le long des quais de la ville aux cent clochers. Au sixième jour, un marin de l'équipage mexicain du célèbre Cuauhtémoc est retrouvé poignardé sur les quais. Puis d'autres marins goûteront aussi au redoutable poignard du mystérieux tueur.

L'enquête menée par le commissaire Paturel, un homme divorcé dont c'est le mois de garde de ses deux enfants, devra jonglé entre son enquête et son rôle de père. Il devra aussi faire rapidement preuve d'efficacité professionnelle pour éviter une hémorragie de touristes due aux assassinats. Débute alors une course effrénée contre la montre, d'autant que cette manifestation avec ses 8 millions de visiteurs se place en deuxième rang juste après le Tour de France, de gros enjeux sont en jeux (si vous me permettez cette répétition).

Maline Abruzze, l'une des principales protagonistes, est journaliste au Seinomarin, l'un des hebdomadaires de la région. Ses talents de fouineuse hors pair vont l'amener au plus près du danger ; toujours prête à payer de sa personne, notamment auprès de l’apollon : le bel Olivier Levasseur, responsable des relations avec la presse pour l'Armada.

Outre l'intrigue principale, le roman effleure en toile de fond le monde des pirates et des trésors ramenés des Amériques par les premiers explorateurs. Ces récits picaresques de la piraterie sont rapportés par le charismatique Ramphastos, un ancien conteur et pirate anarchique (pléonasme), ivrogne à ses moments perdus et Dieu sait qu'il en a beaucoup ! Cependant, petit bémol, les liaisons entre ce passé sensé ensemencer le présent sont-elles véritablement à la hauteur des espérances suscitées ?

Les réjouissances de ce polar sont ailleurs, d'abord dans le rythme : des phrases simples et courtes, prompts chapitres également, aucun temps mort, difficile de ne pas avaler les pages avec une gourmandise gargantuesque pour vite en savoir plus. On est exactement dans ce que les anglo-saxons appellent un page-turner. Et pour mon cas, ces 470 pages furent dévorées en quelques heures, comme il se doit !

Deuxième point positif : Michel Bussi sait utiliser l'Histoire de la navigation en Seine et ses naufrages pour pimenter la trame du récit. Les lieux originaux sont également à l'honneur, tels : les rues médiévales de Rouen, notamment cette danse macabre sculptée sur les piliers de l'aître Saint Maclou, la chapelle bleue de Caudebec-en-Caux, le cimetière de Villequier et les vitraux de son église, le marais Vernier, le pont Flaubert, etc... deviennent sous la plume de l'auteur des sites à visiter lors de nos prochaines vadrouilles hautes normandes.

Enfin, dernière réussite, son côté ludique. Ce roman est un jeu où chaque lecteur s'engouffre avec volupté, dans la brèche consistant à se muer en Sherlock Holmes, afin de démasquer le véritable meurtrier. Malheureusement, dans ce livre, Michel Bussi développe avec une telle dextérité l'art de nous mener en bateau, si je puis dire, que c'est avec stupeur et consternation que l'on découvrira le nom de l'assassin. D'ailleurs en parcourant la fin du roman, et si on possède l'art de lire entre les lignes, on ressentira l'auteur piaffer de joie de nous avoir berné, que dis-je, manipulé, escroqué ! Ses fausses pistes sont comme des chausse-trappes où plus d'un lecteur est condamné à chuter ! Mais n'est-ce pas ce que l'on demande à un polar avant tout ?

Certains titres des chapitres relèvent de jeux de mots plus ou moins heureux, à l'instar du titre du roman Mourir sur Seine, grosse référence à Dalida, mais que les jeunes qualifieront d'humour de vieux, encore faut-il qu'ils connaissent l'artiste !

Michel Bussi nous offre dans le même paquet deux ou trois considérations sur la ville de Rouen, telles des paradoxes qui la paralysent et la pénalisent face aux défis du futur.

Pour conclure, Michel Bussi écrit un bon thriller populaire français, assumant son lot de rebondissements et de révélations, où un lectorat pas trop exigeant passera un agréable et jouissif moment de détente. Finie la dernière page, il souffle comme une invitation à venir flâner dans la région rouennaise. Cependant, certains personnages manquent d'épaisseur et de relief. Les brefs récits historiques trop succincts auraient mérité un développement plus étoffé. Mais bien sûr, cela aurait nui au rythme échevelé, et puis, on n'est pas là pour ça, me direz-vous ! Et vous aurez bien raison !

22 nov. 2016


HAÏKU   Partie   XXV

°°°°°°°°°°°°°°°°

petites boules rouges
entre aiguilles vertes
- houx de décembre

fleuve blanc en crue
sur nuit noire
- la voix lactée

vol de lumière
en pleine nuit
- les lucioles

fleur du malin
immortelle au regard
- l'orchidée

vers l'horizon rougi
deux coccinelles s’envolent
- disparition

20 nov. 2016



" Viva "  de Patrick Deville   14/20


Une sacrée enquête est à la base de ce roman, où fourmillent des célébrités du monde politique : Lev Davidovitch Bronstein dit Trotsky. Du monde littéraire : Malcom Lowry le génie d'Au dessus du volcan, B.Traven l'écrivain du Trésor de la Sierra, Antonin Artaud, André Breton. Du monde de la peinture : Frida Kahlo, Diego Rivera. Tant d'autres encore vont débarquer pour une raison ou une autre au Mexique durant la première moitié du XXème siècle. Comme si un hasard espiègle leur avait donné rendez-vous pour une danse macabre, définitive pour certains et transitoire pour d'autres. En tout cas un fantastique prétexte à un brassage de cultures venues de tous horizons.

Utilisant avec intelligence ces parcours à la croisée des chemins, tous échouant sur cette terre bouillonnante et révolutionnaire, Michel Deville tisse sa toile avec opiniâtreté, telle une araignée obstinée, prenant plaisir à emmêler à l'envi les pistes de ces destins parallèles et tragiques. Cet écheveau à la fois politique, littéraire et amoureux empreinte tous les chemins pour aboutir à d'autres chemins, qui à leur tour...  Une roue sans fin de raccordement historique.

L'une des figures majeures de ce roman est Trotsky, théoricien de la révolution universelle et fondateur de l'armée rouge. Traqué par les espions de Staline afin de l'assassiner, il échoue à Mexico en 1937, dernière étape de sa longue fuite. Il y organisera sa riposte aux procès de Moscou tout en fondant la IVème internationale. C'est Frida Kalho qui recueillit Trotsky dans sa maison bleu dont elle fut le dernier amour. On prend conscience que Trotsky fut aussi un grand écrivain qui aurait pu révolutionner le monde des lettres si une autre mission, tout aussi révolutionnaire, ne l'avait pas sollicitée ailleurs.

L'autre figure prioritaire est celle de Malcom Lowry, poète et romancier anglais, dont la vie sulfureuse fut trop souvent noyée dans l'alcool et les drogues. Bien que séjournant en même temps que Trotsky à Mexico, ils ne se croiseront pas, néanmoins, dans son roman culte, Au dessus du volcan, il le fera apparaître en filigrane.

Des chapitres brefs créés des respirations salvatrices dans cette constellation de destins parfois fugaces, mais toujours fulgurants. Pour ces protagonistes, le Mexique de ces années 20, 30, 40, se veut terre d'asile, de respiration et d'inspiration artistique, terre qui cumulent les révolutions, gorgée d'histoires et de fluctuations politiques où la France tenta de s'y faufiler avec la tragique histoire de l'empereur Maximilien, terre en perpétuelle mouvement, s’inventant constamment, où tant d'hommes y recherchèrent le salut pour malheureusement s'y perdre corps et âmes.

Cependant, j'émets deux bémols, le premier à propos des oscillations de la narration où les retours en arrière incessants font parfois perdre le cours chronologique historique. Et le second concernant un déferlement de noms d'artistes, de politiques et de révolutionnaires frisants le trop plein, l'asphyxie. A moins qu'il ne faille accepter de se perdre dans les méandres de ce pays, aux noms plus dépaysant les uns que les autres comme : Acapulco, Tampico, Coyoacan et Oaxaca. Se perdre pour mieux se retrouver !

A noter quelques erreurs de français, notamment une flagrante et inévitable puisque placée juste en début de chapitre, celui intitulé  à Coyacan : Après que j'avais marché seul dans ce quartier...  J'avais vient naturellement du plus-que-parfait, mais que j'avais, n'existe pas, seul existe au subjonctif : que j'ai, que j'eus, que j'eusse ou encore que j'eusse eu, c'est tout ! D'où l'invention d'un nouveau temps par Patrick Deville ! Peut-être trop envoûté par le vapeur de la tequila ou le mezca, si présente dans l'ambiance mexicaine !

Récit patchwork, gorgé d'anecdotes, Viva est un hymne à la quête de l'intransigeance, de la perfection, du summum de la littérature, et de l'évolution idéale d'une révolution. Tentative originale de toucher du doigt l'absolu en quelque sorte ! En tout cas si vous aimez les puzzles littéraires et historiques ce livre est indéniablement pour vous !



14 nov. 2016


" Dans la maison de l'autre "    de Rhidian Brook   15/20


En 1946 à Hambourg, pendant l'après guerre, le Colonel Lewis Morgan se retrouve à la tête des troupes d'occupation. Il est chargé d'opérer la dénazification de toute la partie allemande attribuée à l'Angleterre, et d'ébaucher la reconstruction de la zone dévastée. La tâche s'annonce lourde et épuisante devant l'état de ruine quasi totale du pays, sans parler d'une population parfois hostile mais toujours famélique et indigente, qui n'a qu'un seul but, subsister. Rien ne leur sera épargné à ces malheureux, d'autant que l'hiver 1946 fut très rigoureux.

Logé avec sa famille dans une grande et belle maison d'architecte réquisitionnée, le Colonel Lewis, par souci d'altruisme, propose aux propriétaires de continuer à demeurer dans leur bâtisse, au grand dam de sa femme Rachel. Cependant, les circonstances et les différents vécus vont vite rendre ce huis clos étouffant, oppressant, faisant monter un sentiment de haine, surtout de la part de Frieda, la fille d'un propriétaire allemand, très marquée par la mort de sa mère, victime comme tant d'autres des bombardements alliés (Hambourg détruite à 90 %).

Rhidian Brook éclaire de son talent cette page peu connue de l'histoire, celle ou les vainqueurs et les vaincus sont forcés de vivre ensemble, le temps de réorganiser un semblant de vie, après les dévastations inhumaines subit par les deux camps. Toutes les aigreurs, les rancœurs et les haines farouches sont dévoilés et combattu afin d'apporter un début d'apaisement aux souffrances inhérentes à la guerre. Une vie dite "normale" doit reprendre ses droits, après ces années d'hostilités. 

C'est un roman où l'absence est omniprésente, celle des couples séparés par les péripéties de la vie en temps de guerre, celle des disparus face à la douleur ineffable des survivants, celle d'un pays détruit si agréable hier encore, celle d'une époque révolue à jamais noyer sous les ruines et les cendres, et enfin, absence criante de nourriture et de logements décents.

La relation entre la femme du colonel, Rachel, et Edmund, le propriétaire de la maison, s'affiche comme étant le noeud du roman, passionnante de rigueur, de sévérité, puis enfin, d'humanité. Bien sûr les débuts de cette vie en communauté furent houleux et orageux, bâtis d'individualisme, d'ignorance et de bêtise, cependant petit à petit ces deux "ennemis" vont apprendre à se connaître, à s'apprivoiser, puis à s'apprécier, entre autre grâce à l'art... mais chut, je ne voudrais pas en dire de trop !

Petit bémol à mes yeux, il manque au récit un soupçon de souffle épique, un brin d'envergure européenne, un courant dynamique et décoiffant, bref un élan ébranlant protagonistes et situations. De plus les descriptions de la ville et du fleuve (L'Elbe) me semble un rien succinctes, et auraient grandit le propos et nos horizons géographiques, mais j'en demande sûrement trop !

A noter que cette histoire fut inspirer à l'auteur par celle de son grand-père le Colonel Walter Brook. Nommé à Hambourg "Gouverneur de district", et responsable de la reconstruction d'un territoire aussi vaste qu'un comté anglais. A la recherche d'un toit, il réquisitionna la demeure d'un riche marchand, mais autorisa ses propriétaire à y rester. Cette situation atypique due à un fond d'altruisme si bienvenu, prouve que égocentriste n'est pas encore omniscient.

Bref un roman mêlant avec délicatesse et sensibilité des vies lourdement éprouver, dont Rhidian Brook sait parfaitement mettre en exergue leurs profondes complexités. Qui bouleversera certes, mais résonnant d'une bienveillante humanité.

11 nov. 2016


HAÏKU   Partie   XXIV

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

le soleil et la lune 
discutent
du temps pour demain

sur une pierre une araignée
sur l'araignée...
mon pied !

au jardin
les courgettes grandissent
pudique, la lune se voile

le houx bavarde
avec son cousin germain
le hérisson

nuit d'automne 
dehors je bois
le lait de la lune


4 nov. 2016


" Le bonheur national brut "   de François Roux  19/20


Mai 1981. Dans les Côtes d’Armor vivent quatre amis, ils ont tous 17 ans et s'apprêtent à passer leur bac. Ils sont tous issus de milieux différents. D'abord il y a Paul Savidan, le narrateur, grand fan de Barbara, il n'a qu'un seul but dans la vie : devenir acteur, au grand dam de son père qui veut absolument lui faire poursuivre des études de médecine afin de prendre son cabinet de gynécologue, sans oublier son orientation sexuelle qui n'est pas là pour simplifier les choses. Le deuxième, Rodolphe Lescuyer, l'ambition chevillée au corps de se lancer dans la politique, fait déjà partie de fédération locale des Jeunes Socialistes. Le troisième, Tanguy Caron, résolument de droite, se voit comme futur cadre dans une grande entreprise. Le dernier de la bande, Benoît Messager, a raté son bac mais ne s'en fait pas pour autant, c'est un marginal une sorte de rebelle, il pense trouver le bonheur ailleurs, notamment dans l’art photographique.  

Avec la fin des années lycée, leurs parcours se dispersent : Paul monte à Paris, Tanguy et Rodolphe étudient à Rennes, Benoît reste au pays. Puis le temps passe, le quatuor évolue, et les espoirs et les espérances de bonheur du début ne sont pas toujours au rendez-vous. Paul se cherche toujours, d'autant que sa carrière sur les planches tarde à démarrer. Rodolphe devra faire des compromis pour avancer politiquement. Tanguy vendra son âme au diable, pour se maintenir dans les hautes sphères de l'entreprise. Et Benoît, sur une rencontre due au hasard deviendra un photographe reconnu et renommé. Tous s'épuisent à tenter d'exister dans un monde partial où rien n'est donné. Les idéaux de leur enfance sont loin. Chacun aura ses propres désillusions, le monde est ainsi fait.

François Roux vient d'écrire un roman magnifique de part en part. Sa maîtrise de l'écriture et de son sens narratif impressionne fortement, et cela sur plus de 750 pages ! Dans les longs romans, il y a souvent des passages où l'on s'ennuie fortement, où l'on aurait aimé de la concision, souhaité un élagage qui redynamise l'ensemble. Ici non, malgré sa longueur il n'y a rien de trop, au contraire, on en redemande encore. Son talent magnifie les morceaux de bravoure, les dialogues, les scènes de confrontation, de crise existentielle. D'autant qu'il narre la petite et la grande histoire pour notre plus grand bonheur de lecture. Ah si tous les livres avaient cette force intrinsèque, cette aisance de narration, cette lecture de nos vies, cette description de nos complexités !

Les parcours amoureux de chacun sont épatants de pertinence et de réalisme. François Roux n'élude aucun doute, aucune souffrance. Il s'intéresse à nos motivations profondes, nos révolutions personnelles, celles qui font mal aux autres mais que l'on ne peut pas nier, celles qui nous poussent en avant, mais qui auront besoin d’accommodements plus ou moins vertueux. 

A la fois roman d'apprentissage et chronique d'une génération, ce roman d'une virtuosité folle nous fait revivre les trois dernières décennies, rétablissant le climat social et politique d'une époque charnière, au travers de la vie de quatre jeunes hommes, pleins d'illusions, comme nous l'étions nous-même !

Une vraie réussite, à lire absolument. D'ailleurs, fait rare, je n'ai pas la moindre critique à formuler, c'est un signe !

François Roux, un écrivain à suivre les yeux fermés !



1 nov. 2016



HAÏKU   Partie   XXIII

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

soir d'été
le ciel en feu
s'éteint dans la mer

fleur et abeille
papotent
elles médisent du bourdon

au large
ces geysers vivants
le souffle des baleines

nuit chaude
impudique elle s'exhibe
la lune toute nue

trois petits vers doux
c'est tout
le haïku