26 févr. 2020

" Des éclairs "   de Jean Echenoz   11/20


      Grégor est né pendant une nuit d'orage de 1856 entre électricité et éclairs. Telle sera toute sa vie, passionné par l'un et se passionnant pour l'autre. Esprit affamé de connaissance, Grégor marquera son temps comme inventeur de génie. Ne lui doit-on pas la découverte du courant alternatif  ?  Envisageant à l'avance la radio, les rayons X, les robots, etc. Cependant, peu intéressé par la rentabilité de ses trouvailles scientifiques, il passe une partie de son temps à courir après les mécènes. D'autres, moins dispersés, plus rationnels, mais surtout plus mercantiles, sauront lui dérober le résultat de ses recherches. Vivant la plupart du temps en reclus d'une société qui aura su l'exploiter, il n'aura de compagnie, que celle des éclairs et celle des pigeons.

      Vouloir raconter la vie d'un grand savant, ayant vécu 87 ans, en 150 pages seulement ne relève-t-il point de la gageure ? Ou alors, si cette même vie manque à ce point de piquant et d'originalité, au point de la réduire à si peu de pages, pourquoi souhaiter la narrer ?

      Jean Echenoz fait partie de ces écrivains discrets louangés par le monde de la critique. Le moment était venu pour moi de goûter au sel de ses mots et au style de son écriture. Le hasard a voulu que je tombe sur ce roman de 2010 racontant la destinée de l'ingénieur Nikola Tesla. Pour de légitimes raisons de romancier prenant des libertés avec la vérité, l'auteur a modifié le nom de son personnage principal. Bien, mais pour quel résultat ?
      Les débuts de l'existence de Grégor sont survolés à une vitesse stupéfiante, ses premiers demi-succès aussi, cela n'intéresse pas Jean Echenoz. Non, ce qu'il veut c'est esquisser l'homme perdu dans ses pensées de scientifique et dans l'emballement de son esprit, au point de devenir irascible, sauvage,  méprisant, antipathique, un vrai misanthrope inadapté au monde qu'il côtoie. L'auteur met le doigt sur la solitude de toute personne vivant pour la folie d'une passion, en dehors d'elle, rien, ou si peu existe. Seuls trouveront grâce au goût de Grégor, la féerie des ciels d'orage zébrés d'éclairs, et la fréquentation des pigeons, pour lequel son amour n'aura aucune limite.

      De surcroît, Jean Echenoz n'ouvre aucunement la porte à un balbutiement d'empathie pour Grégor/Tesla. Difficile d'adhérer au profil de l'illuminé schizophrène qui gâche tout... jusqu'à l'amour d'une femme. Sourdant de cela, sa faculté à salir tout ceux qui essaient de lui tendre la main finit par agacer. Ne pas être doué pour le bonheur ou pour la vie, voilà bien le sujet du livre. L’existence de Grégor/Tesla n'est qu'un prétexte pour parler du mal de vivre. Vu sous cet angle le roman prend du relief, mais est-ce suffisant pour rester dans la mémoire d'un lectorat exigeant ? De surcroît, une ou deux pages relatives aux pigeons, cela peut être plaisant, mais en glisser des dizaines ! On atteint vite le stade de la nausée ! Un comble : le roman à beau être court, la fin m'a paru interminable !

      Des éclairs est un roman en demi-teinte. J'aurais aimé me passionner pour une version plus dilatée, plus omniprésente et plus engageante. Dommage ! Il me faudra lire un second livre de Jean Echenoz pour me faire une autre idée de son talent. Remarquez, si l'on se réfère à toute la critique élogieuse que j'ai pu lire ici ou là, apparemment, je suis dans l'erreur, mais je revendique le droit d'être à contre-courant de l'opinion générale. Une chose est certaine : j'exprime avec honnêteté tout mon ressenti. A vous de vous faire une idée... bonne lecture !
      

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